L'avocate Charlotte Cesari, élue nationaliste d'opposition au Conseil municipal de Propriano.
- Quel est l’objet du recours que vous avez fait au Tribunal administratif ?
- Ce recours portait sur huit délibérations du Conseil municipal. Fin 2014, la commune de Propriano était dans l’obligation de procéder au vote du compte administratif, du compte de gestion et des différents autres comptes de l’exercice 2014. Le Conseil municipal devait effectuer ces différents votes au travers de documents comptables qui lui ont été fournis pour voter le budget primitif 2015. Ce dernier ne peut pas être voté tant que les délibérations précédentes ne l’ont pas été. Le maire de Propriano nous convoque, par courrier reçu le 7 mars, pour un Conseil municipal en date du 20 mars 2015. Il nous livre une note de synthèse, obligatoire pour les communes de plus de 3500 habitants. Cette note doit s’accompagner de tous les documents comptables nous permettant d’analyser la sincérité du budget. Ces documents ne nous ont pas été fournis dans la convocation ! Nous n’étions, donc, pas en mesure de vérifier la sincérité du budget 2015, notamment au travers des différentes délibérations concernant l’exercice 2014 qui devaient être votées.
- N’aviez-vous pas reçu une note de synthèse ?
- Oui ! La note de synthèse se contentait de récapituler le budget en deux tableaux très sommaires, truffés d’erreurs matérielles. Les lignes comptables, qui apparaissaient, n’apportaient pas le résultat écrit au bas de ces lignes. Nous avons, donc, demandé, au travers de courriers et de mails que nous avons envoyé du 16 au 20 mars au maire, de nous communiquer les documents comptables nous permettant de vérifier les éléments et les chiffres fournis, et de nous délivrer le compte administratif, le compte de gestion 2014 et tous les comptes afférents aux différentes délibérations qui devaient être votées.
- Quelle réponse avez-vous obtenue ?
- Le maire a opposé un refus catégorique à ces différentes demandes. En tant que conseillers municipaux, nous lui avons, alors, demandé le report de la séance du Conseil municipal. Le report a été refusé. Nous avions demandé de pouvoir consulter ces documents en séance, ce qui nous a, encore, été refusé.
- Qu’avez-vous fait alors ?
- Nous avons, donc, porté ces différentes délibérations devant le tribunal administratif pour expliquer, notamment, aux contribuables que nous n’étions pas en mesure de vérifier les dires du maire, les documents comptables et la sincérité du budget présenté, notamment celui de 2015. Le tribunal administratif a fait droit à nos demandes, estimant que, conformément au code général des collectivités territoriales, le droit des conseillers municipaux à un vote éclairé n’avait pas été respecté. Il a, donc, pris la décision d’annuler les huit délibérations concernant le budget primitif 2015, le compte administratif et le compte de gestion 2014.
- Quelles sont les conséquences de ces annulations ?
- La conséquence principale est que toutes les décisions modificatives budgétaires concernant le budget 2015 sont annulées de facto puisque le vote du budget 2015 est annulé. Toutes les subventions, attribuées à la commune au travers des documents comptables 2015 sont, aussi, annulées de facto. Comme le budget 2016 est basé sur les huit délibérations concernant les écritures comptables 2015, notamment celles relatives au vote du budget primitif 2015, il est, aussi, annulé par un effet domino.
- Concrètement, qu’est-ce que cela entraine ?
- Le maire de Propriano doit opérer une réécriture comptable des documents 2014, 2015 et 2016 dans leur totalité pour les rendre conformes. Il devra, ensuite, réunir le Conseil municipal et soumettre au vote les nouvelles écritures concernant les comptes administratifs et les comptes de gestion 2014 et 2015, le budget 2015 et toutes les délibérations modificatives ayant permis l’établissement du budget 2016. Tout cela avant le vote du budget primitif 2017, sans quoi il ne pourra pas faire voter les délibérations concernant ce nouveau budget. Comme nous sommes en période électorale, le maire ne peut faire voter le budget qu’avant le 15 avril. Sans quoi, cela aura des conséquences comptables très inquiétantes !
- Lesquelles ?
- S’il ne remplit pas ses obligations et que le budget n’est pas adopté avant cette date limite, le Préfet ou la Chambre régionale des comptes peuvent prendre la main. Le risque est que le budget passe sous tutelle. Le plus grave est que nous avions prévenu le maire de Propriano des risques qu’il encourait en ne communiquant pas à l’opposition les documents primordiaux pour l’élaboration du budget 2015. Il le savait pertinemment ! Il a voulu prendre ce risque. Il met, donc, en danger, de façon assez déconcertante et alarmante, la situation financière de la commune de Propriano qui devient très incertaine. La Chambre régionale des comptes l’a énoncé dans un rapport.
- Si le maire fait appel du jugement, l’appel est-il suspensif ?
- Non ! L’appel n’est pas suspensif en matière administrative.
- Est-il possible de réécrire et de revoter ces documents dans un délai aussi court ?
