(Photo : Archives CNI)
- 48 heures après le dîner à Beauvau durant lequel Gérald Darmanin a fait une proposition d’écriture constitutionnelle aux élus de la délégation corse, Nazione ne semble pas partager l’enthousiasme général…
- Nous avons pris acte du satisfecit général qui a été prononcé par l'ensemble de la délégation, de la droite la plus conservatrice jusqu'aux nationalistes qui ont accepté de participer à ce dîner. Nous ne partageons pas ce satisfecit sur des bases purement factuelles et objectives et malheureusement très prévisibles. Finalement, l'écriture constitutionnelle qui est proposée par le Gouvernement confirme les termes de la déclaration solennelle qui a été publiée par les élus corses et qui marque un recul déjà très important par rapport à la délibération Autonomia votée le 5 juillet dernier et qui valide toutes les lignes rouges qui ont été posées par l'État depuis le début des discussions. Il n'y a pas dans cette proposition d'éléments permettant la résolution du conflit et une vraie solution politique, pas de peuple corse et les droits qui en découlent, pas de coofficialité de la langue corse, pas de citoyenneté corse et donc de droits spécifiques pour le foncier ou pour l'accès à l'emploi ou aux listes électorales, pas de possibilité ultérieure d'un processus d'autodétermination. Et puis le deuxième aspect c’est qu’il n’y a pas d'autonomie non plus parce que le texte qui a été rendu public - qui devra encore être examiné par le Sénat et l'Assemblée Nationale française, et risque donc de baisser d'encore un niveau - est déjà très en deçà des standards de tous les territoires autonomes en Europe. Donc pour toutes ces raisons, pour tous ces renoncements, effectivement, nous estimons que le compte n'y est pas, qu'il n'y a ni solution politique ni autonomie. Il y a simplement une amélioration, c'est vrai, du statut particulier actuel d'une collectivité territoriale qui s'appelle la Collectivité de Corse. Mais en tant que nationalistes, cela ne peut pas nous satisfaire.
- Vous le disiez, pas de mention au peuple corse, mais plutôt à une communauté corse. Pas de statut de résident, mais un statut de résidence. Pas de coofficialité, mais une plus grande place accordée à la langue corse. Pour vous, les nationalistes qui ont adoubé ce texte ont-ils bradé leurs fondamentaux ?
- Ce qui est factuel, c'est qu'il y a eu un renoncement formel à l'ensemble de ces revendications, alors même que les discussions étaient présentées comme un processus historique qui allait déboucher sur une solution politique à la question nationale corse et qui devait à minima s'orienter autour de l'autonomie de la Corse. Or, de façon objective, il n'y a rien de tout ça. Disons les choses, aujourd'hui ce dont il est question, c'est d'une amélioration du statut particulier de la Corse, ce n'est pas d'une solution politique et ce n'est pas de l'autonomie. En revanche, si on dit qu'on est toujours dans un processus historique, c'est une fiction totale.
- La Corse devrait a priori intégrer la Constitution dans un article et non dans un Titre comme cela est voulu par les nationalistes. Là aussi pour vous, la révision constitutionnelle ne sera pas à la hauteur des enjeux ?
- Cela montre qu'il y a un recul par rapport à ce qu'avaient voté les groupes nationalistes qui ont participé au dîner de Beauvau. Mais je crois que la faute stratégique la plus grave a été d'accepter un recul sur la question des droits du peuple corse, au bénéfice d'une écriture qui ne veut rien dire et qui, surtout, n'ouvre aucun droit spécifique pour les Corses. Je fais bien sûr référence à la fameuse communauté insulaire, historique, culturelle et linguistique. Cela a des conséquences importantes pour la suite des événements. Et puis vous faisiez référence à la question du statut de résident, j'ai été surpris de constater qu’au sortir de cette réunion un certain nombre d'élus corses étaient satisfaits de la prise en compte d'une mesure en matière de protection foncière dans le cadre de ces discussions. Or, à la lecture du projet gouvernemental, il n'y a strictement rien dans l'écriture actuelle qui permette de mettre en place ce type de mesure. En réalité, on est plus proche d'un article 73 de la Constitution, c'est-à-dire le niveau le plus bas des territoires d'outre-mer qui ne fonctionne pas et dont ces derniers ne veulent plus, que d'un modèle à la Polynésienne ou à la Calédonienne, comme on avait pu nous le vendre. Donc effectivement, je crois qu'il n'y a aucune matière à se réjouir de l'accord qui a été adoubé l'autre soir par les convives du dîner de Beauvau.
- La possibilité d'ouverture d'un pouvoir législatif est donc selon vous une illusion ?
