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Réforme des retraites : Le groupe LIOT dépose une loi pour abroger le recul à 64 ans de l’âge de départ


Nicole Mari le Jeudi 20 Avril 2023 à 22:20

Le groupe LIOT (Libertés, Indépendants, Outre-Mer et Territoires), auquel appartiennent les trois députés nationalistes corses, a déposé le 20 avril une proposition de loi abrogeant le recul de l’âge effectif de départ à la retraite et proposant la tenue d’une conférence sociale sur le financement du système de retraite. Ce projet de loi sera présenté au vote de l’Assemblée nationale lors de la niche parlementaire du 8 juin prochain. Dans la foulée, le groupe LIOT annonce son intention de déposer une autre proposition de loi visant à renforcer l’indépendance du Conseil constitutionnel.



Le Groupe parlementaire LIOT (Libertés, Indépendants, Outre-Mer et Territoires) composé de 20 députés, dont les trois députés nationalistes corses.
Le Groupe parlementaire LIOT (Libertés, Indépendants, Outre-Mer et Territoires) composé de 20 députés, dont les trois députés nationalistes corses.
« L’idée serait que le Parlement puisse enfin discuter et voter cette loi qu’il n’a jamais votée ! ». C’est en ces termes que Michel Castellani, député nationaliste de la 1ère circonscription de Haute-Corse et membre du groupe LIOT justifie le dépôt, ce 20 avril, du projet de loi visant à supprimer au moins partiellement la réforme des retraites, plus précisément le recul à 64 ans de l’âge légal. Une proposition de loi réduite à deux articles très clairs, et un exposé des motifs qui fait le point sur la crise démocratique et sociale que suscite cette réforme adoptée sans vote de l’Assemblée nationale et promulguée le 14 avril par le gouvernement sans aucun état d’âme. Le groupe LIOT, qui a, le 20 mars dernier, fait trébucher le gouvernement, sans le faire tomber, avec sa motion de censure transpartisane, rejetée par seulement neuf voix, tente de trouver les moyens d’une sortie de crise acceptable. « Le gouvernement a fait un choix et il lui est difficile de revenir en arrière. Il tente d’éteindre l’incendie avec son histoire de cent jours de réforme, mais ça ne prend pas. La contestation ne s’arrête pas. L’idée est de lui offrir une porte de sortie honorable pour qu’il puisse tenir compte de l’état de mécontentement qui est énorme, et l’opportunité d’améliorer son texte à travers des amendements », précise Michel Castellani. Il ajoute que, comme ses collègues, « il reçoit des centaines de messages de gens qui sont mécontents de la réforme ». Un rejet dont se fait l’écho le groupe LIOT dans l’exposé des motifs du projet de loi en taclant « les nombreuses procédures utilisées de façon détournée par le Gouvernement, pour empêcher la tenue d’un débat clair et sincère, mais aussi et surtout pour éviter un vote à l’Assemblée nationale. Ils sont la preuve qu’une majorité de députés était en réalité prête à rejeter cette réforme des retraites, pour des raisons de fond comme de forme. Ils sont un aveu de faiblesse du Gouvernement qui n’a pas réussi à convaincre – ni les Parlementaires, ni les Français – du bien- fondé de sa réforme ». Une promulgation de la loi qui, selon le groupe, n’entraine « ni sa validation politique, ni son acceptation sociale. Nous considérons que nous n’avons pu aller au bout du cheminement démocratique ».
 
Des mesures dures et brutales
Au-delà de ce bafouement démocratique, ce qui chiffonne le groupe LIOT, c’est que le texte promulgué est « encore plus dur » que le texte initial qui a « été amputé de nombreuses dispositions jugées comme étant des « cavaliers sociaux ». Or ces dernières avaient justement été ajoutées pour amoindrir les effets négatifs de la réforme. Après la censure de ces articles relatifs à l’emploi des seniors ou à la pénibilité – bien que largement insuffisants – l’essentiel des mesures restantes sont les mesures comptables les plus dures et les plus brutales. La plus injuste d’entre elle demeure le recul de l’âge légal de départ à 64 ans ». Un recul de l’âge de 62 à 64 que le groupe a toujours combattu. « L’essentiel des économies attendues seront essentiellement portées par les plus modestes : sur ceux qui auront à travailler plus, sans voir leur pension progresser ; sur ceux qui ont commencé à travailler tôt, qui exercent souvent des emplois pénibles, précaires ; ceux qui ont des carrières hachées ; et donc principalement les femmes. Ce sont toutes ces personnes qui ont été peu reconnues lors de la crise sanitaire, et qui subissent maintenant l’inflation de plein fouet. Par ailleurs, cette réforme augmentera la précarité de ceux qui, après 55 ans, sont déjà poussés vers la sorte, connaissent le chômage ou le RSA. L’injustice sociale au cœur de la réforme des retraites est la raison de son rejet massif : c’est à cette injustice que nous devons nous attaquer ». Au-delà de la colère globale, les mobilisations expriment, pour le groupe LIOT, « une défiance envers des responsables politiques qui donnent le sentiment de pas être à l’écoute et de gouverner seuls contre tous ». Avec le risque que la crise sociale ne se transformer en une crise politique et démocratique durable « si aucune leçon n’est tirée rapidement ». La proposition de loi affiche, donc, pour objectif de sortir de l’impasse dans laquelle le pays se trouve aujourd’hui, « afin d’éviter que celui-ci ne se déchire davantage, et pour retrouver l’apaisement, le chemin de l’écoute, du dialogue, du respect. Respect de nos concitoyens, respect de nos institutions, respect de nos corps intermédiaires ».

