En réalité, le député de la Seine-Saint-Denis, « fidèle et insoumis », n’a pu que répéter le discours victimaire de son chef, sans oser présenter la moindre excuse aux magistrats, policiers et journalistes, publiquement provoqués et insultés par le leader de la France insoumise. Alors qu’une série de plaintes ont été déposées contre lui, Mélenchon continue de présenter ses victimes comme des agents politiques pilotés par l’Elysée pour le discréditer et l’affaiblir.
Pas d’excuses, donc, pour le porte-parole ; et pour cause : la plupart des autres organes de presse ne présentent pas Corbière comme un démineur, mais comme la voix de son maître, et même comme son « serviteur niais » (Editorial de L’OBS du 25 octobre 2018). Mais, après tout, les commentaires des journalistes n’engagent qu’eux-mêmes et leurs journaux ; leur liberté d’expression doit impérativement être respectée, pour peu qu’elle soit elle-même respectueuse des faits et de la dignité des personnes. Plus significatifs, en revanche, sont le rappel du parcours politique de l’intéressé et la restitution de ses propos.
S’agissant de ses engagements, on lit dans les « repères » retenus dans l'article, que Corbière, après 5 ans de militantisme trotskiste au sein de la LCR (1993-1998), et 10 ans au parti socialiste (1998-2008) dans le courant animé par Mélenchon, « quitte le PS pour fonder le Parti de gauche qui deviendra le Front de gauche » (sic !). C’est bien la première fois que l’on découvre que le Parti de gauche était devenu le Front de gauche….
Toute la presse nationale sait que le Front de gauche n’a jamais été un parti où se serait fondu le parti de Mélenchon. Le FDG a toujours été un cartel d’organisations (PCF, PG, Gauche unitaire, Ensemble….) au sein duquel chaque formation conservait sa personnalité, ses statuts et son autonomie politique. Le PG n’a donc jamais été le FDG. Mais ce cartel avait élaboré un programme commun (L’Humain d’abord) que chaque organisation défendait ensemble et chacune de son côté.
C’est ce programme, présenté à la fête de L’Humanité 2011, qui a été défendu par le candidat Mélenchon à l’élection présidentielle de 2012 et sur lequel le FDG a obtenu 12 % des suffrages exprimés. En Corse, il est vrai, le FDG était surtout représenté par le seul parti communiste qui, en 2012, a été l’organisateur unique de la visite du candidat Mélenchon, avec un puissant meeting à Bastia.
C’est après son résultat de 2012 que Mélenchon, qui voulait utiliser le potentiel militant du Parti communiste à son profit tout en préemptant son espace politique déjà réduit, a décidé que le FDG ne lui était plus utile pour préparer « le coup d’après », c'est-à-dire la présidentielle de 2017. D’où la liquidation du FDG, la polémique virulente contre ses alliés, et sa candidature annoncée unilatéralement, dès février 2016, plus d’un an avant l’échéance.
Cette anticipation électoraliste et sa politique du fait accompli lui ont indiscutablement servi à la présidentielle, grâce notamment à l’apport décisif de plus de quatre cents parrainages communistes (en Corse, trois élus territoriaux et six maires communistes ou progressistes). Mais aux législatives qui ont suivi, il a eu les yeux plus gros que le ventre : il a perdu huit points par rapport à la présidentielle, et n’a pas pu empêcher le parti communiste de disposer d’un groupe à l’Assemblée nationale et au Sénat. Le Sénat où, rappelons-le, La France Insoumise n’est pas représentée.
Naufrage insulaire
Quant à son bilan en Corse depuis les territoriales de 2017, il se résume à deux exploits remarqués : d’abord, la liquidation de l’essentiel de sa base militante accusée de « tambouille » cryptocommuniste ! Et, après la réélection des nationalistes, un hommage bruyant et obséquieux adressé aux vainqueurs !
Mieux (ou pire !), sans doute avec l’espoir de réhabiliter son « jacobinisme » auprès des chefs nationalistes, Alexis Corbière cherche, maladroitement, dans la séquence corse de l’histoire de la grande Révolution, un exemple qui pourrait rapprocher son jacobinisme actuel (qu’il assume sans le définir) des revendications nationalistes, lesquelles sont, en réalité, bien plus proches du « pacte girondin » de Macron que de l’hyper-centralisme de la France insoumise.
Corbière sera donc incapable de faire oublier à la Corse les écrits injurieux et délirants du secrétaire d’Etat Mélenchon au moment des discussions de Matignon : « Le déshonneur ordinaire de la Corse contamine l’Etat républicain … » ; ou encore « Il serait préférable de perdre la Corse que d’être obligé de lui ressembler. Car, bien sûr, mieux vaut perdre la Corse que la République » ; ou encore cette « analyse théorique » du rapport de la Corse à la justice et à la loi : « La justice y est jugée comme une flétrissure… » ; ou bien encore cette appréciation d’une piquante actualité, parfaitement applicable au cas de Mélenchon lui-même : « Le rappel à la loi y est souvent vécu comme une offense personnelle… ».
Le député insoumis, visiblement amnésique, cherche à inverser les rôles. Il se risque même à prétendre que sa visite d’agrément à Porto-Vecchio peut être assimilée à une mission d’expert : « Je me suis dit qu’après tout je pouvais apporter ma contribution à ce festival, et peut-être enrichir le jury de mon regard militant » ! Enrichir le jury de son regard militant ! Admirable ! Si le serviteur Alexis ou son maître Jean-Luc devaient être victimes, un jour, d’une attaque fatale, il ne pourra certainement pas s’agir d’une crise de modestie… Nous nous permettrons donc de leur adresser un simple conseil de sagesse : au lieu de donner des leçons au pays tout entier, ils seraient bien inspirés, l’un et l’autre, de tirer les enseignements de leur désastreuse expérience corse.
Ici, ils ont tout faux !
Etienne Bastelica et Paul-Antoine Luciani
Conseillers municipaux d’Ajaccio