Lors de la rentrée solennelle du Tribunal de grande instance de Bastia, le réquisitoire du procureur de la République, Nicolas Bessone.
Aucun avocat, pas même le bâtonnier du barreau de Bastia, ni même le président du Conseil de l’ordre n’étaient présents, jeudi, pour assister aux traditionnelles audiences solennelles de rentrée de la Cour d’appel et du Tribunal de grande instance (TGI). Cette politique de la chaise vide, issue de la guerre froide qui oppose depuis trois mois les deux barreaux insulaires aux magistrats des deux sièges de Bastia et d’Ajaccio, n’a été du goût, ni du premier président de la Cour d’appel, Philippe Herald, ni du procureur de la République, Nicolas Bessone. Le premier appelle à l’apaisement, se dit ouvert au dialogue, mais dénonce la grève des avocats, leur « susceptibilité » et leur demande d’assumer leurs responsabilités : « Il arrive un moment où on ne peut plus fonctionner ! ». Le second déplore de ne pouvoir lancer « quelques messages constructifs » au barreau de Bastia, « qui boycotte ces cérémonies, continuant un mouvement de protestation dont on a du mal à comprendre les finalités… J’en perds mon latin et tout cela se fait au détriment des justiciables ». Il regrette également l’absence des « élus locaux du Grand Bastia ».
Des assassinats en baisse
Le traditionnel bilan de l’année judiciaire écoulée a été dressé, d’abord, par les robes rouges de la Cour d’appel et le procureur général Franck Rastoul, ensuite par les robes noires du Tribunal de grande instance (TGI) et par le procureur de la République, Nicolas Bessone. Un rituel où la satisfaction est scrupuleusement de mise et où les chiffres alignés sont à relativiser tant ils traduisent mal la réalité du terrain. Pour Franck Rastoul, l’année 2014 a été marquée par une baisse du nombre d'homicides (-23,5%), des attentats (-42,4%) et des règlements de compte (-50%) dont plus de la moitié (58%) concerne la seule région de Sartène. Mais leur taux d’élucidation reste faible. En revanche, le nombre de tentatives d’homicide a augmenté ainsi que les dégradations par arme à feu, en hausse de 32,4%, dont 62% en Haute-Corse. 297 armes à feu ont été saisies dans l’île en 2014. « Les actions fortes, de sensibilisation comme de répression, en matière de détention d’armes devront donc être prolongées en 2015 », estime le procureur général.
Des attentats réduits
Même constat de Nicolas Bessone qui explique que les homicides et les tentatives d’homicides sont à leur plus bas niveau historique en Haute-Corse : 13 affaires, dont seulement 5 dans le cadre de règlements de comptes, et un taux d’élucidation de 61% (8 affaires). De même, une baisse « impressionnante » des attentats, réduits à 10 en Haute-Corse, « liée très certainement à l’annonce du FLNC, en juin 2014, mais aussi la résultante de l’affaiblissement de la frange violente des Nationalistes, grâce encore à l’efficacité de nos services », affirme-t-il. Chute, également, des vols à main armée avec seulement 17 affaires en 2014, dont 9 toujours en cours et 2 élucidées. Le procureur déplore la faiblesse du nombre de plaintes d’extorsions de fonds, « une gangrène en Haute-Corse et trop peu de faits portés à notre connaissance ». Sur 10 dossiers, la moitié a conduit à des condamnations significatives. Concernant le pôle économique et foncier, il annonce que le nombre de dossiers en cours reste stable à 50, dont 20 ultra-prioritaires. Il se félicite de l’augmentation du nombre des dessaisissements du Parquet d’Ajaccio qui passe de 9 en 2013 à 17 et des « affaires retentissantes » sorties en fin d’année. « La restructuration se poursuit et les résultats s’engrangent », indique-t-il.
