Jean-Charles Orsucci, élu territorial PS et maire de Bonifacio.
- En tant que maire de Bonifacio, êtes-vous pour une continuité territoriale corso-sarde ?
- Je ne suis pas pour seulement en tant que maire de Bonifacio. Mon intime conviction est que les liens entre la Corse et la Sardaigne sont nécessaires, pas seulement pour les Bonifaciens, mais pour l’ensemble de la population de ces deux îles. Celles-ci représentent un marché de 2 millions d’habitants qu’il nous faut construire ensemble avec des opportunités de part et d’autre de la Méditerranée. Il faut arrêter d’être frileux et, bien au contraire, nous donner les moyens d’un véritable développement économique. Il faut, aujourd’hui, mettre en place une continuité territoriale européenne entre la Corse et la Sardaigne.
- Pourquoi parlez-vous de frilosité ?
- Parce que je sens, souvent, certaines frilosités en Corse. J’entends les peurs de gens qui craignent, notamment, que les Sardes viennent, ainsi, nous voler des marchés… Le penser, c’est, à mon avis, avoir une bien piètre idée des entreprises corses qui démontrent, tous les jours, leur savoir-faire et leurs compétences et avoir peu de confiance en elles alors que certaines, comme Pietra, Saint-George ou les entreprises vinicoles, sont plus que compétitives. C’est, aussi, une vue de l’esprit parce que, même sans cette continuité territoriale européenne, nombre de commerçants corses vont s’approvisionner en Sardaigne et bon nombre de commerçants sardes viennent travailler en Corse.
- Les deux îles ont-elles les moyens financiers d'instaurer cette continuité territoriale ?
- On ne parle pas de 180 millions € comme pour la continuité territoriale entre la Corse et le continent ! L’effort financier n’est pas très important, mais nous devons le faire. Et je suis heureux d’entendre que l’Exécutif territorial de Corse travaille à la constitution d’un GECT (Groupement européen de coopération territoriale) dont l’objectif sera la mise en œuvre de cette continuité territoriale européenne grâce à l’obtention de financements européens (Cf par ailleurs l’interview de Paul-Marie Bartoli, Corse-Sardaigne : Des liaisons si peu maritimes !).
- On parle de mettre en œuvre une DSP pour assurer les lignes. Qu’en pensez-vous ?
- La continuité territoriale peut s’effectuer par la mise en place d’une Obligation de service public (OSP) ou d’une Délégation de service public (DSP) que pourront assumer, soient des compagnies existantes, soit une compagnie régionale dédiée à cette question. Cette dernière idée a été défendue, à un moment donné, par Jean-Jacques Panunzi, le président du Conseil général de Corse du Sud. Quoiqu’il en soit, assurer cette continuité est très important et nécessaire au développement des deux territoires.
- Jean-Jacques Panunzi est-il vraiment favorable à la création d’une compagnie régionale ?
- Oui. Il l’a dit publiquement ! Il dit même que s’il doit y avoir une compagnie régionale en matière maritime, c’est bien entre la Corse et la Sardaigne qu’elle doit voir le jour ! Il ne dit pas que c’est la solution. Il dit seulement qu’il est ouvert à cette proposition car elle lui paraît avoir du sens. Il a raison parce que cette liaison-là est nécessaire.
- Les deux lignes au départ de Propriano et de Bonifacio ne sont-elles pas en concurrence ?
- Non. Il y a de la place pour les deux villes et une complémentarité à imaginer entre les deux lignes. Bonifacio a certaines contraintes géographiques qui rendent compliqué le fret de grande taille. Par contre, elle peut largement booster le trafic passagers qui, entre Bonifacio et Santa Teresa di Gallura, stagne, depuis 2 ou 3 ans, autour de 200 000 passagers par an.
- La crise économique est-elle responsable de cette stagnation ?
- Non. Je ne le pense pas, même si la Sardaigne a connu des contrecoups importants, suite à la mise en place de sa nouvelle politique de transports maritimes. La raison est autre : pendant longtemps, les Italiens sont passés par la Corse pour aller en vacances en Sardaigne. C’est moins vrai aujourd’hui parce que le prix du billet de bateau n’est pas donné. La traversée aller-retour pour deux passagers et une voiture avoisine 150 €. Quand on sait qu’il y a deux aéroports sardes, Alghero et Olbia, à 1 heure de Santa Teresa di Gallura, fortement desservis en low cost, il faudrait se poser la question d’un développement et de synergies en matière touristique. Il y a là deux plateformes formidables pour capter de nouveaux touristes, même pour la Corse !