- C’est une question qu’il faut poser au maire de Propriano ! C’est à lui de le faire, s’il ne veut pas rendre des comptes aux instances de l’Etat français.
- En tant qu’opposition, que comptez-vous faire ?
- Pas grand chose ! A Propriano, force est de constater que l’opposition n’est ni considérée, ni respectée ! La situation politique n’a pas changé du tout ! Jusqu’à présent, la majorité municipale, au travers du maire, a toujours considéré que l’opposition n’avait aucun droit. Le tribunal administratif a pris une décision qui octroie des droits, ceux donnés par le code général des collectivités territoriales à tous les conseillers municipaux de France. Il a estimé que ces droits avaient été bafoués et que le Conseil municipal de Propriano n’avait pas eu une information suffisamment éclairée pour vérifier la sincérité du budget 2015. C’est la victoire du droit sur le totalitarisme !
- Cette situation s’est-elle répétée pour le vote du budget 2016, l’an dernier ?
- Non ! Pas du tout ! Nous avons eu tous les documents en temps et en heure. Mais, au dernier Conseil municipal 2017, un emprunt de 2 millions € a été effectué par la commune de Propriano pour assainir les finances. Il n’était pas inscrit à l’ordre du jour, il l’a été par le maire à la dernière minute. Il faut savoir qu’un ordre du jour doit être soumis aux élus cinq jours francs avant la séance, afin d’avoir le temps d’étudier les documents.
- Le rapport de la Chambre des comptes a-t-il changé quelque chose ?
- Non ! Le problème, c’est que la gestion de la commune de Propriano est très opaque ! Rien n’est fait en transparence. Selon les dires du maire, « nous sommes dans une maison de verre », mais le verre est assez opaque pour que la lumière n’y pénètre pas !
- Vous réjouissez-vous du jugement du tribunal administratif ?
- Oui et non ! Il n’est pas réjouissant puisque nous sommes dans l’obligation de saisir une juridiction pour que les droits les plus élémentaires soient respectés dans la commune de Propriano. C’est dommageable et désolant ! Bien que nous soyons une opposition, bien que nous ne soyons que trois membres de l’opposition, la moindre des choses est de respecter la voix du peuple, même si cela ne convient pas à une majorité municipale ! Je ne pense pas que dans d’autres communes en Corse, on en arrive à un tel stade pour faire respecter les droits d’une opposition qui représente toute la population proprianaise, et pas seulement les personnes qui l’ont votée. Quand le maire bafoue les droits de l’opposition comme il l’a fait, il bafoue, en même temps, tous les droits de n’importe quel contribuable de Propriano !
Propos recueillis par Nicole MARI.
- Ce recours portait sur huit délibérations du Conseil municipal. Fin 2014, la commune de Propriano était dans l’obligation de procéder au vote du compte administratif, du compte de gestion et des différents autres comptes de l’exercice 2014. Le Conseil municipal devait effectuer ces différents votes au travers de documents comptables qui lui ont été fournis pour voter le budget primitif 2015. Ce dernier ne peut pas être voté tant que les délibérations précédentes ne l’ont pas été. Le maire de Propriano nous convoque, par courrier reçu le 7 mars, pour un Conseil municipal en date du 20 mars 2015. Il nous livre une note de synthèse, obligatoire pour les communes de plus de 3500 habitants. Cette note doit s’accompagner de tous les documents comptables nous permettant d’analyser la sincérité du budget. Ces documents ne nous ont pas été fournis dans la convocation ! Nous n’étions, donc, pas en mesure de vérifier la sincérité du budget 2015, notamment au travers des différentes délibérations concernant l’exercice 2014 qui devaient être votées.
- N’aviez-vous pas reçu une note de synthèse ?
- Oui ! La note de synthèse se contentait de récapituler le budget en deux tableaux très sommaires, truffés d’erreurs matérielles. Les lignes comptables, qui apparaissaient, n’apportaient pas le résultat écrit au bas de ces lignes. Nous avons, donc, demandé, au travers de courriers et de mails que nous avons envoyé du 16 au 20 mars au maire, de nous communiquer les documents comptables nous permettant de vérifier les éléments et les chiffres fournis, et de nous délivrer le compte administratif, le compte de gestion 2014 et tous les comptes afférents aux différentes délibérations qui devaient être votées.
- Quelle réponse avez-vous obtenue ?
- Le maire a opposé un refus catégorique à ces différentes demandes. En tant que conseillers municipaux, nous lui avons, alors, demandé le report de la séance du Conseil municipal. Le report a été refusé. Nous avions demandé de pouvoir consulter ces documents en séance, ce qui nous a, encore, été refusé.
- Qu’avez-vous fait alors ?
- Nous avons, donc, porté ces différentes délibérations devant le tribunal administratif pour expliquer, notamment, aux contribuables que nous n’étions pas en mesure de vérifier les dires du maire, les documents comptables et la sincérité du budget présenté, notamment celui de 2015. Le tribunal administratif a fait droit à nos demandes, estimant que, conformément au code général des collectivités territoriales, le droit des conseillers municipaux à un vote éclairé n’avait pas été respecté. Il a, donc, pris la décision d’annuler les huit délibérations concernant le budget primitif 2015, le compte administratif et le compte de gestion 2014.
