Après avoir proliféré sur des chênaies sur les auteurs de la ville, les chenilles de Bombyx disparates, se sont transformées en papillons. Ces insectes ravageurs, présents par millions sur l'île, se nourrissent des feuilles d'arbres et ne vivent sous leur forme ailée que quelques heures, juste le temps de se reproduire. Les papillons émergent habituellement de fin juin à mi-août, et leur durée de vie ne dépasse pas quelques jours. Les femelles, de couleur blanc crème, restent sur le tronc des arbres, tandis que les mâles volent à leur recherche pour l'accouplement, qui commence quelques heures après l'émergence. Chaque femelle peut pondre entre 100 et 800 œufs, perpétuant ainsi le cycle de vie de cette espèce invasive.
Une question de vents et de lumières
Mais pourquoi ces papillons se retrouvent-ils soudainement dans les rues de Bastia ? Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène inhabituel. « Avec la météo que nous connaissons ces dernières semaines, les papillons ont pu être entraînés par les courants d'air », précise Marie-Cécile Andrei-Ruiz. De plus, même s'ils volent également en journée, il est possible que ces insectes aient été attirés par les lumières de la ville, qui constituent de la pollution lumineuse.
Pour autant, aucune crainte n'est à avoir concernant leur présence. Et pour cause, avec sa trompe atrophiée, cette espèce de papillons n'est pas en mesure de se nourrir et ne puise son énergie que dans les ressources engrangées à « l'état larvaire ». Elle finira alors sa course à la recherche d'une femelle, au terme de quelques jours seulement. Cette vague observée devrait rapidement s'atténuer, et dépend du temps que les chenilles ont mis pour faire leur cocon. Plus leur mise en place est longue, plus l'émergence des papillons va être étalée. Aussi, « ils constituent de la nourriture pour les prédateurs », ajoute-t-elle. Ainsi, leur nombre devrait tendre vers une diminution rapide, puisque « la nature a horreur des déséquilibres ».
Si cette augmentation du nombre de papillons de Bombyx disparate ne s'observe que durant une très courte période cet été, cela ne signifie pas pour autant que l'espèce va stabiliser sa population sur l'année suivante. Et pour cause, cette espèce non urticante qui pullule en se nourrissant des feuilles des chênaies sur le territoire insulaire et donne l'illusion de ravages incendiaires dans les forêts. Une prolifération a d'ailleurs récemment été observée en Corse.
Appelé « gradation », ce phénomène qui se produit tous les 40 ans environ devrait se poursuivre sur une période « de deux à quatre ans », précise l'entomologiste. En effet, après avoir été fécondés, les papillons femelles vont pondre des œufs. Recouverts des poils de l'abdomen de leur mère, ces derniers vont passer l'hiver avant d'évoluer en chenilles au printemps prochain. Mais si ce processus semble pouvoir se reproduire à l'infini, les arbres s'occupent de réguler leur présence. Pour ce faire, après que leurs feuilles ont totalement été mangées au printemps, les chênaies produisent de nouvelles pousses au début de l'été qui resteront jusqu'à l'année suivante. « S’il reste de jeunes chenilles, elles ne pourront pas manger ces feuilles, car elles seront plus épaisses que les très jeunes qui devaient être présentes normalement », pointe Marie-Cécile Andrei-Ruiz. C'est ainsi que d'une année sur l'autre, par manque de ressources alimentaires pour les chenilles – qui s'avère être le seul stade de sa vie où l'animal peut se nourrir – la gradation va petit à petit s'arrêter.