La plaie des armes
Deux dossiers le préoccupent : les incendies volontaires de véhicules automobiles au nombre de 350 dont 2/3 en Haute-Corse et les dégradations par arme à feu au nombre de 45. Il stigmatise les armes, « plaies endémiques. La dramatique affaire de mercredi soir, boulevard Paoli, nous rappelle, s’il en était besoin, que lorsqu’on possède des armes à feu, on est enclin à s’en servir ». Il promet, pour 2015, une politique « très ferme avec le recours systématique à la comparution immédiate (60% des affaires) » et une tolérance zéro. En 2014, 39 condamnations ont été prononcées dont 72% à de l’emprisonnement et 13% assorties de mandat de dépôt « Ce qui est un mauvais signal lancé dans le contexte local. Nous avons interjeté 9 appels », dit-il aux magistrats.
Un peu plus tard, en clôturant l'année judiciaire 2014 pour ouvrir celle de 2015, Nicolas Bessone lance un sévère avertissement qu’il semble adresser tant aux justiciables qu’aux magistrats : « Compte tenu du contexte, nous allons muscler notre jeu pour placer cette année 2015 sous le signe de la répression » !
Une délinquance maîtrisée
En attendant, il énonce, avec une évidente satisfaction, d’autres chiffres qu’il juge éloquents, notamment celui des procédures pénales (PV) en légère baisse de 12069 en 2013 à 11931 en 2014. Pour le Parquet, ce chiffre représente « un niveau réel de délinquance », très inférieur au pic des 14500 PV de 2012, « année dramatique qui a entraîné une réaction des pouvoirs publics et l’adoption de la circulaire territoriale corse ». Il estime la délinquance « maîtrisée en Haute-Corse » ! Le taux d’élucidation des enquêtes augmente de 5012 PV délivrés contre des auteurs connus en 2013 à 5100 en 2014. Le niveau d’activités se maintient autour de 3700 affaires avec 1676 décisions rendues, soit une chute de 10% imputable à la grève du barreau. En revanche, le procureur juge la hausse du taux de réponse pénale de 97,95% à 98,11%, vide de sens. « Mon objectif, aussi paradoxal qu’il puisse paraître, est de le faire baisser car, pour certaines affaires certes marginales, la meilleure réponse du Parquet doit être le silence ! ». Il attribue la baisse de 10% du taux de comparutions immédiates, à la « chute vertigineuse » des faits constatés à la maison d’arrêt de Borgo, qui passent de 160 à 67.
Des mesures alternatives
Le Parquet se réjouit de la diversification des mesures alternatives à la prison, notamment celles à destination des mineurs, comme le stage de citoyenneté. « Ces offres de stages permettent d’associer de nombreux partenaires et d’adapter la mesure au plus près du comportement sanctionné et de la personnalité de l’auteur ». Les TNR (Travaux non rémunérés), mis en place en 2012, ont été réalisés à 12 reprises, dont 10 par des jeunes majeurs, auteurs d’envahissement du stade Armand Cesari lors d’un match du Sporting. Pris en charge par la CAB (Communauté d’agglomération de Bastia), ils ont participé au nettoyage du stade en juillet 2014. Un stage de « conduite rationnelle et risque routier » a, également, été lancé. En 2015, un protocole d’injonction thérapeutique pour toxicomanes réitérants et alcooliques chroniques sera mis en place. Une orientation socio-éducative pour des jeunes en rupture de formation ou d’emploi et une médiation de voisinage renforcée dans les litiges récurrents entre voisins seront expérimentées.
Hommage à l’instruction
A sa suite, le président du TGI, Francis Bihin, a rendu plusieurs hommages. D’abord, au travail des juges d’instruction dont le nombre de dossiers a augmenté en 2014, passant de 146 à 186. 40% des dossiers concernent des affaires criminelles. Le nombre des affaires économico-financières a presque doublé, passant de 29 à 42. Près de 121 dossiers ont été bouclés et 485 jugements rendus.
Un hommage, ensuite, aux juges d’application des peines qui ont en charge une population de 440 détenus répartis sur les sites de Borgo et de Casabianda. « La mise en œuvre de la loi Taubira sur l’individualisation des peines impose, désormais, qu’une attention nouvelle soit portée, chaque année, sur la situation de 150 à 200 condamnés ».
