François Levan, entouré de ses avocats, Me Olivier Morice et Me Christian Scolari.
L’ex-capitaine de gendarmerie Levan est-il un ripou ? Ou bien, n’est-il, comme il le prétend, qu’un gendarme modèle qui n’a fait qu’obéir à sa hiérarchie et appliqué les méthodes qui lui ont été enseignées ? La police et la gendarmerie ont-elle usé et abusé, en Corse, de pratiques illégales employées avec la complicité active de la justice pour faire avancer les enquêtes difficiles ? Ces questions résument l’enjeu du procès qui se tient pendant trois jours, du 4 au 6 février, au Tribunal correctionnel de Bastia.
Le procès, qui aurait du avoir lieu en octobre sur deux jours, a tourné court après la tentative de suicide de l’un des sept prévenus. Les conseils du capitaine Levan, Me Olivier Morice du barreau de Paris et Me Christian Scolari du barreau de Nice, avaient, alors, bataillé rudement pour obtenir, de la Cour, une journée d’audience supplémentaire, nécessaire, selon eux, pour faire toute la lumière sur ce volumineux dossier qui totalise 1219 côtes et 12 tomes.
Retour sur les faits
De 2002 à 2007, le capitaine dirige l'antenne bastiaise de la section de recherches d'Ajaccio. Très apprécié par sa hiérarchie, considéré comme un « bon élément », il obtient une promotion et quitte tranquillement la Corse pour prendre le commandement du groupement de gendarmerie de Fréjus dans le Var. Ce n’est que quelques mois plus tard, au fil d’une enquête sur une tentative de racket contre Lucien Benvenuti, un restaurateur de Saint-Florent, que ses ex-collègues sont amenés à s’interroger sur les méthodes qu’avait employé le capitaine durant son séjour insulaire. Ils en viennent, notamment, à le soupçonner d'avoir divulgué des informations à un racketteur présumé et de l’avoir couvert. Mais c’est le fastueux train de vie qu’il mène dans le Var, sa Porsche, sa luxueuse villa et des fréquentations jugées douteuses qui poussent l’IGN (l'inspection générale de la gendarmerie) à enquêter sur ses activités en Corse. Mis en examen en 2009, l’officier fait trois mois de préventive et est contraint de démissionner de la gendarmerie, en 2010, lâché par ses pairs. Il se reconvertit dans l’hôtellerie à Marseille.
Des délits divers
Il comparait, aujourd'hui, pour divers délits, notamment détournements de saisies de drogue, corruption, arrestation, enlèvement et séquestration, écoutes téléphoniques illégales, fausse écriture et trafic d’influence. Il aurait subtilisé 100 kilos de résine de cannabis entreposés à la gendarmerie, signé de faux procès-verbaux de destruction et aurait revendu la drogue à son profit. Il était poursuivi, en octobre dernier devant le tribunal correctionnel de Draguignan, pour une affaire similaire portant sur 100 autres kilos de drogue. La procédure a été annulée pour non-respect des droits de la défense. A Bastia, il est également suspecté d'avoir mis en place des écoutes téléphoniques illégales, payées 100 euros par jour et par personne écoutée, pour rendre service à certaines relations du grand banditisme insulaire. Il est, enfin accusé de séquestration par un livreur d'une entreprise bastiaise de téléphonie suspecté de vol, dont le patron lui aurait demandé d’accélérer l'enquête.
Il est jugé aux côtés de six co-prévenus qui ont eu recours à ses services. L’un d’eux, Claude Valéry, l’accable. Emprisonné pour escroquerie, ce dernier est le seul à ne pas comparaitre libre.
