La séance de l'Assemblée présidée par Jean-Guy Talamoni s'est concentrée sur la révision constitutionnelle.
Après une journée de présentation et de débat, le groupe de Jean-Martin Mondoloni est resté ferme sur sa position affichée mercredi : non au terme d’autonomie et non à une habilitation permanente permettant de légiférer et d’adapter la loi dans plusieurs domaines bien définis.
Les élus de la majorité territoriale ont exprimé vivement leur incompréhension. Estimant que chaque groupe politique, à commencer par les leurs, avait fait des concessions pour s’entendre sur un texte unanimement acceptable. Et de juger contradictoire la position de Jean-Martin Mondoloni, eu égard à ses déclarations passées en faveur d’une autonomie de la Corse. Les positions de Valérie Bozzi et surtout de Jean-Charles Orsucci ont été plus ouvertes et nuancées.
Chronique d'un débat entamé à 11h30 qui devait s'achever par un vote tard dans la nuit, la séance ayant été suspendue à 18 heures avant de reprendre... à 23 heures seulement.
Un article 72-5 consacrant un statut d'autonomie
Un mois après le « top départ » lancé par Emmanuel Macron à Bastia, les élus corses se réunissaient ce jeudi pour essayer de valider une proposition commune qui aurait été présentée lundi à Matignon par Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni auprès du Premier ministre Edouard Philippe.
Après quatre semaines d’un « travail acharné », convoquant rapports et avis d’experts en droit constitutionnel, le président de l’exécutif a d’emblée solennisé l’instant : « Une révision constitutionnelle ne se présente pas tous les quatre matins. Et c’est la première fois que la Corse a l’occasion d’être prise en compte dans le texte suprême. »
Gilles Simeoni a ainsi présenté aux élus la proposition de rédaction issue de ce mois de débats. Celle d’un article 72-5, qui consacrerait la Corse comme une collectivité « dotée de l’autonomie », statut justifié dans le texte par « son insularité dans l’environnement méditerranéen, son relief et son identité linguistique et culturelle ».
Un article qui ouvrirait pour la Collectivité de Corse, via une habilitation permanente, le pouvoir de légiférer dans plusieurs domaines mentionnés explicitement, notamment « la protection du patrimoine foncier, le statut fiscal, la préservation des particularités linguistiques et culturelles de l’île, le développement économique et social et l’emploi ». Et de pouvoir adapter la loi et les règlements dans d’autres domaines. Les détails et les modalités de ce statut seraient déterminés par une loi organique ultérieure.
Bien-sûr, en l’absence de curseur clairement placé par le gouvernement, la majorité sait que le chemin sera « long, ardu, incertain » pour obtenir l’aval d’Emmanuel Macron puis celui, indispensable, de la majorité qualifiée de l’Assemblée nationale et d’un Sénat tenu par la droite.
"Concessions" et recherche de l'unanimité
Dès lors, afin de peser davantage à Paris, la séance de l’Assemblée de Corse visait à obtenir d’abord un consensus de la part des élus insulaires. A donner « le maximum de chances à un accord unanime », comme a plaidé Gilles Simeoni, tentant de démontrer qu’il s’agissait bien d’un compromis, acceptable donc par l’opposition.
« Nous avons fait des concessions importantes. Le texte d’aujourd’hui n’est pas celui qu’aurait proposé la majorité si elle avait dû défendre seulement ses idées », a-t-il souligné, évoquant son souhait d’un transfert de compétences « à terme beaucoup plus large », à la polynésienne, que celui proposé ce jeudi. « On aurait aussi mentionné la notion de peuple corse, qui est fondamentale pour nous et fondatrice de tout notre combat depuis des décennies… Nous aurions pu nous faire plaisir, mais ce qui nous guide, c’est la volonté de réussir. Il faut absolument prendre le train constitutionnel, et il démarre dans trois semaines.»
La reconnaissance du peuple corse fera seulement l’objet d’une résolution solennelle soumise en préambule à l’Assemblée. Pour la majorité nationaliste, il était en revanche hors de question, dans sa proposition constitutionnelle, de renoncer à la notion d’autonomie, « essentielle » et validée « par les urnes » en décembre dernier. Statut qui ne répond « pas de l’idéologie », mais qui « nous donnera des moyens très concrets de répondre aux problèmes des Corses ». Une autonomie « qui est le droit commun de toutes les îles de Méditerranée », appuie encore Gilles Simeoni, citant Madère, les Açores ou la Sardaigne, « sans qu’il y ait le moindre soubresaut, la moindre suspicion » de velléités d’indépendance.
