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Législatives : L’union impossible des nationalistes


Nicole Mari le Mercredi 12 Juin 2024 à 21:36

L’union entre nationalistes désirée par Femu a Corsica et Core in Fronte pour ne pas gêner les députés sortants ne se ferait finalement pas, ni entre les trois signataires du consensus sur l’autonomie, ni avec Nazione qui a refusé de participer aux discussions. Le parti indépendantiste pourrait faire cavalier seul sur les quatre circonscriptions, mais la décision n’est pas encore tranchée. Aucun accord n’a pour l’heure été trouvé entre Femu a Corsica, le PNC et Core in Fronte pour des candidatures communes. Chacun devrait partir de son côté.



Les trois députés sortants en 2017 au temps de l'union : Jean-Félix Acquaviva, Paul-André Colombani et Michel Castellani. Photo archives.
Les trois députés sortants en 2017 au temps de l'union : Jean-Félix Acquaviva, Paul-André Colombani et Michel Castellani. Photo archives.
Deux jours de discussions n’auront pas suffi pour trouver un terrain d’entente entre les quatre forces nationalistes. S’il n’a fallu que quelques heures aux partis nationaux de gauche pour construire « un nouveau front populaire » afin d’« éviter une catastrophe », et ce, malgré d’âpres antagonismes de personnes et de profondes divergences de fond, les quatre partis nationalistes corses, qui ont peu de divergences sur le fond, mais des haines tenaces, n’ont pas su trouver un terrain d’entente global. Nazione a d’emblée refusé de participer aux réunions, de ce côté-là, la messe était dite. Malgré l’espoir qui a germé pendant quelques heures, les discussions entre Femu a Corsica, le PNC et Core in Fronte ont très vite sombré dans une impasse. L’appel à la raison n’a pas prévalu. Les mariages de raison ne fonctionnent plus.
 
Nazione en cavalier seul
L’appel à l’union prôné déjà depuis un certain par Core in Fronte et l’appel au rassemblement lancé par Femu a Corsica depuis dimanche soir pour établir une plateforme commune, soit sur le principe de Pè a Corsica de décembre 2015, soit sur le consensus autour de l’autonomie de juillet 2023, n’ont pas été entendu par Corsica Libera, devenu Nazione. Le parti indépendantiste, qui a voté contre le processus d’autonomie, a fait la sourde oreille à la demande de discussion de ses anciens alliés. Sa rancœur envers la majorité territoriale et le président de l’Exécutif, Gilles Simeoni, reste toujours aussi intense. La fracture avec Core in Fronte, qui date d’une dizaine d’années, semble irréconciliable. Le torchon a brûlé depuis les élections territoriales de 2021 avec le PNC. Une position qui n’a pas été sans tension au sein même de l’Exécutif et des militants de Nazione où divers courants s’affrontent. Il y a ceux qui estiment qu’il serait temps d’enterrer les haches de guerre et ceux qui campent durement sur leurs postures, ceux qui ne voient pas l’intérêt de s’engager dans une élection avec une campagne aussi courte et ceux qui y voient l’occasion de porter un message. Nazione avait, dans un premier temps, décidé de présenter un candidat dans chacune des quatre circonscriptions insulaires. Les noms sont déjà actés : Josepha Giacometti et Ghjuvan-Filippu Antolini dans respectivement la 2nde et la 1ère circonscription de Haute-Corse, Jean-François Durazzo et Jean-Paul Carrolaggi dans respectivement la 2nde et 1ère circonscription de Corse du Sud. La Cunsulta, qui s’est tenue mardi soir à Corti, si elle a confirmé le refus de l’union, n’a pas définitivement décidé. Une nouvelle Cunsulta est prévue jeudi soir pour trancher la question.
 