- À l'heure où nous parlons, il n'y a pas d'autonomie et il n'y a pas de pouvoir législatif conforme à ce qu'est l'autonomie dans tous les territoires européens autonomes. L'autonomie c'est la parité entre le pouvoir législatif qui est reconnu à l'État dans un certain nombre de domaines et le pouvoir législatif qui est reconnu au territoire autonome dans d'autres domaines. Or, ici, il n'y a pas de parité entre les deux, pour la bonne et simple raison qu’il n'y a pas de garanties constitutionnelles aux matières dans lesquelles pourrait s'appliquer ce pouvoir normatif, dont on ne sait pas d'ailleurs qui sera de nature législative. Cela veut dire de façon très concrète que ce pouvoir normatif restera au bon vouloir du Parlement français dans le cadre du vote de la loi organique, voire pour certaines dimensions de la loi ordinaire. C'est-à-dire que c'est un pouvoir de seconde zone qui va rester soumis à un pouvoir d'opportunité politique du Parlement français. Cela n'est pas du tout ce que ce qui correspond aux standards de l'autonomie législative dans l'ensemble de l'Europe, qu'il s'agisse bien sûr d'États fédéraux, comme c'est le cas de l'Allemagne ou de la Belgique, ou d'États qui sont largement régionalisés, comme l'Italie ou comme l'Espagne.
Donc, de dire que la rédaction actuelle, c'est l'autonomie, cela ne correspond pas à la réalité. D'ailleurs, je note que la proposition ne parle pas de l'autonomie de la Corse, mais d'une autonomie. Cela rejoint les propos de Gérald Darmanin sur « une autonomie à la Corse », c'est-à-dire un ersatz d'autonomie, dont less restent pour le moment totalement ambiguës.
- Selon vous, l'autonomie est la Corse telle qu’imaginée par Gérald Darmanin ne changerait donc pas grand-chose dans le quotidien des Corses et de la Corse ?
- Cela améliorerait peut-être le fonctionnement du statut particulier d'une collectivité territoriale que l'on nomme la collectivité de Corse. Mais sur la question de la lutte contre la spéculation immobilière, de la lutte contre la colonisation de peuplement, de la lutte contre le déclin de la langue corse, ainsi que sur la question du développement économique et social, sur la question de l'inscription sur les listes électorales, et sur la question des droits du peuple corse, en un mot comme en 100, non, assurément. Le niveau qui est celui de la proposition de Gérald Darmanin ne changera pas, au fond, la vie des Corses et surtout le destin de la Corse.
- Nous avons pris acte du satisfecit général qui a été prononcé par l'ensemble de la délégation, de la droite la plus conservatrice jusqu'aux nationalistes qui ont accepté de participer à ce dîner. Nous ne partageons pas ce satisfecit sur des bases purement factuelles et objectives et malheureusement très prévisibles. Finalement, l'écriture constitutionnelle qui est proposée par le Gouvernement confirme les termes de la déclaration solennelle qui a été publiée par les élus corses et qui marque un recul déjà très important par rapport à la délibération Autonomia votée le 5 juillet dernier et qui valide toutes les lignes rouges qui ont été posées par l'État depuis le début des discussions. Il n'y a pas dans cette proposition d'éléments permettant la résolution du conflit et une vraie solution politique, pas de peuple corse et les droits qui en découlent, pas de coofficialité de la langue corse, pas de citoyenneté corse et donc de droits spécifiques pour le foncier ou pour l'accès à l'emploi ou aux listes électorales, pas de possibilité ultérieure d'un processus d'autodétermination. Et puis le deuxième aspect c’est qu’il n’y a pas d'autonomie non plus parce que le texte qui a été rendu public - qui devra encore être examiné par le Sénat et l'Assemblée Nationale française, et risque donc de baisser d'encore un niveau - est déjà très en deçà des standards de tous les territoires autonomes en Europe. Donc pour toutes ces raisons, pour tous ces renoncements, effectivement, nous estimons que le compte n'y est pas, qu'il n'y a ni solution politique ni autonomie. Il y a simplement une amélioration, c'est vrai, du statut particulier actuel d'une collectivité territoriale qui s'appelle la Collectivité de Corse. Mais en tant que nationalistes, cela ne peut pas nous satisfaire.
- Vous le disiez, pas de mention au peuple corse, mais plutôt à une communauté corse. Pas de statut de résident, mais un statut de résidence. Pas de coofficialité, mais une plus grande place accordée à la langue corse. Pour vous, les nationalistes qui ont adoubé ce texte ont-ils bradé leurs fondamentaux ?
