Quels sont les grands défis que le barreau de Bastia espère relever cette année ?
Benoît Bronzini De Caraffa, bâtonnier du barreau de Bastia : En 2025, nous avons trois grands défis majeurs à relever. Tout d'abord, la création d'un centre d'information et de prévention. Ce projet innovant, baptisé "Les Rendez-vous du jeudi", réunira tribunaux de commerce, experts-comptables, commissaires aux comptes et avocats. Il s'agit d'une structure collaborative visant à accompagner les entreprises en difficulté, en offrant des solutions concrètes et préventives.
Ensuite, nous souhaitons renforcer la place de l’avocat dans la médiation. Ces dernières années, nous avons mené des actions de sensibilisation, mais notre ambition est désormais d’intégrer l’avocat au cœur des dispositifs amiables, pour favoriser des solutions rapides et adaptées aux besoins des parties.
Enfin, le troisième défi concerne la problématique foncière en Corse, un sujet complexe et multisectoriel. Si cela dépasse le cadre exclusif des avocats, il est crucial que nous participions activement à la réflexion et aux solutions, car cette question touche au développement économique et social de l'île.
Quel bilan tirez-vous de l'année écoulée ?
Le bilan est globalement positif. Nous avons tout d'abord entrepris une réorganisation de l’administration de l’Ordre, un chantier nécessaire pour améliorer l'efficacité de nos services.
Parmi nos initiatives phares, nous avons lancé la campagne "Jamais sans mon avocat", qui s’étend également aux enfants. Elle vise à garantir que chaque mineur impliqué dans une procédure bénéficie d'un accompagnement juridique, même dans les cas où la loi ne le prévoit pas explicitement.
Nous avons également noué un partenariat stratégique avec l’Université de Corse, un acteur scientifique de premier plan. Ce rapprochement, inédit jusqu'à présent, nous permettra de mener des projets conjoints, notamment en matière de formation et de recherche juridique.
Enfin, nous avons collaboré avec la commune pour aider à la résorption des copropriétés en difficulté, un enjeu local majeur. Cette initiative illustre notre volonté de mettre notre expertise au service de problématiques concrètes touchant nos concitoyens.
Rencontrez-vous des difficultés économiques particulières au sein du barreau de Bastia ?
Comme dans toutes les professions, il existe des disparités économiques. Certains avocats gagnent très bien leur vie, tandis que d'autres peinent à s'en sortir.
Pour pallier ces inégalités, nous devons diversifier les activités de la profession. Si la défense devant les juridictions reste une mission essentielle, elle n’est qu’une facette de notre métier. Il est impératif d’explorer de nouveaux champs d’intervention, comme le conseil aux entreprises, la médiation, ou encore l’accompagnement dans des domaines innovants tels que le numérique et la transition écologique.
Quels projets portez-vous pour moderniser la profession d’avocat auprès des jeunes de l’île ?
Nous avons initié plusieurs projets pour rapprocher les jeunes des métiers du droit. J’ai proposé au recteur de l’Académie de Corse un partenariat éducatif visant à permettre à des avocats d’intervenir régulièrement dans les établissements scolaires.
Ces interventions aborderont des thématiques variées : la présentation des métiers juridiques lors des journées nationales, des ateliers sur l’orientation scolaire et professionnelle, et des projets éducatifs pour sensibiliser les jeunes à la justice et au rôle fondamental de l’avocat. L’objectif est de susciter des vocations tout en renforçant la confiance des jeunes envers le système judiciaire.
Quels sont les enjeux propres à la justice en Corse, que ce soit en matière pénale ou civile ?
La justice en Corse fonctionne globalement bien, et nous entretenons des relations de respect et de collaboration avec les différentes juridictions de l’île.
Cependant, la problématique des successions reste un défi de taille. C’est un sujet complexe, souvent bloqué depuis des décennies, et qui nécessite une attention particulière pour avancer. En matière pénale, la petite délinquance est peu présente, mais nous faisons face à un problème majeur de trafic de stupéfiants, qui fragilise le tissu social et économique de l'île. Cela nécessite une réponse concertée entre les différents acteurs de la justice et des forces de l’ordre.
Quel est votre avis sur la question du secret professionnel, un sujet d’actualité ces derniers mois ?
Le secret professionnel est une pierre angulaire de notre métier, mais il est traité différemment selon les systèmes juridiques. En France, ce secret est attaché à la personne de l’avocat et couvre toutes les informations échangées avec ses clients, sauf dans les cas d’infractions graves.
Dans les systèmes anglo-saxons, il est davantage lié aux documents ou informations échangés. Si ces éléments sont pertinents pour la défense, ils sont protégés, sinon, ils peuvent être rendus publics. Cette divergence soulève des enjeux cruciaux, notamment dans un contexte international.
En effet, ce qui est confidentiel en France peut ne pas l’être dans des pays comme les États-Unis ou le Royaume-Uni. Cela pose des défis, notamment pour les avocats exerçant dans un environnement globalisé. Une harmonisation européenne ou internationale serait souhaitable, car le secret professionnel est non seulement une question de confidentialité, mais aussi de respect des droits fondamentaux.