Des méthodes illégales
L’ex-capitaine nie l'essentiel des faits qui lui sont reprochés. Il nie avoir agi en fraude de la loi. S’il reconnait avoir employé des méthodes illégales, il affirme l’avoir fait avec l’aval de sa hiérarchie qui l’aurait encouragé ! Ses méthodes discutables étaient, selon lui, largement utilisées à l’époque par la police et la gendarmerie à Bastia. Le système, dit-il, était en place depuis longtemps. « « Les méthodes, qui lui sont reprochées, sont celles utilisées par la gendarmerie et par un certain nombre de membres de l’autorité judiciaire, soit pour faire parler des témoins, soit pour infiltrer des milieux. Mon client a mis en œuvre ce qu’il lui a été demandé. Il n’a jamais vendu de stupéfiants. Il a détruit des scellés. Il a infiltré des milieux. Il s’est servi d’un certain nombre d’indics », explique sa défense. Lors de l’audience interrompue d’octobre, elle avait promis des révélations, des coups de théâtres et des coups d’éclats. Me Scolari entend « révéler la vérité d’un fonctionnement, comment, en pratique, on se permet de sortir de la règle, de travailler hors du code de procédure pénale. Il a fait comme les autres ».
Des pressions confirmées
D’emblée, mardi matin, François Levan reconnaît avoir informé ses indics, fait sauter des PV et pratiqué des écoutes téléphoniques : « J'étais jeune. Je me suis fait avoir ». Il réitère que ses supérieurs cautionnaient « un système opaque d'échange de services avec des indicateurs de la gendarmerie à Bastia. Ce système permettait notamment des indulgences sur des délits routiers avec l'aval de la hiérarchie, était différent de ce qu'il se passait à Ajaccio d'où je venais ». Il avoue, aussi, des écoutes téléphoniques ouvertes dans des procédures vides qui, en fait, servaient à dénouer d’autres affaires.
Cette première journée d’audience, plutôt favorable à la défense, s’est poursuivie, l’après-midi, avec l’examen de la personnalité et de la carrière de l’accusé, âgé aujourd’hui de 42 ans. Le jeune militaire, qualifié de « brillant », mais aussi de « chien fou », arrive, en 2002, en Corse comme simple lieutenant, y gagne ses galons de capitaine et sa promotion du Var. Deux de ses anciens collègues sont venus témoigner en sa faveur, dont son ancien supérieur hiérarchique. Ce dernier confirme les pressions exercées par le Colonel, patron des gendarmes de Corse de l’époque, pour « sortir les affaires ». Le Colonel viendra témoigner mercredi.
N.M.
Le procès, qui aurait du avoir lieu en octobre sur deux jours, a tourné court après la tentative de suicide de l’un des sept prévenus. Les conseils du capitaine Levan, Me Olivier Morice du barreau de Paris et Me Christian Scolari du barreau de Nice, avaient, alors, bataillé rudement pour obtenir, de la Cour, une journée d’audience supplémentaire, nécessaire, selon eux, pour faire toute la lumière sur ce volumineux dossier qui totalise 1219 côtes et 12 tomes.
Retour sur les faits
De 2002 à 2007, le capitaine dirige l'antenne bastiaise de la section de recherches d'Ajaccio. Très apprécié par sa hiérarchie, considéré comme un « bon élément », il obtient une promotion et quitte tranquillement la Corse pour prendre le commandement du groupement de gendarmerie de Fréjus dans le Var. Ce n’est que quelques mois plus tard, au fil d’une enquête sur une tentative de racket contre Lucien Benvenuti, un restaurateur de Saint-Florent, que ses ex-collègues sont amenés à s’interroger sur les méthodes qu’avait employé le capitaine durant son séjour insulaire. Ils en viennent, notamment, à le soupçonner d'avoir divulgué des informations à un racketteur présumé et de l’avoir couvert. Mais c’est le fastueux train de vie qu’il mène dans le Var, sa Porsche, sa luxueuse villa et des fréquentations jugées douteuses qui poussent l’IGN (l'inspection générale de la gendarmerie) à enquêter sur ses activités en Corse. Mis en examen en 2009, l’officier fait trois mois de préventive et est contraint de démissionner de la gendarmerie, en 2010, lâché par ses pairs. Il se reconvertit dans l’hôtellerie à Marseille.
