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Michel Barnier à Matignon : « Un choix surprenant » pour les députés nationalistes corses qui « jugeront sur pièces »


Nicole Mari le Jeudi 5 Septembre 2024 à 18:58

Ex-commissaire européen, plusieurs fois ministre sous les mandatures de droite, négociateur en chef du Brexit, le LR Michel Barnier vient d’être désigné à 73 ans Premier ministre par le Chef de l’Etat, Emmanuel Macron, mettant fin à 51 jours de suspense. Réactions à chaud pour Corse Net Infos des deux députés nationalistes corses : Michel Castellani, député Femu a Corsica de la première circonscription de Haute-Corse, et Paul-André Colombani, député PNC de la deuxième circonscription de Corse-du-Sud, tous deux membres du groupe LIOT.



ichel Castellani, député Femu a Corsica de la première circonscription de Haute-Corse, et Paul-André Colombani, député PNC de la deuxième circonscription de Corse-du-Sud, tous deux membres du groupe LIOT.
ichel Castellani, député Femu a Corsica de la première circonscription de Haute-Corse, et Paul-André Colombani, député PNC de la deuxième circonscription de Corse-du-Sud, tous deux membres du groupe LIOT.
Après 51 jours de suspense, de nombreuses tractations et quelques noms lancés en pâture pour sonder l’opinion des groupes parlementaires, le Chef de l’Etat, Emmanuel Macron, a nommé, ce jeudi 5 septembre, Michel Barnier à Matignon. Son nom, qui courait depuis la veille dans la course aux favoris, a finalement été confirmé par un communiqué de l’Elysée peu avant 13h30, doublant sur la ligne d’arrivée d’autres candidats potentiels. C’est donc à un homme de droite, membre des Républicains, grand Européen, avec une longue expérience politique et un sens reconnu du compromis que le Chef de l’Etat a « chargé de constituer un gouvernement de rassemblement au service du pays et des Français », selon le communiqué de l’Elysée. Avec en perspective, la gageure de l’élaboration de la loi de Finances pour 2025. Agé de 73 ans, Michel Barnier a été président du Conseil général de Savoie, député, eurodéputé, sénateur, quatre fois ministre, à l’Environnement, à l’Agriculture et de la Pêche, aux Affaires européennes et aux Affaires étrangères durant les mandats de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy. Nommé deux fois commissaire européen, à la politique régionale, puis au marché intérieur, il s’est notamment illustré après la crise économique de 2008, et comme négociateur en chef du BREXIT avant d’être recalé à la primaire des Républicains pour la présidentielle de 2022. Une longue carrière et une étiquette politique que les deux députés nationalistes corses, membre du groupe LIOT, Michel Castellani et Paul-André Colombani, envisagent avec prudence et réserve.

Michel Castellani : « Pour nous, l’hypothèque la plus importante est de savoir quelle politique, il compte conduire en Corse »

« C’est une nomination qui minimise, autant que faire se peut, les risques d’instabilité. Elle bénéficiera des voix des LR par définition et des voix des Macronistes, ce qui fait un peu plus de 200 députés. Après, c’est à Michel Barnier d’obtenir la neutralité du Rassemblement National (RN), qui a, d’ailleurs, déjà annoncé qu’il jugera sur pièces. A priori, le RN ne mettra pas de carton rouge. Ce qui le met le nouveau Premier ministre à l’abri d’une motion de censure immédiate ». Le député Femu a Corsica de la première circonscription de Haute-Corse, Michel Castellani, membre du groupe indépendant LIOT, explique que Michel Barnier n’aura pas d’autre choix que de rassembler le plus largement possible : « Il va falloir qu’il soit rassembleur. Mais ce ne sera pas simple, parce qu’il aura à traiter des dossiers très difficiles, d’abord le budget, puis les retraites, le chômage, la fin de vie et des tas d’autres sujets... ». Pour l’élu nationaliste, issu de la majorité territoriale, la question essentielle reste la Corse : « Pour nous, l’hypothèque la plus importante est de savoir quelle politique, il compte conduire en Corse. Est-il susceptible de reprendre ou pas le processus Beauvau ? Je poserai la question dès que j’aurai une ouverture. D’abord, je lui poserai la question en privé quand je le verrais, ensuite je poserai la question officiellement dans l’hémicycle ». Michel Castellani estime qu’on y verra plus clair avec la nomination du gouvernement.  « Il faut attendre de voir comment sera constitué le gouvernement avec quelles sensibilités, savoir qui sera nommé au ministère de l’Intérieur ? Que deviendra Gérald Darmanin ? Y aura-t-il un ministre en charge des territoires et donc de la Corse ? Ce sont des questions importantes qui se posent ». Pour lui, le Premier ministre devrait en toute logique former assez rapidement le nouveau gouvernement, et peut-être ensuite demander un vote de confiance, lors de son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale. S’il reconnaît à Michel Barnier, une grande expérience, le député bastiais reste prudent. « Là où Barnier s’est fait le maximum de réputation, c’est à l’échelle européenne. Maintenant, va-t-il aborder les dossiers comme un technocrate européen ou comme un Premier ministre protecteur des territoires périphériques, des îles et notamment de la Corse ? C’est un grand enjeu. Nous allons très vite le voir. Si c’est un technocrate, on en tiendra compte. Si c’est un homme de dialogue, qui comprend les problématiques territoriales, on en tiendra compte aussi. Avec le groupe LIOT, nous jugerons sur pièces ».