L’entre-deux du PNC
Du côté des trois autres forces qui ont signé l’accord d’autonomie, l’union était à priori sur la table d’hypothétiques discussions, qui ont finalement eu lieu mardi soir et mercredi à Corti, mais n’ont guère été simples. L’annonce par le PNC de la candidature de Paul-André Colombani dans la 2nde circonscription de Corse du Sud, sans attendre de rencontrer Femu et Core in Fronte, a jeté un froid chez ses éventuels partenaires. Même si la candidature du député sortant coule de source et ne fait l’objet d’aucune contestation chez les deux autres partis qui auraient bien voulu négocier le suppléant. Le PNC, qui n’a pas parlé d’union, a averti qu’il ne mettrait pas de bâton dans les roues des deux autres députés sortants de Haute-Corse, demandant qu’on lui rende la pareille. Une sorte de jeu neutre pour ne pas gêner la réélection de Paul-André Colombani, fragilisée par le haut score du Rassemblement national dans l’Extrême-Sud et à Aiacciu et la stratégie perdante de soutien à la candidate macroniste aux Européennes. Mais la situation est loin d’être aussi claire, tant le jeu du PNC avec la droite est ambigu. Les élus PNC de Casinca roulent ouvertement, comme en 2022, pour le candidat de droite, François-Xavier Ceccoli. Les accords dans le Sud entre Jean-Christophe Angelini et le député d’Aiacciu Laurent Marcangeli, sont un secret de polichinelle qui n’est même pas démenti. Nul ne sait non plus où iront les voix du PNC à Bastia et en Balagne. Femu a Corsica, déjà échaudé par le scrutin de 2022, attend des engagements concrets notamment sur la 2ème circonscription de Haute-Corse que le PNC se refuse à donner.
 
La méfiance de Femu
Le parti de la majorité territoriale, qui tente de jouer l’union sur le tard, était bien conscient qu’il ne pouvait effacer, d’un coup de baguette magique, les rancœurs qui empoisonnent les relations avec son ancien allié et qui éclatent à chaque session de l’Assemblée de Corse. Mais là aussi, nécessité fait loi. Si le député de la 1ère circonscription de Haute-Corse, Michel Castellani, ne devrait pas avoir trop de souci à se faire pour sa réélection, celle du député de la 2nde circonscription de Haute-Corse, Jean-Félix Acquaviva, est un vrai enjeu. L’élu niolin, qui cristallise aussi les ressentiments de ses anciens colistiers, avait arraché la victoire de justesse en 2022 à son challenger de droite qui avait bénéficié à plein de l’explosion de l’union Pe a Corsica. Il avait aussi pâti au 1er tour de la candidature du maire de Belgudè, Lionel Mortini, qui ne se représente plus. L’autre point de crispation est la 1ère circonscription d’Aiacciu où Romain Colonna avait réalisé une belle élection en 2022, mettant sérieusement en difficulté le favori Laurent Marcangeli qui ne l’avait emporté que d’une courte tête. Aujourd’hui, le député sortant, président du groupe Horizons, pourrait lui aussi pâtir de la déroute macroniste aux Européennes, de l’énorme score du RN dans la circonscription, mais aussi des divisions de la droite ajaccienne. Le PNC, qui ne lui oppose pas de candidat, demande à Femu d’en faire autant. Il ne veut surtout pas de la candidature de Romain Colonna. Un prérequis difficile à accepter pour le parti majoritaire qui ne voit pas pourquoi il sacrifierait son militant qui a totalisé 48% des votes au 2nd tour du précédent scrutin législatif alors que le PNC refuse un accord sur la 2nde circonscription de Haute-Corse. Sans accord politique, pas d’union ! Il y a entre les deux partis un vrai problème de convergence. Les positions sont trop divergentes. Et il manque l’ingrédient le plus important : la confiance.
 
Core in Fronte au départ
Le parti indépendantiste Core in Fronte a tenté, pendant des mois, de jouer les pacificateurs. Sans grand succès. Son appel réitéré à la raison a rencontré peu d’écho. Pour Core in Fronte, il était évident de faire bloc autour des trois députés sortants qui n’ont pas démérité et de soutenir ainsi le processus d’autonomie dont l’avenir est rendu incertain par la dissolution de l’Assemblée nationale. Le parti indépendantiste, qui a discuté de son côté pendant deux jours avec Femu d’une part et le PNC de l’autre, n’a pu qu’acter le désaccord. Mercredi, Core in Fronte a décidé de présenter un candidat dans chaque circonscription. Des noms circulent déjà. Les choses devraient se préciser dans les prochains jours.
 
N.M.