Des délits divers
Il comparait, aujourd'hui, pour divers délits, notamment détournements de saisies de drogue, corruption, arrestation, enlèvement et séquestration, écoutes téléphoniques illégales, fausse écriture et trafic d’influence. Il aurait subtilisé 100 kilos de résine de cannabis entreposés à la gendarmerie, signé de faux procès-verbaux de destruction et aurait revendu la drogue à son profit. Il était poursuivi, en octobre dernier devant le tribunal correctionnel de Draguignan, pour une affaire similaire portant sur 100 autres kilos de drogue. La procédure a été annulée pour non-respect des droits de la défense. A Bastia, il est également suspecté d'avoir mis en place des écoutes téléphoniques illégales, payées 100 euros par jour et par personne écoutée, pour rendre service à certaines relations du grand banditisme insulaire. Il est, enfin accusé de séquestration par un livreur d'une entreprise bastiaise de téléphonie suspecté de vol, dont le patron lui aurait demandé d’accélérer l'enquête.
Il est jugé aux côtés de six co-prévenus qui ont eu recours à ses services. L’un d’eux, Claude Valéry, l’accable. Emprisonné pour escroquerie, ce dernier est le seul à ne pas comparaitre libre.
Des méthodes illégales
L’ex-capitaine nie l'essentiel des faits qui lui sont reprochés. Il nie avoir agi en fraude de la loi. S’il reconnait avoir employé des méthodes illégales, il affirme l’avoir fait avec l’aval de sa hiérarchie qui l’aurait encouragé ! Ses méthodes discutables étaient, selon lui, largement utilisées à l’époque par la police et la gendarmerie à Bastia. Le système, dit-il, était en place depuis longtemps. « « Les méthodes, qui lui sont reprochées, sont celles utilisées par la gendarmerie et par un certain nombre de membres de l’autorité judiciaire, soit pour faire parler des témoins, soit pour infiltrer des milieux. Mon client a mis en œuvre ce qu’il lui a été demandé. Il n’a jamais vendu de stupéfiants. Il a détruit des scellés. Il a infiltré des milieux. Il s’est servi d’un certain nombre d’indics », explique sa défense. Lors de l’audience interrompue d’octobre, elle avait promis des révélations, des coups de théâtres et des coups d’éclats. Me Scolari entend « révéler la vérité d’un fonctionnement, comment, en pratique, on se permet de sortir de la règle, de travailler hors du code de procédure pénale. Il a fait comme les autres ».
Des pressions confirmées
D’emblée, mardi matin, François Levan reconnaît avoir informé ses indics, fait sauter des PV et pratiqué des écoutes téléphoniques : « J'étais jeune. Je me suis fait avoir ». Il réitère que ses supérieurs cautionnaient « un système opaque d'échange de services avec des indicateurs de la gendarmerie à Bastia. Ce système permettait notamment des indulgences sur des délits routiers avec l'aval de la hiérarchie, était différent de ce qu'il se passait à Ajaccio d'où je venais ». Il avoue, aussi, des écoutes téléphoniques ouvertes dans des procédures vides qui, en fait, servaient à dénouer d’autres affaires.
Cette première journée d’audience, plutôt favorable à la défense, s’est poursuivie, l’après-midi, avec l’examen de la personnalité et de la carrière de l’accusé, âgé aujourd’hui de 42 ans. Le jeune militaire, qualifié de « brillant », mais aussi de « chien fou », arrive, en 2002, en Corse comme simple lieutenant, y gagne ses galons de capitaine et sa promotion du Var. Deux de ses anciens collègues sont venus témoigner en sa faveur, dont son ancien supérieur hiérarchique. Ce dernier confirme les pressions exercées par le Colonel, patron des gendarmes de Corse de l’époque, pour « sortir les affaires ». Le Colonel viendra témoigner mercredi.
N.M.