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Lutte contre les dérives mafieuses : une nouvelle session de l'Assemblée de Corse à la rentrée


le Lundi 31 Juillet 2023 à 19:04

Après 5 mois de travaux, les ateliers chargés de se pencher sur les « dérives mafieuses » en Corse ont fait leur bilan le 26 juillet dernier. L’occasion pour les collectifs anti-mafia de préciser les préconisations qu'ils ont pu faire à cette occasion à l’instar de la création d’une commission indépendante. Une nouvelle session extraordinaire doit être prochainement organisée



La restitution du travail des cinq ateliers issus de la résolution sur les « dérives mafieuses » a eu lieu le 26 juillet dernier dans les locaux de la Collectivité de Corse à Ajaccio (Photo : Twitter Gilles Simeoni)
La restitution du travail des cinq ateliers issus de la résolution sur les « dérives mafieuses » a eu lieu le 26 juillet dernier dans les locaux de la Collectivité de Corse à Ajaccio (Photo : Twitter Gilles Simeoni)
« 5 mois de travaux, 35 réunions, 23 auditions. Un débat constructif, des divergences parfois, et de nombreuses propositions  ». Mercredi dernier, Gilles Simeoni ne cachait pas sa satisfaction à l’heure de la synthèse du travail des cinq ateliers issus de la résolution sur les « dérives mafieuses » votée à l’Assemblée de Corse en novembre 2022. Réunissant élus et représentants de la société civile, ces ateliers se sont penchés sur cinq thèmes majeurs dans la lutte contre les phénomènes mafieux sur l’île : éthique et politiques publiques ; secteurs économiques particulièrement exposés aux dérives mafieuses ; drogues et addictions ; dérives mafieuses : instrument d’analyse et de quantification-procédure, droit et politiques pénales ; et éducation. 
 
Des travaux qui ont donné lieu à « une somme considérable d’interventions et d’échanges (qui) a permis aux participants de proposer des préconisations » selon le Culletivu Massimu Susini. « Ces préconisations ont l’ambition d’être des moyens concrets pour lutter contre la mafia dans le cadre des compétences que détient la Collectivité de Corse. Certaines d’entre-elles se projettent également pour le cas où la Corse évoluerait vers l’autonomie », a-t-il expliqué.

D'autre part, le collectif indique que s’il a constaté « une présence permanente des élus de Fà Populu Inseme et de l’ensemble des associations et collectifs », il a « cependant été très surpris de l’absence quasi systématique des autres groupes politique de l’Assemblée ». « Aucune explication cohérente ne nous a été donnée », regrette-t-il en sifflant : « Il semblerait que voter une résolution sur les dérives mafieuses soit plus aisé que de débattre des moyens de lutte pour s’opposer à la mafia. Le malaise est bien perceptible. Mais fuir le débat n’est pas la bonne option ». 

Créer une commission anti-mafia indépendante

En outre, il note qu’à « la lecture des nombreuses auditions, que nous manquons d’outils statistiques et d’analyse pour quantifier la profondeur de l’emprise mafieuse ». « Nous avons bien les terribles chiffres des assassinats et des attentes qui ont touché des élus, des responsables, des entreprises pour le contrôle du marché des déchets, des marchés publics, ou pour la mainmise sur la chambre de commerce, mais des investigations et des études plus larges sont nécessaires pour appréhender le phénomène criminel sous tous ses aspects », souligne-t-il ainsi. 
 
Aussi l’organisation indique avoir préconisé « une mesure générale qui répond à une préoccupation exprimée dans tous les ateliers » : « la création d’une commission antimafia indépendante sous le patronage et le soutien de la Collectivité de Corse, mais pas sous son contrôle ». Cette commission qui serait composée « d’élus motivés, des collectifs et d’associations actifs dans la lutte antimafia, de personnalités et de chercheurs intéressés par ce champ de recherche » aurait pour objectifs d’évaluer l’importance de l’emprise mafieuse en Corse ainsi que ses champs de prédation, les outils que se donne la CdC pour lutter contre la mafia mais également leur efficacité mais aussi l’action de l’État et son efficacité, et devrait également rendre régulièrement publiques ses observations « afin que les Corses soient parfaitement informés de la situation ». Une préconisation qui « a reçu un très large écho favorable », selon le collectif Massimu Susini qui, par la voix de Manette Battistelli, a également « rappelé qu’un projet d’autonomie sous la menace mafieuse ne serait pas viable et ne serait certainement pas accepté par les Corses ». 

" Les lignes sont en train de bouger "

De son côté, Léo Battesti du collectif A Maffia no, a Vita ie tire « un bilan globalement positif » du travail de ces ateliers. « Depuis la création des collectifs le paysage politique a évolué, tout comme les approches. Il n’y a plus de débat sémantique, de réticence à dire qu’il faut aborder ce problème de la mafia », explique-t-il en reprenant : « Le fait marquant c’est que le président de l’Exécutif, Gilles Simeoni, et la présidente de l’Assemblée de Corse, Nanette Maupertuis, ont tous deux affirmé à plusieurs reprises que le combat contre le système mafieux était une priorité pour la Collectivité et pour la Corse. C’est déjà un grand pas et cela rejoint notre préoccupation qui est de dire que l’on ne peut pas envisager une véritable autonomie vertueuse dans les conditions actuelles s’il n’y a pas de mesures qui sont mises en place pour empêcher toute cette porosité politique et pour empêcher ces bandes de voyous d’avoir une puissance et un lobbying dans la sphère économique et politique de l’île ».
 
Autre point positif pour l’association, le gros travail réalisé « principalement par les associations citoyennes, mais également certains élus pour trouver des propositions concrètes ». « Dans le domaine de compétences territoriales il y a des propositions importantes qui vont bénéficier d’un large consensus si ce n’est d’une unanimité en matière de contrôle, de nouvelles façons de concevoir certaines gestions ou bien dans des domaines sensibles de la compétence de l’Assemblée », dévoile-t-il en ajoutant : « Et puis les lignes sont aussi en train de bouger au niveau du pouvoir régalien puisqu’il y a de plus en plus de personnes qui considèrent que les lois pénales doivent s’adapter d’autant qu’en France le système mafieux existe également. On a même entendu le Garde des Sceaux actuel qui a dit qu’il fallait s’inspirer de l’Italie ». 
 
Après la restitution du travail des ateliers, une synthèse doit prochainement être réalisée afin d’être soumise à l’Assemblée de Corse au cours d’une nouvelle session extraordinaire qui aura lieu à la rentrée.