Lors d'une conférence de presse tenue mercredi 6 novembre à Bastia, le collectif "Agissons contre la cherté des carburants en Corse" a plaidé pour une nouvelle impulsion dans le dossier des prix des carburants, dénonçant des « bénéfices records » engrangés par certains groupes pétroliers. Ce collectif citoyen demande une audience auprès du préfet de Corse et de la ministre déléguée Catherine Vautrin pour obtenir des mesures concrètes de régulation, un dispositif déjà mis en place dans les territoires d'Outre-mer.
Frédéric Poletti, représentant du collectif, a souligné la « nécessité » de relancer ce dossier, qu’il juge « d'une importance capitale pour les Corses ». Pour lui, le carburant représente un poste de dépense considérable dans le budget des ménages corses, particulièrement dans les zones rurales où les alternatives à la voiture sont limitées. « En 2015, l'INSEE estimait que la moyenne des dépenses annuelles en carburant par ménage en Corse était de 1 000 euros, contre 700 euros au niveau national. Ce différentiel de 300 euros, qui peut même atteindre 1 700 euros pour les foyers ruraux, est considérable », a-t-il rappelé. « En Corse, où le réseau de transports publics est insuffisant, la voiture est une nécessité. Il faut absolument réguler les prix des carburants pour alléger cette charge. »
D’un point de vue économique, le collectif estime qu'une régulation des prix permettrait de stimuler l'économie locale en retenant une partie des dépenses dans l'île. « Si les prix des carburants en Corse étaient alignés avec ceux de la région Rhône-Alpes, 40 millions d’euros pourraient être injectés dans l'économie insulaire au lieu de sortir de l'île », explique Frédéric Poletti. Cette somme pourrait avoir un impact significatif sur le pouvoir d'achat local plutôt que de « financer des bénéfices pour des sociétés pétrolières extérieures ».
Le collectif dénonce également les pratiques de monopole des grandes compagnies pétrolières, en particulier Total et Vito Corse, accusées de transférer leurs bénéfices vers des actionnaires extérieurs. La récente prise de contrôle de Rubis Terminal, gestionnaire de 70 % des dépôts pétroliers de l'île, par un fonds d'investissement américain, est également source d'inquiétude. « Le risque est que ce fonds prenne des décisions sans tenir compte des réalités locales ni des intérêts socio-économiques de la Corse », avertit Poletti, qui craint des répercussions directes sur les prix du carburant pour les insulaires.
Une régulation possible
Si certains élus corses estiment qu’une autonomie renforcée est nécessaire pour instaurer une régulation des prix, Frédéric Poletti défend une approche qui pourrait être appliquée sans modification du statut de l'île. « On peut accéder à la régulation, même sans autonomie », affirme-t-il. « L'article L410-2 du Code de commerce permet de réguler les prix dans des territoires où des pratiques monopolistiques existent, comme c'est le cas en Outre-mer. Il est temps d’adopter la même approche pour la Corse. » Il rappelle d'ailleurs que l'Autorité de la concurrence avait confirmé en 2021 que cette régulation pourrait être mise en place en Corse sans nécessiter de réforme institutionnelle.
Le collectif regrette que les discussions autour de l'autonomie aient occulté la question des prix des carburants, une problématique pourtant jugée prioritaire par de nombreux Corses. « Le seul moyen de faire baisser les prix est d’appliquer une régulation des prix », martèle Poletti.
Une audience sollicitée
Face à l'absence de progrès dans ce dossier, le collectif demande à rencontrer le préfet de Corse et la ministre Catherine Vautrin pour faire avancer la question. « Il est essentiel de rappeler au préfet que l'État doit garantir que les fonds publics alloués pour compenser le surcoût de l'insularité bénéficient directement aux consommateurs, et non aux bénéfices des entreprises », déclare Poletti. Le collectif a également sollicité un entretien avec la ministre Vautrin pour « obtenir un déblocage du dossier ».
En conclusion, Frédéric Poletti insiste : « Il est nécessaire de relancer cette question qui est prioritaire pour les Corses, car malgré les déclarations passées, nous n'avons toujours pas de décision concrète concernant la régulation des prix des carburants sur l'île. »