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Le coup de colère des agriculteurs contre les vendeurs ambulants de fruits et légumes italiens


Nicole Mari le Vendredi 20 Mai 2016 à 20:19

Depuis deux ans, la colère gronde. Vendredi matin, au rond-point d'Arena-Vescovato en Plaine Orientale, les agriculteurs de la FDSEA ont décidé une opération coup de poing pour déloger des marchands ambulants italiens de fruits et de légumes qui vendent sur le bord des routes des produits importés d’Italie. Une action déterminée pour dénoncer, à l'orée de la saison estivale, un réseau de vente organisé et une concurrence déloyale de produits étrangers, non contrôlés à prix cassés. Le maire de Vescovato, Benoit Bruzi, était présent pour soutenir la mobilisation. Explications, pour Corse Net Infos, de Joseph Colombani, président de la FDSEA de Haute-Corse.



Un marchand ambulant italien, délogé au rond-point de Torra, commune de Vescovato.
Un marchand ambulant italien, délogé au rond-point de Torra, commune de Vescovato.
- Que dénoncez-vous exactement ?
- Depuis deux ans, des points de vente illégaux de produits, qui ne sont pas corses, s'installent sauvagement sur le bord des routes. Sans aucun respect des règles sanitaires. Il n'y a pas de frigo pour les fruits et les légumes, pas de pesée, pas de calibrage, pas d'étiquetage... Aucune mesure d'hygiène et de contrôle alors que ces mesures sont imposées aux agriculteurs et leur coûtent cher.
 
- Ces produits ne subissent-ils pas de contrôles phytosanitaires ?
- Personne ne le sait ! Les services de l'Etat sont mobilisés sur cette affaire, mais ils sont dépassés. Il n’y a que deux agents pour toute la Haute-Corse, que peuvent-ils faire ! Ce matin, le Préfet m'a dit qu'il allait multiplier les contrôles, mais ça reste des contrôles papier, pas des contrôles sanitaires, sur la pesée ... Depuis deux ans, la sphère administrative et réglementaire a laissé faire.
 
- Ces produits ne proviennent-ils pas de l'agriculture locale ?
 -Non ! Absolument pas ! Aucun produit vendu au bord des routes n'est un produit corse ! Ces fruits et légumes, que beaucoup de Corses et même de touristes croient être des productions locales, viennent de Naples. Ce ne sont pas des agriculteurs qui vendent leurs productions, mais un réseau organisé, une société qui place des marchands ambulants sur le bord des routes en Corse et dans le Sud de la France. Un camion frigo arrive d'Italie, les livre tous les deux jours, fait le tour de la Corse, repart en Italie, puis revient... C'est le même système que celui organisé avec les Africains que l'on voit l'été, le long des plages. Ce réseau s'implante dans toute la Corse : Calvi, Île Rousse, Ponte-Leccia, Bastia, Moriani, Propriano...
 
- Les vendeurs sont-ils également étrangers ?
- Oui ! Ce ne sont pas des Corses ! Ce sont des gens qui viennent plutôt du Sud de l'Italie. Ce sont des employés d'une société qui travaillent souvent dans des conditions déplorables pour des salaires de misère. Le fait que ce soit un réseau, et pas des petits producteurs qui écoulent leurs produits, est insupportable. Il y a, tout à la fois, tromperie sur la marchandise, tromperie sur l'origine des produits, maltraitance des vendeurs.... Ces gens-là sont maltraités, exploités ! Ils dorment dans des camions, sont exposés dehors au vent, au soleil, à la pluie. C'est une honte de permettre ça en 2016 !
 
- Combien sont-ils ?
- En ce moment, entre dix et quinze qui tournent sur toute la Corse. Leur nombre monte en puissance en pleine saison estivale.
 
- Ces ventes durent depuis un certain temps. Pourquoi réagir maintenant ?
- Nous avons décidé de réagir parce que nous sommes au début de la saison. Cet hiver, nous avons été laxistes parce qu'il n'y avait pas de production locale. Maintenant, les agriculteurs, les maraichers et les arboriculteurs corses entrent en phase de production. Ces produits sauvages concurrencent illégalement nos produits locaux. Alors, nous avons décidé de dire clairement : Stop ! Basta ! Nous n'accepterons plus ! C'est fini ! Ou alors qu’on arrête de nous parler du PADDUC (Plan d'aménagement et de développement durable de la Corse), des ESA (Ecole supérieure d’agriculture), de l'installation des jeunes... ! Ce n'est pas pour rien si la Corse a 22 000 chômeurs. Il serait temps de s'inquiéter de notre sort, de l'hygiène de la population, du sanitaire et de notre économie.
 
