Corse Net Infos - Pure player corse

Les Frac à l’heure olympique. Fabien Danesi : "J’ai construit un projet comme une ode à la diversité"


Francesca-Orsula Angelini le Dimanche 4 Août 2024 à 18:13

De l'art contemporain au célèbre circuit des 24 Heures du Mans, en passant par le boulodrome, la piscine ou les sentiers de randonnée, 13 villes françaises, dont Sartène, accueilleront de mai à octobre des expositions dans des lieux sportifs. En hommage aux Jeux olympiques, ce projet, intitulé « Art & Sport » et labellisé Olympiade Culturelle, est orchestré par Fabien Danesi, directeur du FRAC Corsica. Initié par la Réunion des musées nationaux - Grand Palais, ce dispositif original offre une nouvelle perspective sur l'art contemporain.
Rencontre



Fabien Danesi, directeur du FRAC Corsica, à été nommé commissaire d'exposition pour le projet "Art & Sport", du GrandPalaisRmn, qui se déroule de mai à octobre 2024, au niveau national. ©Rita Scaglia
Fabien Danesi, directeur du FRAC Corsica, à été nommé commissaire d'exposition pour le projet "Art & Sport", du GrandPalaisRmn, qui se déroule de mai à octobre 2024, au niveau national. ©Rita Scaglia
Comment est né le projet "Art et Sport" et l’idée d'intégrer l'art contemporain dans des infrastructures sportives ?
Il y a deux ans, Agnès Wolff, directrice de la Production et de la Programmation Artistique du GrandPalaisRMN, m’a sollicité pour développer un projet liant l'art et le sport en prévision des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Plutôt que d’organiser une énième exposition thématique sur le sport, j’ai préféré considérer le sport et l’art comme des pratiques complémentaires. L’objectif était de présenter l’art dans des lieux sportifs, tels que le circuit des 24 Heures du Mans, un boulodrome ou un mur d'escalade. En Corse, c’est la randonnée qui s’est naturellement imposée. Le projet, une véritable ode à la diversité, se compose de 13 expositions dans les 13 régions françaises, chacune mettant en avant une pratique unique sans privilégier de format ni de médium, reflétant ainsi le caractère pluriel de l’art contemporain.
Comment le choix des artistes et des œuvres s’est-il effectué pour ce cycle d’expositions, notamment celle de Yuyan Wang en Corse ?
La règle était de s’appuyer sur les collections des 22 Fonds régionaux d’art contemporain de France, totalisant plus de 35 000 œuvres. J’ai passé des semaines à explorer ces collections. Pour la Corse, la randonnée nous a menés au phare de Senetosa à Sartène, un cadre idéal pour accueillir une vidéo. Le FRAC Bretagne venait d’acquérir une œuvre de Yuyan Wang, une artiste chinoise vivant partiellement en Corse. Sa réflexion sur la lumière et son œuvre sur les lumières LED s’accordaient parfaitement avec la symbolique du phare de Senetosa, créant un dialogue poétique et pertinent.
Quels sont les défis et les opportunités liés à l’exposition d’art contemporain dans des lieux sportifs et inhabituels ?
Exposer dans des lieux non dédiés à l’art pose des défis en termes de sécurité et d’organisation. Sur les 80 œuvres exposées envrion, la majorité sont des photographies et des vidéos, car elles sont moins fragiles que les œuvres sur papier ou les peintures. Il était crucial de respecter la temporalité et le fonctionnement des infrastructures sportives, ce qui demandait une grande flexibilité. Certaines expositions ont duré de quatre jours à deux mois avec des horaires variés. C'est en raison de cette diversité des contextes que ce projet a été un véritable défi à réaliser.
L’exposition "Look on the Bright Side" de Yuyan Wang aborde l’impact des lumières LED et l’extractivisme. Comment ce thème a-t-il été perçu au phare de Senetosa à Sartène ?
Le film de Yuyan Wang est riche en interprétations, mais c'est avant tout un poème visuel. Elle a filmé des usines de fabrication de lumières et y a intégré des images trouvées sur Internet, créant une dérive hypnotique autour de la lumière. La qualité d’écoute du public a été remarquable. Bien que peu habitués à ce format, les spectateurs ont montré une grande attention, appréciant la qualité abstraite et rêveuse de l’œuvre.
Quels sont les objectifs principaux de cette exposition en termes de sensibilisation et de message pour les visiteurs ?
Au phare de Senetosa, nous cherchons à offrir une expérience immersive. La marche de 1 heure 30 pour atteindre le site, suivie de l’admiration du coucher de soleil avant la projection, crée une expérience contemplative au sein d'une architecture patrimoniale. L’art contemporain n’est pas seulement une question de jugement esthétique, mais une expérience sensible à vivre. Cette exposition invite donc les spectateurs à se laisser porter par les images pour créer leur propre interprétation mentale.
En tant que directeur du FRAC Corse, comment évaluez-vous l’impact de cette exposition sur la région ?
À l’échelle nationale, ce projet est ambitieux, mais à l’échelle de chaque région,  il reste souvent modeste avec quelques œuvres exposées, à Senetosa une seule œuvre impliquée. L’essentiel est d’avoir offert une expérience artistique à des personnes qui ne visitent pas habituellement les musées ou les centres d’art. Ces « pocket shows » créent un goût pour l’art et la création, et entretiennent une relation de proximité avec le public.
Quelles sont vos recommandations pour les visiteurs qui vont découvrir cette exposition au phare de Senetosa ?
Il est important de bien s’hydrater pour la marche (rires). Les visiteurs devraient apprécier le magnifique coucher de soleil, attendre l'éclairage du phare à la nuit tombée, puis s’asseoir pour regarder le film de Yuyan Wang. Cette expérience permet de découvrir un nouveau vocabulaire visuel et de prendre le pouls de notre époque, l’art contemporain capturant les mutations de notre civilisation. Le film de Wang, avec son montage sophistiqué d’images, permet de ressentir les changements de notre société.