Christiane Taubira, Garde des Sceaux.
Jean-Guy Talamoni, président du groupe Corsica Libera :
« Nous avons, d’abord, évoqué la question du rapprochement des prisonniers politiques, qui a surtout été développée, d’un point de vue technique, par les associations. Elles ont exposé les problèmes, au cas par cas. Le cas de Nicolas Battini a été abordé assez longuement. Mme Taubira a pris des notes. On a bien vu qu’elle apprenait beaucoup de choses ! Elle s’est engagée à s’en occuper personnellement et à fournir des réponses rapides. Nous attendons, maintenant, des décisions et des faits.
Nous avons, aussi, longuement parlé d’amnistie qui est quand même le sujet central aujourd’hui. Le rapprochement des prisonniers est un point important pour régler un certain nombre de problèmes, mais transitoire. L’actualité en Corse, c’est l’amnistie, les communes délibèrent en ce sens. Même si nous n’attendions pas de réponse, puisque nous n’avons pas encore délibéré à l’Assemblée de Corse, nous voulions engager la discussion. Tous les élus ont voulu en parler. La réaction de Mme Taubira a été assez ouverte, ce qui est une nouveauté ! Ses réponses ont montré qu’elle n’était pas gênée par le sujet, que ce sujet lui paraissait intéressant à aborder et qu’elle trouvait notre demande légitime et pas irrecevable. Elle a précisé que c’était une question politique qui nécessitait un mandat et s’est dite prête à en discuter, à condition d’être mandatée. C’est plutôt positif, vu que les autres ministres, que nous avions rencontrés, ne nous avaient pas répondu sur le sujet. Mais, nous jugerons sur pièces ! »
Jean-Christophe Angelini, président du groupe Femu a Corsica :
« La rencontre a été très riche. Plusieurs sujets ont été abordés, notamment le rapprochement des prisonniers politiques et un certain nombre de situations individuelles. Nous avons cité le cas de Nicolas Battini, des DPS (Détenu particulièrement surveillé), des gens condamnés mais non rapprochés, de ceux dont l’instruction est terminée et qui sont en attente d’un procès, des jeunes récemment incarcérés… La connaissance de ces dossiers et le constat sont, désormais, partagés.
La question de l’amnistie a été posée, sans aucune hostilité, par tous les groupes politiques. Bien au contraire, le mouvement de fond lui a été favorable. La réponse de Mme Taubira, à notre interpellation, a été ouverte, avec une tonalité positive. Elle a indiqué que c’était un sujet politique de fond, dont elle comprenait l’intérêt, mais qu’il fallait l’aborder de manière plus fine et plus directive avec un mandat, dont on a compris qu’il devait émaner de l’Elysée. Elle a une volonté de poser le problème au bon niveau, de manière précise et pas incantatoire, avec une méthode et un calendrier. Par rapport aux précédents ministres que nous avions rencontrés, l’évolution du discours et de l’état d’esprit est indéniable. Nous verrons ce que cela donnera pas en termes de décisions. Nous jugerons sur pièces ! »
André Pacou, porte-parole de la Ligue des droits de l’homme (LDH) en Corse :
« Deux questions ont été abordées : celle du rapprochement des détenus et celle de l’amnistie. Dans mon intervention, j’ai expliqué que ces deux questions contribuaient au processus d’apaisement auquel la Corse aspire. J’ai précisé que la LDH, en Corse comme au niveau national, considère que la question de l’amnistie est légitime au plan politique. Le silence des bombes ne veut pas dire que la société corse est rentrée dans une espèce de normalité. La situation reste fragile. Il ne faut pas gâcher l’avenir en n’entendant pas les volontés qui s’expriment en Corse d’ouvrir une autre page.
Concernant le rapprochement, j’ai rappelé que la LDH estime que cette question touche tous les Corses qui sont détenus ou prévenus sur le continent, quelque soit leur caractéristique : droit commun ou politique. Mais, parler de cela, signifie, aussi, gérer les conséquences de l’antiterrorisme, c’est-à-dire d’une catégorie bien précise de détenus. Dans ce cadre-là, j’ai insisté sur les blocages concernant les détenus politiques, blocages liés à l’idée que ces détenus-là sont potentiellement dangereux. Ce qui permet, par exemple, à l’administration de dire qu’on ne peut pas rapprocher un DPS (Détenu particulièrement surveillé) en Corse, alors qu’aucune loi ne le dit ! La loi est très claire : un condamné doit être rapproché de sa famille. Un décret de 2010 indique que les prévenus, dont l’instruction est close, peuvent aussi être rapprochés. La loi antiterroriste est dérogatoire au droit commun, elle prévoit 4 ans de détention provisoire, ce qui correspond à une peine moyenne. La position de la LDH est qu’il faut appliquer le décret et rapprocher ces prévenus.
