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Nouvelle école de Pifano à Porto-Vecchio : les premières impressions, après deux semaines de classe


le Dimanche 9 Février 2025 à 17:02

Le 27 janvier à Porto-Vecchio, les 179 écoliers de Pifano quittaient leur ancienne école pour découvrir la nouvelle, prête à les accueillir après deux ans de travaux. Construit en plein coeur de ce quartier prioritaire, l’établissement séduit ceux qui l’ont investi, de par son architecture, son espace et sa tranquillité. Mais dans le quartier, il y a aussi d’autres avis, moins enthousiastes...



Devant la nouvelle école, une place a été aménagée pour devenir peut-être le nouvelle centralité du quartier de Pifano.
Devant la nouvelle école, une place a été aménagée pour devenir peut-être le nouvelle centralité du quartier de Pifano.
Comme tout quartier étiqueté « prioritaire », Pifano a souffert de son enclavement. Pour les Porto-Vecchiais n’y résidant pas, rares étaient les occasions de s’y rendre. Mais il y a quatre ans, tout a changé. Grâce aux politiques de rénovation urbaine, l’Animu (la médiathèque de la ville) a pu voir le jour, devenant une véritable porte d’entrée pour le quartier. La construction d’une nouvelle école maternelle, juste derrière la médiathèque, s’inscrit dans cette même logique de désenclavement. Une centaine de mètres sépare l’ancienne école de la nouvelle. Cent mètres, c’est rien. Pourtant aujourd’hui, la nouvelle école occupe une place centrale dans le quartier, quand l’ancienne, guère mise en valeur, avait tendance à s’effacer du paysage.

A contrario, le travail réalisé sur le nouvel établissement par le cabinet Orma Architettura a abouti à une identité visuelle forte. De par ses formes arrondies et les matériaux choisis, tels que le béton à l’aspect porphyre rose, l’école revendique son hommage aux fortifications porto-vecchiaises. Le projet met aussi en avant l’utilisation du pin lariciu, qui a été prélevé dans la forêt de l’Ospedale pour la première fois en cinquante ans. Transformé en charpentes, ce bois représente un tiers du gros œuvre, réduisant l’impact environnemental et renforçant l’économie locale. Il a même été utilisé pour concevoir les casiers devant les classes et les patères sur lesquelles les écoliers accrochent leur manteau. « Avant de penser à une école, on a pensé à un projet urbain pour que l’école devienne un élément central du quartier," confie Jean-Mathieu De Lipowski, l’architecte qui a mené à bien le projet. Sur les quatre façades de l’école, une seule donne sur la route. Les trois autres donnent sur un cheminement piétons, une place et un jardin d’enfant. « L’idée, c’est que la voiture passe au second plan », souligne l’architecte. Et concernant la nouvelle place, créée devant l’école, « on voudrait qu’elle joue un rôle de rencontre des habitants dans le quartier », espère Dumenica Verdoni, l’élue en charge des affaires scolaires. 

De la cour de l'école, on accède au toit par un escalier. Ce toit sera utilisé par le corps enseignant pour des activités sportives et de jardinage.
De la cour de l'école, on accède au toit par un escalier. Ce toit sera utilisé par le corps enseignant pour des activités sportives et de jardinage.
D’un point de vue architectural, l’école séduit aussi avec ses grandes baies vitrées, même si ce choix questionne en prévision des fortes chaleurs : « Nous, on croit que ça peut fonctionner, car il y a beaucoup de béton brut pour capter la chaleur », s’en défend Jean-Mathieu De Lipowski. D’autant qu’il n’y aura pas de climatisation proprement dite, mais « une ventilation double flux, qui distillera de l’eau glacée ou bouillante selon la saison dans les sols ».

Côté cours de récré, les 179 élèves de l’école disposent d’environ 1 000 mètres carré pour se dépenser, avec des arbres volontairement laissés sur place. « Ceux qu’on a dû couper, on les a a réutilisés pour faire des jeux d’enfants », signale l’architecte. Cette cours de récré est au centre de l’école. De là, un escalier mène... à la toiture. Les enfants ne pourront pas s’y rendre seuls, mais une fois accompagnés, ils bénéficieront de 600 mètres carré d’espaces supplémentaires. La directrice de l’école, Emilie Filippi, projette de faire de ce toit-récré « un plateau sportif avec des vélos », mais aussi le lieu de futurs ateliers de jardinage, car la toiture sera abondamment végétalisée dans sa configuration définitive.