- Portez-vous plainte ?
- Non ! Nous préférons agir per u modu nostra. A travers cette action déterminée, nous voulons envoyer un message à tous ces vendeurs et les avertir que, désormais, nous allons les harceler. Dès que nous en verrons un sur le bord de la route, nous le ferons partir. Nous avons pris contact avec des agriculteurs du Sud qui vont bientôt engager des actions. Nous voulons expliquer à l'opinion publique pourquoi nous faisons ça et comment nous le faisons. Ce n'est pas une opération clandestine violente, c'est une opération publique déterminée, basée sur des règles simples qui sont l'aspect économique, l'aspect sanitaire et même l'aspect humain.
 
- Pouvez-vous chiffrer le manque à gagner pour les agriculteurs locaux ?
- Le manque à gagner se chiffre en plusieurs dizaines de milliers d'euros. Il y a aussi un préjudice en termes d'image de nos produits. Les gens pensent que les produits et les vendeurs sont corses, que ces produits, qui n'ont pas la même qualité que les nôtres, sont produits ici. Aujourd'hui, ce réseau ne vend que des fruits et légumes, demain, il peut se mettre à vendre du fromage, de la charcuterie... Imaginez ce qui peut arriver : l'exportation de charcuterie est interdite en Sardaigne à cause de la peste porcine.... Quels contrôles fait-on sur ces produits qui viennent d'Italie et qui sont vendus à des prix très bas ? Viennent-ils de zones contaminées qui n'ont pas le droit d'exporter ? On a le droit de s'inquiéter ! Cet état de fait ne peut plus durer !
 
Propos recueillis par Nicole MARI.
 

Mobilisation des agriculteurs de la FDSEA.
Mobilisation des agriculteurs de la FDSEA.

Les précisions du préfet de Haute-Corse

Les ventes au déballage font l’objet d’une réglementation fixée par le Code du commerce en matière d’occupation du domaine public, de vente au déballage, de publicité des prix et de marquage normatif des colis de fruits et légumes.
Le non-respect de ces règles peut faire l’objet de sanctions, par voie d’amendesadministratives.

 

Les services de l’Etat procèdent à des contrôles réguliers sur la voie publique, à chaque fois qu’est constatée une vente au déballage à proximité des routes du département, notamment de fruits et légumes. Ces opérations de contrôles interministériels mobilisent plusieurs agents de l’Etat, et sont menées conjointement par les services de la gendarmerie et ceux de la DDCSPPde la Haute-Corse. Tout en rappelant le principe de liberté du commerce et l’exercice reconnu du commerce non sédentaire, les contrôles ont pour but de vérifier le respect des dispositions législatives et réglementaires applicables à ce type de ventes, à savoir les règles d’occupation du domaine public, de la vente au déballage, de l’information du consommateur sur les prix et normes de qualité des produits agricoles et de l’hygiène des établissements.

 

Ainsi, par exemple, il a été organisé le 12 mai 2016, une opération de contrôles des ventes réalisées par des commerçants ambulants qui se trouveraient installés sur ou à proximité des voies de circulation du département. Les recherches effectuées sur la zone du sud de la plaine orientale, sur le centre corse (Ponte Leccia en particulier) et sur la Balagne ont relevé l’absence de vendeurs ambulants sur ces zones ce jeudi 12 mai 2016. Deux vendeurs ont été par contre repérés et contrôlés au sud de Bastia sur la commune de Vescovato : un vendeur de fruits et légumes dont l’installation sur un terrain privé semble sédentaire et un vendeur ambulant (vente de poteries) installé sur le domaine public de la CTC.
Ces constatations ont mis en évidence des manquements, relevés par procès-verbal, qui donneront lieu aux sanctions appropriées (amendes administratives et contraventions de 5ème et 3ème classe).
Ces contrôles seront réitérés de manière aléatoire et accentués durant toute la période estivale.