- Ce qui est factuel, c'est qu'il y a eu un renoncement formel à l'ensemble de ces revendications, alors même que les discussions étaient présentées comme un processus historique qui allait déboucher sur une solution politique à la question nationale corse et qui devait à minima s'orienter autour de l'autonomie de la Corse. Or, de façon objective, il n'y a rien de tout ça. Disons les choses, aujourd'hui ce dont il est question, c'est d'une amélioration du statut particulier de la Corse, ce n'est pas d'une solution politique et ce n'est pas de l'autonomie. En revanche, si on dit qu'on est toujours dans un processus historique, c'est une fiction totale.
- La Corse devrait a priori intégrer la Constitution dans un article et non dans un Titre comme cela est voulu par les nationalistes. Là aussi pour vous, la révision constitutionnelle ne sera pas à la hauteur des enjeux ?
- Cela montre qu'il y a un recul par rapport à ce qu'avaient voté les groupes nationalistes qui ont participé au dîner de Beauvau. Mais je crois que la faute stratégique la plus grave a été d'accepter un recul sur la question des droits du peuple corse, au bénéfice d'une écriture qui ne veut rien dire et qui, surtout, n'ouvre aucun droit spécifique pour les Corses. Je fais bien sûr référence à la fameuse communauté insulaire, historique, culturelle et linguistique. Cela a des conséquences importantes pour la suite des événements. Et puis vous faisiez référence à la question du statut de résident, j'ai été surpris de constater qu’au sortir de cette réunion un certain nombre d'élus corses étaient satisfaits de la prise en compte d'une mesure en matière de protection foncière dans le cadre de ces discussions. Or, à la lecture du projet gouvernemental, il n'y a strictement rien dans l'écriture actuelle qui permette de mettre en place ce type de mesure. En réalité, on est plus proche d'un article 73 de la Constitution, c'est-à-dire le niveau le plus bas des territoires d'outre-mer qui ne fonctionne pas et dont ces derniers ne veulent plus, que d'un modèle à la Polynésienne ou à la Calédonienne, comme on avait pu nous le vendre. Donc effectivement, je crois qu'il n'y a aucune matière à se réjouir de l'accord qui a été adoubé l'autre soir par les convives du dîner de Beauvau.
- La possibilité d'ouverture d'un pouvoir législatif est donc selon vous une illusion ?
- À l'heure où nous parlons, il n'y a pas d'autonomie et il n'y a pas de pouvoir législatif conforme à ce qu'est l'autonomie dans tous les territoires européens autonomes. L'autonomie c'est la parité entre le pouvoir législatif qui est reconnu à l'État dans un certain nombre de domaines et le pouvoir législatif qui est reconnu au territoire autonome dans d'autres domaines. Or, ici, il n'y a pas de parité entre les deux, pour la bonne et simple raison qu’il n'y a pas de garanties constitutionnelles aux matières dans lesquelles pourrait s'appliquer ce pouvoir normatif, dont on ne sait pas d'ailleurs qui sera de nature législative. Cela veut dire de façon très concrète que ce pouvoir normatif restera au bon vouloir du Parlement français dans le cadre du vote de la loi organique, voire pour certaines dimensions de la loi ordinaire. C'est-à-dire que c'est un pouvoir de seconde zone qui va rester soumis à un pouvoir d'opportunité politique du Parlement français. Cela n'est pas du tout ce que ce qui correspond aux standards de l'autonomie législative dans l'ensemble de l'Europe, qu'il s'agisse bien sûr d'États fédéraux, comme c'est le cas de l'Allemagne ou de la Belgique, ou d'États qui sont largement régionalisés, comme l'Italie ou comme l'Espagne.
Donc, de dire que la rédaction actuelle, c'est l'autonomie, cela ne correspond pas à la réalité. D'ailleurs, je note que la proposition ne parle pas de l'autonomie de la Corse, mais d'une autonomie. Cela rejoint les propos de Gérald Darmanin sur « une autonomie à la Corse », c'est-à-dire un ersatz d'autonomie, dont less restent pour le moment totalement ambiguës.
- Selon vous, l'autonomie est la Corse telle qu’imaginée par Gérald Darmanin ne changerait donc pas grand-chose dans le quotidien des Corses et de la Corse ?
- Cela améliorerait peut-être le fonctionnement du statut particulier d'une collectivité territoriale que l'on nomme la collectivité de Corse. Mais sur la question de la lutte contre la spéculation immobilière, de la lutte contre la colonisation de peuplement, de la lutte contre le déclin de la langue corse, ainsi que sur la question du développement économique et social, sur la question de l'inscription sur les listes électorales, et sur la question des droits du peuple corse, en un mot comme en 100, non, assurément. Le niveau qui est celui de la proposition de Gérald Darmanin ne changera pas, au fond, la vie des Corses et surtout le destin de la Corse.