Le grand couloir, par lequel communiquent les dix classes.
Le grand couloir, par lequel communiquent les dix classes.
A l’intérieur, l’école dispose d’une superficie de 1 450 m² (contre 1 185m2 dans l’ancienne). Les dix classes (deux de plus qu’auparavant) sont toutes reliées à un immense couloir qui est un peu sombre pour le moment (mais une verrière en cours de pose sur le toit le baignera bientôt de lumière). Dans une autre aile, une salle de motricité a été ménagée car en maternelle, les enfants sont tenus de faire une demi-heure de sport par jour. « Avant, on n’avait pas de salle de motricité, tout était mélangé », pointe la directrice, globalement ravie : « On a un bel environnement de travail. Les classes sont très fonctionnelles et chaleureuses. » Ne manque pour le moment que des dessins d’enfants pour habiller les murs de béton rose et se sentir pleinement immergé en milieu scolaire. « L’architecte y a pensé en fabriquant des cadres en bois », informe la directrice. « On pourra passer en mode expo ! », rebondit Dumenica Verdoni.
 

La classe d'Alexandra Surdyk, institutrice en petite section maternelle.
La classe d'Alexandra Surdyk, institutrice en petite section maternelle.
Et les enfants, comment ont-ils vécu ce déménagement ? Isabelle, ATSEM en petite section de maternelle, a été saisie par leur faculté d’adaptation : « On voyait ça comme une deuxième rentrée pour eux, alors que pas du tout, c’était très différent de ce qui se passe d’habitude en septembre. Les enfants se sont très vite appropriés les lieux. » « On les sent plus sereins et même plus responsables », complète leur enseignante, Alexandra, qui a constaté un changement à l’heure de la sieste : « Avant, les enfants avaient du mal à dormir car le dortoir de l’ancienne école donnait sur la cour. Et quand les grands faisaient du sport, les petits entendaient tout. Or, le nouveau dortoir n’est pas bruyant du tout. » Dans l’ensemble, les retours sont également très positifs du côté des parents : « C’est beaucoup plus spacieux, ça fait plus école qu’avant », apprécie une maman. « Ma fille a fait deux ans dans l’ancienne école, et je n’ai pas constaté de changement dans son comportement après le transfert dans la nouvelle », note un papa. Marie, elle, trouve l’école « très jolie » et la classe de sa fille « très fonctionnelle ».

Depuis le 27 janvier, deux policiers municipaux veillent au bon déroulement de la circulation aux heures de pointe aux abords de l'école.
Depuis le 27 janvier, deux policiers municipaux veillent au bon déroulement de la circulation aux heures de pointe aux abords de l'école.
Mais le nouvel équipement suscite aussi quelques mécontentements, essentiellement dans son voisinage immédiat. « L’école est super massive, elle ne s’intègre pas du tout dans le quartier »,  persifle une locataire de la résidence U Stagnu, qui a bien d’autres griefs à son encontre : « Aux heures de pointe, c’est un défilé constant de voitures, il y a beaucoup de bruit. » « C’est le bazar, matin midi et soir », renchérit Lucien, le voisin d’en face. Kader fait la part des choses : « Honnêtement, c’est une belle école, mais il n’y a pas suffisamment de places de stationnement pour les parents, qui se garent sur nos places. » Du côté de la municipalité, on fait remarquer que le nouveau parking sous-terrain (28 places réservées au personnel) n’est pas encore en service. Son ouverture serait imminente, ce qui libérera mécaniquement du stationnement pour les parents. Toutefois, la commune se réserve le droit de modifier le plan de circulation dans le quartier, selon les observations qui lui seront faites par les policiers municipaux qui, depuis le 27 janvier, assurent une présence quotidienne à Pifano aux heures d’entrée et de sortie d’école.

Najia et Zahra, deux mamans de collégiens qui vivent dans le quartier, alertent de leur côté sur « la dangerosité » du ramassage scolaire : « Avant, le bus venait chercher nos enfants au pied de notre immeuble, mais maintenant, il s’arrête au bord de la route. Et c’est nous, les parents, qui devons nous mettre au milieu de la route pour dire stop aux voitures. » L’adjointe au maire Nathalie Apostolatos précise que des chicanes ont été spécialement aménagées le long de la route pour le bus scolaire, et annonce son intention de sensibiliser le transporteur à s’y conformer. Passé les nécessaires ajustements inhérents à toute création d’équipement, le quartier semble avoir adopté sa nouvelle école, comme le résume Jamal, un habitant : « Cette école, elle a changé la vision de notre quartier. »