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Restonica, voyage au cœur du joyau du Centre Corse


Pierre-Manuel Pescetti le Samedi 21 Août 2021 à 18:20

Depuis 1978, elle est inscrite sur la liste des grands sites nationaux. Cet écrin de nature sauvage est propice à l’enchantement mais se mérite. Une seule route y donne accès, étroite et sinueuse, elle révèle progressivement les joyaux que renferment ce site tant prisé du Centre Corse. Loin de sa quiétude hivernale, la vallée de la Restonica voit défiler plusieurs centaines de voitures par jour en plein cœur de l’été. Malgré la crise sanitaire, la fréquentation ne semble pas faiblir. Une aubaine pour les professionnels du tourisme qui y sont implantés et un risque pour la nature.



Le rétrécissement de la route vers les sommets sonne comme un défi. Crédits Photo Pierre-Manuel Pescetti
Le rétrécissement de la route vers les sommets sonne comme un défi. Crédits Photo Pierre-Manuel Pescetti
Le ciel gris et menaçant ne laisse que peu de place à un soleil qui lutte pour effectuer une percée en cet après-midi cortenais. Malgré cela, il fait chaud. Sur le bas-côté, les voitures garées laissent deviner la fréquentation, voire la surfréquentation. Refuge contre la chaleur, la rivière Restonica se déverse depuis les lacs de Capitellu et de Melu trônant au sommet de la vallée, emportant avec elle la fraîcheur des montagnes. L’endroit est très prisé des touristes et des locaux qui viennent se prélasser sur les rochers blancs polis par les courants et profiter de son eau cristalline.

Mais pour en profiter, surtout en plein été, il faut se sentir un brin aventurier.

Au kilomètre 3,2, à partir du camping de Tuani, la route se resserre sensiblement. Difficile de faire passer deux voitures simultanément. La vallée elle s’ouvre sur les massifs rocheux. Le voyage se fait avec une escorte de fougères et de pins penchés au-dessus de la route comme pour murmurer quelques avertissements. La vue se dégage soudain sur le précipice qui abrite le fleuve 50 mètres plus bas. Certains virages ne laissent aucune visibilité sur la suite et on croirait se jeter dans le vide.
 

Les baigneurs sont nombreux à profiter de la fraîcheur de la Restonica. Crédits Photo : Pierre-Manuel Pescetti
Les baigneurs sont nombreux à profiter de la fraîcheur de la Restonica. Crédits Photo : Pierre-Manuel Pescetti

Une bulle hors du temps et de l’actualité

Au camping de Tuani, le temps semble s’étirer sans fin. À l’accueil, le personnel et la propriétaire des lieux discutent, disposés en cercle autour d’une table basse où des boissons fraîches patientent. « La Covid ? Les restrictions ? Pas entendu parler. Le téléphone ne passe pas ici » plaisante la propriétaire avant de nous montrer les affiches informatives sur la conduite à tenir en cette période de crise sanitaire. Les journaux posés sur la table crachent leurs gros titres sur la situation sanitaire aggravée dans l’île, comme une insulte à la magie de l’endroit. S’ils voulaient passer à côté de l’actualité, c’est raté pour les professionnels du tourisme qui ressentent l’effet de la crise sanitaire. « Les touristes étrangers sont plutôt absents cette année, la majorité sont français » constate la propriétaire du camping de Tuani. Elle estime la fréquentation à environ 30 % de moins que les saisons passées.

La faute aux restrictions sanitaires ? « Sûrement » répond-elle. Un coup d’œil au téléphone. Aucun réseau. « Difficile de scanner les QR Codes » ajoute la propriétaire qui avoue se débrouiller tant bien que mal pour respecter la législation en place depuis le 21 juillet pour les campings et étendue le 9 août aux activités à l’intérieur de ces derniers. Quelques clients passent à proximité, masques vissés sur le visage.

La route vers les sommets est encore longue. Au km 7,5 on change de versant grâce au pont qui enjambe la Restonica. À partir de là, la pente se fait plus raide et le relief plus encaissé. Le paysage a changé, la forêt dense et obscure domine. Ici commence le règne des sapins, entrecoupé de pistes et de sentiers qui annoncent la montée abrupte vers le Monte Rotondu et ses 2 622 mètres d’altitude. Des zones de croisement ont été aménagées pour pallier l’étroitesse de la route. Après quelques minutes de conduite, un panneau STOP arrache les conducteurs à leurs rêveries.
Le moindre terre-plein est pris d'assaut par les véhicules, anciens comme modernes. Crédits Photo : Pierre-Manuel Pescetti
Le moindre terre-plein est pris d'assaut par les véhicules, anciens comme modernes. Crédits Photo : Pierre-Manuel Pescetti

La beauté, ça se paie

Pour continuer, il faudra payer. Six euros par voiture, trois euros par moto pour accéder au parking et commencer sa randonnée vers les lacs. Le dispositif mis en place par la mairie de Corte existe depuis 1999. Une nécessité pour réguler la circulation et la fréquentation de ce lieu fragile.

De jeunes saisonniers veillent au grain. Le talkie-walkie crache les consignes de l’équipe placée au terminus : « Une voiture blanche de type berline descend, attends qu’elle passe et tu peux en faire monter une autre ». Les chassés croisés sont maîtrisés pour éviter tout incident sur cette dernière partie de route de plus en plus étroite mais aussi et surtout pour que les visiteurs ne se garent pas n’importe où.

Pour Jean Albertini, que tout le monde surnomme « Jean-Manon », c’est presque devenu facile. « Il faut être expert à Tetris » plaisante-t-il. Il vaut mieux. Chaque jour ce sont environ 400 voitures qui sont aiguillées et garées par les équipes de la mairie. « Simultanément, on rentre 320 à 330 voitures de la caisse jusqu’au terminus » précise Jean Albertini. Malgré la crise sanitaire, le haut de la vallée attire toujours autant de monde même si une légère baisse est constatée, à vue d’œil : « par rapport à une année normale on doit être à 80 % de fréquentation » lance le pro du Tetris qui a vu défiler une dizaine d’été en haut de la vallée.

Un 4X4 de luxe s’arrête devant la pancarte. Quelques secondes passent. « Tu vas voir qu’il redescend celui-là » parie la jeune fille en charge des tickets. Pari gagné, le véhicule flambant neuf fait demi-tour. « C’est fou, c’est souvent les propriétaires des plus belles voitures qui ne veulent pas payer » constate-t-elle. Six euros pour autant de trésors naturels ? Les plus de 300 voitures déjà garées en ce début d’après-midi semblent témoigner, d’un commun accord, que ça les vaut largement.
Jean Albertini donne les premières informations sur la conduite à tenir avant d'atteindre le terminus. Crédits Photo : Pierre-Manuel Pescetti
Jean Albertini donne les premières informations sur la conduite à tenir avant d'atteindre le terminus. Crédits Photo : Pierre-Manuel Pescetti