- Ces deux aéroports pourraient-ils devenir des hubs pour les Corses qui souhaitent partir en Europe ?
- Oui. C’est déjà le cas. Des Bonifaciens, qui veulent partir sur Londres ou Barcelone, utilisent les lignes low cost de ces deux aéroports. Mais la liaison maritime, au départ de Bonifacio, est assurée quotidiennement par une compagnie régionale sarde dont l’avenir est très incertain. Il devient, aujourd’hui, très compliqué d’aller en Sardaigne et de revenir parce que les liaisons ne sont pas assez nombreuses, pas assez rapides, pas assez qualitatives et pas assez sécurisées. Par exemple, on ne peut pas aller passer une journée à La Maddalena et revenir. Ce n’est pas normal !
- Y-a-t-il vraiment un potentiel suffisant pour créer une continuité territoriale ?
- D’où l’idée d’une continuité territoriale européenne qui permettrait de baisser le coût ! C’est un peu mon cheval de bataille ! J’ai assisté à quelques réunions sur le sujet en Sardaigne avec la CCI (Chambre de commerce et d’industrie) du Nord. Lorsque a été évoquée la question des transports entre la Corse et la Sardaigne, un membre de la CCI a expliqué que son souci est que lorsqu’un Sarde veut aller skier le weekend sur la montagne corse, à Eze, il a d’énormes difficultés à voyager dans de bonnes conditions. Avec 1,7 million de Sardes qui sont nos voisins et pourraient venir en Corse, il y a sûrement un potentiel et un développement à imaginer !
- C’est-à-dire ?
- Je suis convaincu qu’un habitant de Cagliari peut venir visiter le Cap Corse ou l’Alta Rocca ou passer un weekend en Balagne. Nous avons des choses à montrer et à faire valoir d’un point de vue touristique. Je me pose la question : une campagne de publicité a-t-elle déjà été menée par l’Agence de tourisme de la Corse en Sardaigne ? Je suis presque certain que non. Et pourtant, c’est la vraie question que l’on doit se poser aujourd’hui !
Propos recueillis par Nicole MARI
- Je ne suis pas pour seulement en tant que maire de Bonifacio. Mon intime conviction est que les liens entre la Corse et la Sardaigne sont nécessaires, pas seulement pour les Bonifaciens, mais pour l’ensemble de la population de ces deux îles. Celles-ci représentent un marché de 2 millions d’habitants qu’il nous faut construire ensemble avec des opportunités de part et d’autre de la Méditerranée. Il faut arrêter d’être frileux et, bien au contraire, nous donner les moyens d’un véritable développement économique. Il faut, aujourd’hui, mettre en place une continuité territoriale européenne entre la Corse et la Sardaigne.
- Pourquoi parlez-vous de frilosité ?
- Parce que je sens, souvent, certaines frilosités en Corse. J’entends les peurs de gens qui craignent, notamment, que les Sardes viennent, ainsi, nous voler des marchés… Le penser, c’est, à mon avis, avoir une bien piètre idée des entreprises corses qui démontrent, tous les jours, leur savoir-faire et leurs compétences et avoir peu de confiance en elles alors que certaines, comme Pietra, Saint-George ou les entreprises vinicoles, sont plus que compétitives. C’est, aussi, une vue de l’esprit parce que, même sans cette continuité territoriale européenne, nombre de commerçants corses vont s’approvisionner en Sardaigne et bon nombre de commerçants sardes viennent travailler en Corse.
- Les deux îles ont-elles les moyens financiers d'instaurer cette continuité territoriale ?
- On ne parle pas de 180 millions € comme pour la continuité territoriale entre la Corse et le continent ! L’effort financier n’est pas très important, mais nous devons le faire. Et je suis heureux d’entendre que l’Exécutif territorial de Corse travaille à la constitution d’un GECT (Groupement européen de coopération territoriale) dont l’objectif sera la mise en œuvre de cette continuité territoriale européenne grâce à l’obtention de financements européens (Cf par ailleurs l’interview de Paul-Marie Bartoli, Corse-Sardaigne : Des liaisons si peu maritimes !).
- On parle de mettre en œuvre une DSP pour assurer les lignes. Qu’en pensez-vous ?