Paul-André Colombani : « Nous avons un certain nombre de marqueurs. Le parti, dont il est issu, nous laisse sur la réserve »

« Le nom circulait depuis hier soir. On passe en matière de Premier ministre du plus jeune ou plus âgé ! ». Le député PNC de la deuxième circonscription de Corse-du-Sud, Paul-André Colombani, reconnait d’emblée à Michel Barnier une personnalité intéressante : « L’homme, lui-même, a beaucoup d’expérience et de prestige, beaucoup d’aura parce qu’il a su traiter de gros dossiers au niveau européen, comme le Brexit. Il a organisé les Jeux olympiques d’Albertville. Il a été plusieurs fois ministre, donc ce n’est pas un inconnu. Maintenant, dans le contexte actuel, sera-t-il l’homme de la situation ?». Derrière cette interrogation, l’élu nationaliste, également membre du groupe LIOT, laisse transparaître sa perplexité : « Si on se tient simplement au fait qu’il est issu des Républicains, qui n’a pas été le parti le plus en forme aux dernières élections, le choix d’un Premier ministre issu de ce parti est plutôt surprenant. Les Républicains n’ont pas fait les meilleurs scores aux Présidentielles, aux Législatives, aux Européennes… C’est un choix plutôt surprenant à moins qu’on ait voulu juste éviter la censure de Marine Le Pen. Dans ce cas, ça ne servait à rien de demander à tout le monde de faire barrage au RN pour les législatives ! Si le choix a été fait sur ces critères- là, ce ne serait pas un bon signal ». Le député de l’Extrême-Sud reste circonspect et se réserve le droit de voter une censure : « Nous attendons de voir le projet qu’il posera sur la table. Il lui faudra arriver à un certain consensus pour éviter une censure. Nous n’allons bien évidemment pas censurer l’homme, mais, si besoin, censurer le projet. Le parti, dont il est issu, nous laisse sur la réserve. Il est issu des Républicains, il va donc coller au programme des Républicains. Il ne faut pas oublier qu’il a participé au primaire de la droite en 2022 ». Mais reconnaît-il, « Tant qu’on n’a pas vu le projet, on ne peut pas se prononcer sur les seuls critères dont nous disposons aujourd’hui ». Et de préciser : « Nous avons un certain nombre de marqueurs. Nous attendons de voir ses propositions concernant le pouvoir d’achat, la sécurité, et évidemment le projet pour la Corse. On verra bien s’il parle de la Corse ». Paul-André Colombani espère au moins que le nouveau Premier ministre, de par ses précédentes fonctions, pourra aider la Corse, notamment dans les difficiles négociations avec l’Union européenne. « Il pourrait faire le lien grâce à des anciennes fonctions, avec Bruxelles, et peut-être nous aider sur les sujets que nous devons débattre avec l’Europe, ce soit la continuité territoriale, ou autre… ». Pour arriver à rassembler, le nouveau Premier ministre devra prendre le temps de consulter les chefs de partis et les présidents des groupes politiques représentés à l’Assemblée nationale, explique Paul-André Colombani : « Lors de son discours de politique générale, il peut demander un vote de confiance, mais ça m’étonnerait », Avant de conclure : « La seule question est de savoir quel budget il présentera. Le budget pour 2025 sera voté au mois d’octobre ou de novembre, sinon il sera rejeté. Le marqueur politique est là ».
 
Propos recueillis par Nicole Mari.