La Garde des Sceaux a été à l’écoute. Elle n’a pas fermé la porte à une discussion sur l’amnistie. Elle a simplement dit qu’elle n’avait pas de mandat politique pour traiter cette question, qu’elle a jugée légitime, et qu’elle ferait remonter cette demande au niveau du gouvernement. Concernant le rapprochement des détenus, elle a demandé à l’Associu Sulidarità de lui faire remonter les situations exactes de chaque personne concernée. Elle a affirmé qu’elle ferait le point personnellement. C’est important, vu que c’était le but premier de la réunion et que des familles attendent des actes concrets. Nous avons noté une ouverture, une volonté d’avancer dans un esprit d’apaisement. Il faut espérer que cette volonté se concrétisera et se généralisera à l’ensemble du gouvernement et au président de la République ! ».
Jean Marie Poli, président de l’Associu Sulidarità :
« D’abord, il est important de noter que la délégation corse était au complet avec la présence des présidents de l’Assemblée de Corse, les représentants des associations de prisonniers, la Ligue des Droits de l’Homme et les élus. Il ne manquait aucun président de groupe politique. Pendant cette réunion, nous avons trouvé une écoute importante du ministre sur le sujet politique du moment, qui a occupé les deux tiers du temps de la discussion : l’amnistie. Nous avons dit que c’est une demande forte et réitérée des élus de la Corse pour aller vers une solution politique, une situation apaisée, en prenant en compte les derniers positionnements politiques après la déclaration du FLNC. La ministre a trouvé, cette demande, légitime. Elle a dit que, si elle avait mandat de son Exécutif, elle créerait les conditions d’une réunion et d’une visite en Corse pour discuter de cette question. C’est une affirmation assez conséquente.
Nous avons, ensuite, abordé la question du rapprochement des prisonniers qui est une question de droits humains. Cette question, qui est posée depuis plus de 20 ans, n’a jamais été réglée ! Nous avons défendu, bec et ongles, notre refus de cette violation du droit à laquelle la France se livre depuis plusieurs années et expliqué de quelle manière le lien familial est interrompu à cause de l’exil carcéral. Nous avons abordé le cas de tous les prisonniers politiques. La ministre a dit qu’elle avait compris la situation difficile que cela engendrait, qu’il y avait, effectivement, une question de droits et qu’elle allait se saisir personnellement des cas que nous lui avons présentés. Elle a promis de donner très vite des réponses, via l’Assemblée de Corse. Nous avons exposé une réalité, la ministre a eu l’air de la prendre en compte. C’est la première fois que, dans ce type de réunion, nous ressentons un ministre aussi impliqué ! ».
Propos recueillis par Nicole MARI.
« Nous avons, d’abord, évoqué la question du rapprochement des prisonniers politiques, qui a surtout été développée, d’un point de vue technique, par les associations. Elles ont exposé les problèmes, au cas par cas. Le cas de Nicolas Battini a été abordé assez longuement. Mme Taubira a pris des notes. On a bien vu qu’elle apprenait beaucoup de choses ! Elle s’est engagée à s’en occuper personnellement et à fournir des réponses rapides. Nous attendons, maintenant, des décisions et des faits.
Nous avons, aussi, longuement parlé d’amnistie qui est quand même le sujet central aujourd’hui. Le rapprochement des prisonniers est un point important pour régler un certain nombre de problèmes, mais transitoire. L’actualité en Corse, c’est l’amnistie, les communes délibèrent en ce sens. Même si nous n’attendions pas de réponse, puisque nous n’avons pas encore délibéré à l’Assemblée de Corse, nous voulions engager la discussion. Tous les élus ont voulu en parler. La réaction de Mme Taubira a été assez ouverte, ce qui est une nouveauté ! Ses réponses ont montré qu’elle n’était pas gênée par le sujet, que ce sujet lui paraissait intéressant à aborder et qu’elle trouvait notre demande légitime et pas irrecevable. Elle a précisé que c’était une question politique qui nécessitait un mandat et s’est dite prête à en discuter, à condition d’être mandatée. C’est plutôt positif, vu que les autres ministres, que nous avions rencontrés, ne nous avaient pas répondu sur le sujet. Mais, nous jugerons sur pièces ! »
Jean-Christophe Angelini, président du groupe Femu a Corsica :
« La rencontre a été très riche. Plusieurs sujets ont été abordés, notamment le rapprochement des prisonniers politiques et un certain nombre de situations individuelles. Nous avons cité le cas de Nicolas Battini, des DPS (Détenu particulièrement surveillé), des gens condamnés mais non rapprochés, de ceux dont l’instruction est terminée et qui sont en attente d’un procès, des jeunes récemment incarcérés… La connaissance de ces dossiers et le constat sont, désormais, partagés.