- Quelles sont les conséquences de ces annulations ?
- La conséquence principale est que toutes les décisions modificatives budgétaires concernant le budget 2015 sont annulées de facto puisque le vote du budget 2015 est annulé. Toutes les subventions, attribuées à la commune au travers des documents comptables 2015 sont, aussi, annulées de facto. Comme le budget 2016 est basé sur les huit délibérations concernant les écritures comptables 2015, notamment celles relatives au vote du budget primitif 2015, il est, aussi, annulé par un effet domino.
- Concrètement, qu’est-ce que cela entraine ?
- Le maire de Propriano doit opérer une réécriture comptable des documents 2014, 2015 et 2016 dans leur totalité pour les rendre conformes. Il devra, ensuite, réunir le Conseil municipal et soumettre au vote les nouvelles écritures concernant les comptes administratifs et les comptes de gestion 2014 et 2015, le budget 2015 et toutes les délibérations modificatives ayant permis l’établissement du budget 2016. Tout cela avant le vote du budget primitif 2017, sans quoi il ne pourra pas faire voter les délibérations concernant ce nouveau budget. Comme nous sommes en période électorale, le maire ne peut faire voter le budget qu’avant le 15 avril. Sans quoi, cela aura des conséquences comptables très inquiétantes !
- Lesquelles ?
- S’il ne remplit pas ses obligations et que le budget n’est pas adopté avant cette date limite, le Préfet ou la Chambre régionale des comptes peuvent prendre la main. Le risque est que le budget passe sous tutelle. Le plus grave est que nous avions prévenu le maire de Propriano des risques qu’il encourait en ne communiquant pas à l’opposition les documents primordiaux pour l’élaboration du budget 2015. Il le savait pertinemment ! Il a voulu prendre ce risque. Il met, donc, en danger, de façon assez déconcertante et alarmante, la situation financière de la commune de Propriano qui devient très incertaine. La Chambre régionale des comptes l’a énoncé dans un rapport.
- Si le maire fait appel du jugement, l’appel est-il suspensif ?
- Non ! L’appel n’est pas suspensif en matière administrative.
- Est-il possible de réécrire et de revoter ces documents dans un délai aussi court ?
- C’est une question qu’il faut poser au maire de Propriano ! C’est à lui de le faire, s’il ne veut pas rendre des comptes aux instances de l’Etat français.
- En tant qu’opposition, que comptez-vous faire ?
- Pas grand chose ! A Propriano, force est de constater que l’opposition n’est ni considérée, ni respectée ! La situation politique n’a pas changé du tout ! Jusqu’à présent, la majorité municipale, au travers du maire, a toujours considéré que l’opposition n’avait aucun droit. Le tribunal administratif a pris une décision qui octroie des droits, ceux donnés par le code général des collectivités territoriales à tous les conseillers municipaux de France. Il a estimé que ces droits avaient été bafoués et que le Conseil municipal de Propriano n’avait pas eu une information suffisamment éclairée pour vérifier la sincérité du budget 2015. C’est la victoire du droit sur le totalitarisme !
- Cette situation s’est-elle répétée pour le vote du budget 2016, l’an dernier ?
- Non ! Pas du tout ! Nous avons eu tous les documents en temps et en heure. Mais, au dernier Conseil municipal 2017, un emprunt de 2 millions € a été effectué par la commune de Propriano pour assainir les finances. Il n’était pas inscrit à l’ordre du jour, il l’a été par le maire à la dernière minute. Il faut savoir qu’un ordre du jour doit être soumis aux élus cinq jours francs avant la séance, afin d’avoir le temps d’étudier les documents.
- Le rapport de la Chambre des comptes a-t-il changé quelque chose ?
- Non ! Le problème, c’est que la gestion de la commune de Propriano est très opaque ! Rien n’est fait en transparence. Selon les dires du maire, « nous sommes dans une maison de verre », mais le verre est assez opaque pour que la lumière n’y pénètre pas !
- Vous réjouissez-vous du jugement du tribunal administratif ?
- Oui et non ! Il n’est pas réjouissant puisque nous sommes dans l’obligation de saisir une juridiction pour que les droits les plus élémentaires soient respectés dans la commune de Propriano. C’est dommageable et désolant ! Bien que nous soyons une opposition, bien que nous ne soyons que trois membres de l’opposition, la moindre des choses est de respecter la voix du peuple, même si cela ne convient pas à une majorité municipale ! Je ne pense pas que dans d’autres communes en Corse, on en arrive à un tel stade pour faire respecter les droits d’une opposition qui représente toute la population proprianaise, et pas seulement les personnes qui l’ont votée. Quand le maire bafoue les droits de l’opposition comme il l’a fait, il bafoue, en même temps, tous les droits de n’importe quel contribuable de Propriano !
Propos recueillis par Nicole MARI.