- La continuité territoriale peut s’effectuer par la mise en place d’une Obligation de service public (OSP) ou d’une Délégation de service public (DSP) que pourront assumer, soient des compagnies existantes, soit une compagnie régionale dédiée à cette question. Cette dernière idée a été défendue, à un moment donné, par Jean-Jacques Panunzi, le président du Conseil général de Corse du Sud. Quoiqu’il en soit, assurer cette continuité est très important et nécessaire au développement des deux territoires.
- Jean-Jacques Panunzi est-il vraiment favorable à la création d’une compagnie régionale ?
- Oui. Il l’a dit publiquement ! Il dit même que s’il doit y avoir une compagnie régionale en matière maritime, c’est bien entre la Corse et la Sardaigne qu’elle doit voir le jour ! Il ne dit pas que c’est la solution. Il dit seulement qu’il est ouvert à cette proposition car elle lui paraît avoir du sens. Il a raison parce que cette liaison-là est nécessaire.
- Les deux lignes au départ de Propriano et de Bonifacio ne sont-elles pas en concurrence ?
- Non. Il y a de la place pour les deux villes et une complémentarité à imaginer entre les deux lignes. Bonifacio a certaines contraintes géographiques qui rendent compliqué le fret de grande taille. Par contre, elle peut largement booster le trafic passagers qui, entre Bonifacio et Santa Teresa di Gallura, stagne, depuis 2 ou 3 ans, autour de 200 000 passagers par an.
- La crise économique est-elle responsable de cette stagnation ?
- Non. Je ne le pense pas, même si la Sardaigne a connu des contrecoups importants, suite à la mise en place de sa nouvelle politique de transports maritimes. La raison est autre : pendant longtemps, les Italiens sont passés par la Corse pour aller en vacances en Sardaigne. C’est moins vrai aujourd’hui parce que le prix du billet de bateau n’est pas donné. La traversée aller-retour pour deux passagers et une voiture avoisine 150 €. Quand on sait qu’il y a deux aéroports sardes, Alghero et Olbia, à 1 heure de Santa Teresa di Gallura, fortement desservis en low cost, il faudrait se poser la question d’un développement et de synergies en matière touristique. Il y a là deux plateformes formidables pour capter de nouveaux touristes, même pour la Corse !
- Ces deux aéroports pourraient-ils devenir des hubs pour les Corses qui souhaitent partir en Europe ?
- Oui. C’est déjà le cas. Des Bonifaciens, qui veulent partir sur Londres ou Barcelone, utilisent les lignes low cost de ces deux aéroports. Mais la liaison maritime, au départ de Bonifacio, est assurée quotidiennement par une compagnie régionale sarde dont l’avenir est très incertain. Il devient, aujourd’hui, très compliqué d’aller en Sardaigne et de revenir parce que les liaisons ne sont pas assez nombreuses, pas assez rapides, pas assez qualitatives et pas assez sécurisées. Par exemple, on ne peut pas aller passer une journée à La Maddalena et revenir. Ce n’est pas normal !
- Y-a-t-il vraiment un potentiel suffisant pour créer une continuité territoriale ?
- D’où l’idée d’une continuité territoriale européenne qui permettrait de baisser le coût ! C’est un peu mon cheval de bataille ! J’ai assisté à quelques réunions sur le sujet en Sardaigne avec la CCI (Chambre de commerce et d’industrie) du Nord. Lorsque a été évoquée la question des transports entre la Corse et la Sardaigne, un membre de la CCI a expliqué que son souci est que lorsqu’un Sarde veut aller skier le weekend sur la montagne corse, à Eze, il a d’énormes difficultés à voyager dans de bonnes conditions. Avec 1,7 million de Sardes qui sont nos voisins et pourraient venir en Corse, il y a sûrement un potentiel et un développement à imaginer !
- C’est-à-dire ?
- Je suis convaincu qu’un habitant de Cagliari peut venir visiter le Cap Corse ou l’Alta Rocca ou passer un weekend en Balagne. Nous avons des choses à montrer et à faire valoir d’un point de vue touristique. Je me pose la question : une campagne de publicité a-t-elle déjà été menée par l’Agence de tourisme de la Corse en Sardaigne ? Je suis presque certain que non. Et pourtant, c’est la vraie question que l’on doit se poser aujourd’hui !
Propos recueillis par Nicole MARI
Port de Bonifacio - Embarquement pour la Sardaige.
A suivre sur le même sujet : l’interview de François Alfonsi, député européen.