La question de l’amnistie a été posée, sans aucune hostilité, par tous les groupes politiques. Bien au contraire, le mouvement de fond lui a été favorable. La réponse de Mme Taubira, à notre interpellation, a été ouverte, avec une tonalité positive. Elle a indiqué que c’était un sujet politique de fond, dont elle comprenait l’intérêt, mais qu’il fallait l’aborder de manière plus fine et plus directive avec un mandat, dont on a compris qu’il devait émaner de l’Elysée. Elle a une volonté de poser le problème au bon niveau, de manière précise et pas incantatoire, avec une méthode et un calendrier. Par rapport aux précédents ministres que nous avions rencontrés, l’évolution du discours et de l’état d’esprit est indéniable. Nous verrons ce que cela donnera pas en termes de décisions. Nous jugerons sur pièces ! »
André Pacou, porte-parole de la Ligue des droits de l’homme (LDH) en Corse :
« Deux questions ont été abordées : celle du rapprochement des détenus et celle de l’amnistie. Dans mon intervention, j’ai expliqué que ces deux questions contribuaient au processus d’apaisement auquel la Corse aspire. J’ai précisé que la LDH, en Corse comme au niveau national, considère que la question de l’amnistie est légitime au plan politique. Le silence des bombes ne veut pas dire que la société corse est rentrée dans une espèce de normalité. La situation reste fragile. Il ne faut pas gâcher l’avenir en n’entendant pas les volontés qui s’expriment en Corse d’ouvrir une autre page.
Concernant le rapprochement, j’ai rappelé que la LDH estime que cette question touche tous les Corses qui sont détenus ou prévenus sur le continent, quelque soit leur caractéristique : droit commun ou politique. Mais, parler de cela, signifie, aussi, gérer les conséquences de l’antiterrorisme, c’est-à-dire d’une catégorie bien précise de détenus. Dans ce cadre-là, j’ai insisté sur les blocages concernant les détenus politiques, blocages liés à l’idée que ces détenus-là sont potentiellement dangereux. Ce qui permet, par exemple, à l’administration de dire qu’on ne peut pas rapprocher un DPS (Détenu particulièrement surveillé) en Corse, alors qu’aucune loi ne le dit ! La loi est très claire : un condamné doit être rapproché de sa famille. Un décret de 2010 indique que les prévenus, dont l’instruction est close, peuvent aussi être rapprochés. La loi antiterroriste est dérogatoire au droit commun, elle prévoit 4 ans de détention provisoire, ce qui correspond à une peine moyenne. La position de la LDH est qu’il faut appliquer le décret et rapprocher ces prévenus.
La Garde des Sceaux a été à l’écoute. Elle n’a pas fermé la porte à une discussion sur l’amnistie. Elle a simplement dit qu’elle n’avait pas de mandat politique pour traiter cette question, qu’elle a jugée légitime, et qu’elle ferait remonter cette demande au niveau du gouvernement. Concernant le rapprochement des détenus, elle a demandé à l’Associu Sulidarità de lui faire remonter les situations exactes de chaque personne concernée. Elle a affirmé qu’elle ferait le point personnellement. C’est important, vu que c’était le but premier de la réunion et que des familles attendent des actes concrets. Nous avons noté une ouverture, une volonté d’avancer dans un esprit d’apaisement. Il faut espérer que cette volonté se concrétisera et se généralisera à l’ensemble du gouvernement et au président de la République ! ».
Jean Marie Poli, président de l’Associu Sulidarità :
« D’abord, il est important de noter que la délégation corse était au complet avec la présence des présidents de l’Assemblée de Corse, les représentants des associations de prisonniers, la Ligue des Droits de l’Homme et les élus. Il ne manquait aucun président de groupe politique. Pendant cette réunion, nous avons trouvé une écoute importante du ministre sur le sujet politique du moment, qui a occupé les deux tiers du temps de la discussion : l’amnistie. Nous avons dit que c’est une demande forte et réitérée des élus de la Corse pour aller vers une solution politique, une situation apaisée, en prenant en compte les derniers positionnements politiques après la déclaration du FLNC. La ministre a trouvé, cette demande, légitime. Elle a dit que, si elle avait mandat de son Exécutif, elle créerait les conditions d’une réunion et d’une visite en Corse pour discuter de cette question. C’est une affirmation assez conséquente.
Nous avons, ensuite, abordé la question du rapprochement des prisonniers qui est une question de droits humains. Cette question, qui est posée depuis plus de 20 ans, n’a jamais été réglée ! Nous avons défendu, bec et ongles, notre refus de cette violation du droit à laquelle la France se livre depuis plusieurs années et expliqué de quelle manière le lien familial est interrompu à cause de l’exil carcéral. Nous avons abordé le cas de tous les prisonniers politiques. La ministre a dit qu’elle avait compris la situation difficile que cela engendrait, qu’il y avait, effectivement, une question de droits et qu’elle allait se saisir personnellement des cas que nous lui avons présentés. Elle a promis de donner très vite des réponses, via l’Assemblée de Corse. Nous avons exposé une réalité, la ministre a eu l’air de la prendre en compte. C’est la première fois que, dans ce type de réunion, nous ressentons un ministre aussi impliqué ! ».
Propos recueillis par Nicole MARI.