Vœu au civil
Un hommage, enfin, à la justice civile : « Deux jugements sur 3 sont civils et concernent les pans les plus sensibles de la vie des gens ordinaires. Les citoyens attendent beaucoup de la justice civile. On ne saura jamais combien d’incidents alimentant les faits divers ont été évités par une décision civile en désamorçant un conflit de manière opportune ! ». A la veille des élections municipales de mars dernier, 1400 recours ont été examinés en moins de 3 semaines ! Au total, plus de 3000 décisions civiles ont été rendues, dont plus de 500 par le juge aux affaires familiales. Francis Bihin clôture l'audience en émettant le vœu que « la forêt de la justice civile ne disparaisse, cette année encore, derrière l’arbre de la justice pénale ».
N.M.
Des assassinats en baisse
Le traditionnel bilan de l’année judiciaire écoulée a été dressé, d’abord, par les robes rouges de la Cour d’appel et le procureur général Franck Rastoul, ensuite par les robes noires du Tribunal de grande instance (TGI) et par le procureur de la République, Nicolas Bessone. Un rituel où la satisfaction est scrupuleusement de mise et où les chiffres alignés sont à relativiser tant ils traduisent mal la réalité du terrain. Pour Franck Rastoul, l’année 2014 a été marquée par une baisse du nombre d'homicides (-23,5%), des attentats (-42,4%) et des règlements de compte (-50%) dont plus de la moitié (58%) concerne la seule région de Sartène. Mais leur taux d’élucidation reste faible. En revanche, le nombre de tentatives d’homicide a augmenté ainsi que les dégradations par arme à feu, en hausse de 32,4%, dont 62% en Haute-Corse. 297 armes à feu ont été saisies dans l’île en 2014. « Les actions fortes, de sensibilisation comme de répression, en matière de détention d’armes devront donc être prolongées en 2015 », estime le procureur général.
Des attentats réduits
Même constat de Nicolas Bessone qui explique que les homicides et les tentatives d’homicides sont à leur plus bas niveau historique en Haute-Corse : 13 affaires, dont seulement 5 dans le cadre de règlements de comptes, et un taux d’élucidation de 61% (8 affaires). De même, une baisse « impressionnante » des attentats, réduits à 10 en Haute-Corse, « liée très certainement à l’annonce du FLNC, en juin 2014, mais aussi la résultante de l’affaiblissement de la frange violente des Nationalistes, grâce encore à l’efficacité de nos services », affirme-t-il. Chute, également, des vols à main armée avec seulement 17 affaires en 2014, dont 9 toujours en cours et 2 élucidées. Le procureur déplore la faiblesse du nombre de plaintes d’extorsions de fonds, « une gangrène en Haute-Corse et trop peu de faits portés à notre connaissance ». Sur 10 dossiers, la moitié a conduit à des condamnations significatives. Concernant le pôle économique et foncier, il annonce que le nombre de dossiers en cours reste stable à 50, dont 20 ultra-prioritaires. Il se félicite de l’augmentation du nombre des dessaisissements du Parquet d’Ajaccio qui passe de 9 en 2013 à 17 et des « affaires retentissantes » sorties en fin d’année. « La restructuration se poursuit et les résultats s’engrangent », indique-t-il.
La plaie des armes
Deux dossiers le préoccupent : les incendies volontaires de véhicules automobiles au nombre de 350 dont 2/3 en Haute-Corse et les dégradations par arme à feu au nombre de 45. Il stigmatise les armes, « plaies endémiques. La dramatique affaire de mercredi soir, boulevard Paoli, nous rappelle, s’il en était besoin, que lorsqu’on possède des armes à feu, on est enclin à s’en servir ». Il promet, pour 2015, une politique « très ferme avec le recours systématique à la comparution immédiate (60% des affaires) » et une tolérance zéro. En 2014, 39 condamnations ont été prononcées dont 72% à de l’emprisonnement et 13% assorties de mandat de dépôt « Ce qui est un mauvais signal lancé dans le contexte local. Nous avons interjeté 9 appels », dit-il aux magistrats.
