Paul-Marie Bartoli, président de l’Office des Transports de la Corse.
- Pourquoi affirmez-vous que vous ne pouviez pas faire autrement ?
- Il faut dire la vérité. On ne pouvait pas faire autrement. Tout simplement parce que l’offre de la SNCM et de la CMN était la seule qui pouvait être retenue. Je crois qu’il s’agit d’un bon accord qu’il faut, aujourd’hui, faire prospérer.
- De quelle manière ?
- Cela sera beaucoup plus facile pour la Méridionale (CMN) qui a un projet d’entreprise viable. Il faut faire en sorte que la SNCM, co-délégataire, puisse, elle aussi, avoir un vrai projet d’entreprise qui soit approuvé par les organisations syndicales. Et que ce vrai projet conduise au renouvellement de la flotte et à la fiabilité du service. Les Corses n’accepteront plus jamais qu’avec les efforts qui ont été faits, vendredi, par la représentation insulaire, le service ne soit pas fiable.
- Le prix payé n’est-il pas excessif ?
- Non. C’est un prix raisonnable par rapport au service que nous demandons. Il faut, quand même, desservir 5 ports avec 7 navires et des lignes qui fonctionnent 7 jours/7 sur les ports principaux d’Ajaccio et de Bastia. Néanmoins, la confiance, que nous mettons dans les deux opérateurs historiques, CMN et SNCM, ne devra pas, cette fois, être déçue parce qu’alors la Corse ne pourrait pas faire l’économie d’une véritable révolution !
- L’accord prévoit 4 nouveaux navires en propriété partielle ou totale de la CTC. Est-ce un nouveau pas franchi ?
- Tout à fait. Ça s’appelle les biens de retour ou biens de reprise. Ce n’est pas la même chose d’un point de vue juridique. Aujourd’hui, si nous voulions acheter la SNCM, on nous la donnerait pour 1 € ! Mais, nous ne pouvons pas racheter des outils, dont nous avons besoin, des navires, qui ne sont pas performants ! Ils sont tous en fin de vie, sauf le Pascal Paoli. Nous allons poursuivre la réflexion pour avoir droit au chapitre afin que la Corse ne soit pas le dindon de la farce et qu’elle dispose, le moment venu, de biens de retour. J’ajoute que la CTC sera partie prenante de la nouvelle organisation de la SNCM.
- Sous quelle forme ?
- Je ne peux pas vous le dire aujourd’hui. Mais, le président Giacobbi et moi-même, avons été très clairs sur ce point. Nous voulons obtenir la garantie que la Corse ne se retrouvera pas dans 10 ans, comme on dit trivialement, une main devant et l’autre derrière ! Une réflexion sérieuse et sereine va être entamée dès le mois d’octobre.
- L’espoir de régler définitivement la problématique du transport maritime resurgit à chaque nouvel appel d’offres. Peut-il se réaliser aujourd’hui ?
- Je le crois parce qu’il y a un esprit de responsabilité nouveau. A la suite de l’importante grève du printemps 2011 où je n’avais pas cédé aux injonctions, les organisations syndicales, dans leur ensemble, ont pris conscience qu’elles ne pouvaient plus mettre la Corse dans une situation économique difficile. Elles savent très bien que, sans DSP, il n’y a plus de SNCM et plus de CMN. Comme dans l’aérien, sans DSP, il n’y a plus d’Air Corsica. A partir du moment où ce constat est clairement fait et où la Corse a fait l’effort nécessaire en mettant 96 millions €, on peut véritablement parler de nouveau départ.
- Néanmoins, les nombreuses incertitudes, qui pèsent sur les délégataires, ne risquent-elles pas de plomber la DSP ?
- Sincèrement, je pense que la SNCM sera sauvée grâce à un vrai partenariat. L’Etat jouera son rôle, du moins le ministre des transports, Frédéric Cuvillier, l’a dit. La CTC a fait ce qu’il fallait pour contribuer au sauvetage de la CMN et de la SNCM. Nous ne pouvons pas faire plus que ce que nous avons fait jusqu’à aujourd’hui.
- Avez-vous subi des pressions de l’Etat ?
- Oui ! Mais, il était normal que l’Etat mette la pression sur la CTC. Plus ou moins d’ailleurs ! Il ne faut pas oublier l’argent de la solidarité nationale qui nous est attribué à travers la dotation de continuité territoriale. Aujourd’hui, l’Etat et la Chambre régionale des Comptes nous disent que cette dotation de 187 millions € doit être exclusivement réservée à la continuité territoriale maritime et aérienne.
- L’Etat vous contraint à geler la créance de 220 millions € sur la SNCM. Qu’allez-vous faire ?
- C’est une question importante, mais il faut être clair. Quand bien même Bruxelles dit que le service complémentaire est illégal, pour autant il a été réalisé ! C’est tellement vrai que, cette année, pour pallier l’infortune de mer du Napoléon Bonaparte, la SNCM a affrété un navire : l’Excelsior. Cela s’appelle : la notion de service fait. Le Tribunal administratif est juge du contrat. Quelque soit l’actionnariat de la SNCM, il viendra nous demander des comptes. Un accord devra être trouvé entre les parties dans le cadre de la notion d’enrichissement sans cause.
- Demandez-vous des garanties ?
- Le jugement de Bruxelles n’est pas définitif puisque que le Tribunal de l’Union européenne se penchera, bientôt, sur le fond. Nous disons à l’Etat et à l’Europe que nous sommes ouverts à une discussion, mais nous voulons garantir juridiquement notre collectivité territoriale. A savoir, que, si demain, cette décision devait devenir définitive et que nous ne l’ayons pas exécutée, nous n’en soyons pas rendus responsables.
Propos recueillis par Nicole MARI
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