Michel Castellani.
Michel Castellani.
Une réforme plus juste
Pour le groupe LIOT, le seul préalable à cet apaisement est le retrait de la réforme : « Cette proposition de loi abroge les dispositions qui cristallisent toutes les inquiétudes et les tensions : le recul de l’âge légal de départ à 64 ans et l’accélération de l’augmentation de la durée de cotisation. Avec un objectif : trouver des solutions de financement plus acceptables par tous pour mieux répartir l’effort demandé et proposer une nouvelle réforme des retraites, soutenable pour conforter notre système par répartition, et plus juste socialement ». Aussi l’article 1 du projet de loi remet l’âge légal de départ à 62 ans et rétablit le calendrier initial de la hausse de durée de cotisation, pour atteindre 172 trimestres en 2035 pour la génération 1973. L’article 2 propose l’organisation d’une conférence de financement pour garantir la pérennité du système de retraite. « Le Gouvernement ne peut se contenter de constater et d’alarmer sur le risque d’un déficit futur du système, sans tirer les conséquences de l’évolution de celui-ci. Nous ne pouvons plus faire reposer sur les seuls actifs le financement de notre système de retraite du fait de l’existence d’un rapport entre actifs et non-actifs de plus en plus déséquilibré et de la part croissante du capital dans la richesse nationale, au détriment du travail ». Le groupe LIOT estime qu’il faut « répondre au sentiment d’injustice croissant qui repose sur une réalité : l’aggravation des inégalités de richesses et de patrimoine » et suggère « une réflexion globale en matière de solidarité intergénérationnelle sur laquelle repose notamment notre système de retraite ». Il propose la tenue d’une grande conférence de financement, impliquant notamment les partenaires sociaux, afin d’étudier les solutions existantes et d’envisager de nouvelles pistes de financement. « Cela nécessite de mener ce qui n’a pas été fait jusqu’à présent : une vraie concertation sur le sujet des retraites dans sa totalité, sur le sujet du travail et de notre protection sociale. Aborder les retraites à travers le seul prisme budgétaire ne correspond pas à ce qu’une réforme des retraites devrait être : un vrai projet de société ».
 
Un carton rouge
La validation par le Conseil constitutionnel de la réforme contestée incite également le groupe LIOT à déposer un autre projet de loi visant à renforcer l’indépendance du Haut Conseil par un nouveau mode de désignation de ses neuf membres, notamment la validation des deux tiers des parlementaires, « sur la base de compétences juridiques ». Aujourd’hui, les nominations proposées à égalité de tiers par le président de la République, le président du Sénat et le président de l’Assemblée nationale, ne sont soumises qu’à l’aval des deux Commission des lois de l’Assemblée et du Sénat. « L’idée là aussi est de trouver un consensus dans la recherche d’une plus grande démocratie. C’est un peu choquant que neuf personnes, qui ne sont pas élues, puissent avoir un carton rouge dans la poche sans rendre compte de leurs décisions alors que nous, députés, sommes élus par le peuple. Vérifier la constitutionnalité d’une loi, c’est bien, mais cela donne lieu des fois à des arbitrages qui sont plus politiques que constitutionnels. On peut quand même améliorer la représentativité du Conseil constitutionnel », commente Michel Castellani.
 
Une position de repli
Ceci dit, le député de Femu a Corsica ne perd pas de vue les discussions entamées à Beauvau sur l’autonomie de la Corse, bien qu’elles semblent noyées dans la crise sociale et politique que traverse le pays : « De façon informelle, on nous fait savoir la volonté de reprendre le travail et d’avancer », indique-t-il. Il admet que dans ce contexte national troublé, la réforme de la Constitution désirée par le président de la République « semble très compromise ». Aussi Michel Castellani défend-il « une position de repli. Lors de la dernière réunion de Beauvau, j’ai mis sciemment trois points sur la table, hors réforme constitutionnelle, des points de repli. Le premier est l’obtention d’un statut fiscal pour remettre le système à plat et relancer notre économie. Le second est l’hôpital de Bastia. J’attends un rendez-vous avec le ministre de la Santé. Le troisième est le conventionnement des écoles immersives qui est une condition pour que ces écoles puissent prospérer en Corse. J’ai fait ces trois demandes qui peuvent se réaliser avec un peu de bonne volonté, sans réforme constitutionnelle ».  
 
N.M.