Un peu plus tard, en clôturant l'année judiciaire 2014 pour ouvrir celle de 2015, Nicolas Bessone lance un sévère avertissement qu’il semble adresser tant aux justiciables qu’aux magistrats : « Compte tenu du contexte, nous allons muscler notre jeu pour placer cette année 2015 sous le signe de la répression » !
Une délinquance maîtrisée
En attendant, il énonce, avec une évidente satisfaction, d’autres chiffres qu’il juge éloquents, notamment celui des procédures pénales (PV) en légère baisse de 12069 en 2013 à 11931 en 2014. Pour le Parquet, ce chiffre représente « un niveau réel de délinquance », très inférieur au pic des 14500 PV de 2012, « année dramatique qui a entraîné une réaction des pouvoirs publics et l’adoption de la circulaire territoriale corse ». Il estime la délinquance « maîtrisée en Haute-Corse » ! Le taux d’élucidation des enquêtes augmente de 5012 PV délivrés contre des auteurs connus en 2013 à 5100 en 2014. Le niveau d’activités se maintient autour de 3700 affaires avec 1676 décisions rendues, soit une chute de 10% imputable à la grève du barreau. En revanche, le procureur juge la hausse du taux de réponse pénale de 97,95% à 98,11%, vide de sens. « Mon objectif, aussi paradoxal qu’il puisse paraître, est de le faire baisser car, pour certaines affaires certes marginales, la meilleure réponse du Parquet doit être le silence ! ». Il attribue la baisse de 10% du taux de comparutions immédiates, à la « chute vertigineuse » des faits constatés à la maison d’arrêt de Borgo, qui passent de 160 à 67.
Des mesures alternatives
Le Parquet se réjouit de la diversification des mesures alternatives à la prison, notamment celles à destination des mineurs, comme le stage de citoyenneté. « Ces offres de stages permettent d’associer de nombreux partenaires et d’adapter la mesure au plus près du comportement sanctionné et de la personnalité de l’auteur ». Les TNR (Travaux non rémunérés), mis en place en 2012, ont été réalisés à 12 reprises, dont 10 par des jeunes majeurs, auteurs d’envahissement du stade Armand Cesari lors d’un match du Sporting. Pris en charge par la CAB (Communauté d’agglomération de Bastia), ils ont participé au nettoyage du stade en juillet 2014. Un stage de « conduite rationnelle et risque routier » a, également, été lancé. En 2015, un protocole d’injonction thérapeutique pour toxicomanes réitérants et alcooliques chroniques sera mis en place. Une orientation socio-éducative pour des jeunes en rupture de formation ou d’emploi et une médiation de voisinage renforcée dans les litiges récurrents entre voisins seront expérimentées.
Hommage à l’instruction
A sa suite, le président du TGI, Francis Bihin, a rendu plusieurs hommages. D’abord, au travail des juges d’instruction dont le nombre de dossiers a augmenté en 2014, passant de 146 à 186. 40% des dossiers concernent des affaires criminelles. Le nombre des affaires économico-financières a presque doublé, passant de 29 à 42. Près de 121 dossiers ont été bouclés et 485 jugements rendus.
Un hommage, ensuite, aux juges d’application des peines qui ont en charge une population de 440 détenus répartis sur les sites de Borgo et de Casabianda. « La mise en œuvre de la loi Taubira sur l’individualisation des peines impose, désormais, qu’une attention nouvelle soit portée, chaque année, sur la situation de 150 à 200 condamnés ».
Vœu au civil
Un hommage, enfin, à la justice civile : « Deux jugements sur 3 sont civils et concernent les pans les plus sensibles de la vie des gens ordinaires. Les citoyens attendent beaucoup de la justice civile. On ne saura jamais combien d’incidents alimentant les faits divers ont été évités par une décision civile en désamorçant un conflit de manière opportune ! ». A la veille des élections municipales de mars dernier, 1400 recours ont été examinés en moins de 3 semaines ! Au total, plus de 3000 décisions civiles ont été rendues, dont plus de 500 par le juge aux affaires familiales. Francis Bihin clôture l'audience en émettant le vœu que « la forêt de la justice civile ne disparaisse, cette année encore, derrière l’arbre de la justice pénale ».
N.M.