Avant de chercher à convaincre Emmanuel Macron, Edouard Philippe ou encore Gérard Larcher, l’intervention du chef de l’exécutif visait bel et bien à convaincre d’abord Jean-Martin Mondoloni, qui avait exprimé son opposition la veille au cours d’une conférence de presse (lire notre article par ailleurs).
Valérie Bozzi : le texte va "un peu trop loin"
Tout en émettant des réserves, l’élue de droite Valérie Bozzi, première représentante des trois groupes d’opposition à s’exprimer, s’est rapprochée en partie de la proposition de l’exécutif. Certes selon elle, le texte va « un peu trop loin », en « prévoyant un pouvoir législatif » qui éloignerait la Corse « du socle législatif national », « ce qui n’est pas une bonne chose pour nous ».
En revanche, Valérie Bozzi a jugé « pertinent » le principe d’une habilitation permanente dans certains domaines : convaincue mercredi par la seule fiscalité du patrimoine, la chef du groupe « La Corse dans la République » a élargi jeudi son accord aux domaines de l’aménagement du territoire, de l’environnement et du développement économique. Un pas salué par les élus de la majorité.
Pas opposée à l’utilisation du terme d’autonomie, celui-ci « peut être un frein » vu de Paris, a encore mis en garde Valérie Bozzi. « Il est important que la Corse soit inscrite dans un article spécifique pour l’ancrer dans la République et faire valoir ses spécificités. Mais la nouvelle collectivité a déjà beaucoup de compétences, il ne faut pas aller trop vite », a-t-elle fait valoir.
« Soyons ambitieux, n’ayons pas peur des mots », a pour sa part déclaré Pierre Ghionga, en accord avec l’article de la majorité, se définissant comme « un autonomiste non nationaliste ». « Le transfert du pouvoir législatif, ça marche à Tahiti », s'est-il enthousiasmé.
Jean-Charles Orsucci : « Changer la Constitution, c’est changer le quotidien des Corses »
De son côté, Jean-Charles Orsucci (La République en Marche) a donné son accord au texte de l’exécutif. Fidèle à ses convictions autonomistes – « notre ADN » -, le chef du groupe « Anda per dumane » estime que « changer la Constitution, c’est changer le quotidien des Corses ». Seul bémol : il est « prématuré » selon lui d’envisager un transfert de compétences en matière d’éducation et de santé, comme l'avaient envisagé un temps la majorité. « Nous sommes pour des domaines restreints : langue, foncier, fiscalité, développement économique. » Cet accord n’est pas une conversion, a insisté le maire de Bonifacio : « Non, nous ne sommes pas devenus nationalistes. Nous ne sommes pas en train de voter en faveur d’un statut de résident et de la co-officialité de la langue. »
Jean-Charles Orsucci a enfin livré lui aussi, en direction de Jean-Martin Mondoloni, un plaidoyer en faveur d’un « vote unanime », « meilleur moyen de faire entendre notre voix ». Et de tacler la proposition d’article concurrente émise par l’élu du groupe « Per l’Avvene »: « Cette proposition, c’est un gadget, c’est le statu quo. Il faut que la droite régionaliste reprenne les choses en mains. »
Appel repris par le nationaliste Jean-François Casalta : « Il faut faire des pas les uns envers les autres et trouver un consensus dans l’intérêt des Corses. Aujourd’hui, ce ne doit pas être un camp contre l’autre. »
Jean-Martin Mondoloni balaie les accusations
Accusé implicitement de torpiller le consensus, Jean-Martin Mondoloni s’est évertué de balayer les accusations. « J’ai envie de minorer la portée de cet événement, qui a été surjoué depuis plusieurs semaines », a-t-il attaqué. « Le moment est-il historique ? Nous verrons bien. »
L’élu de droite a ainsi proposé un article 72-5 différent, qui vise à « rendre opérationnel le pouvoir d’adaptation » déjà prévu par la loi du 22 janvier 2002. En clair, si l’habilitation au cas par cas n’a en effet « jamais fonctionné » jusqu’ici, elle deviendra opérationnelle grâce à son inscription dans la Constitution, selon Jean-Martin Mondoloni, qui rejette ainsi en bloc la nécessité d’une habilitation permanente, ainsi que la notion d’autonomie. « Notre proposition est minimaliste, oui, mais vu le seuil d’acceptabilité à Paris, elle est audacieuse. » Et de lancer, sceptique : « Est-ce qu’une autonomie accrue serait synonyme de bonheur accru ? »
L’élu s’est défendu de soutenir une position au rabais, estimant que « le pas historique est déjà acquis » depuis la décision d’ouverture d’Emmanuel Macron : « Le plus important, c’est la reconnaissance de la spécificité de la Corse. (…) Et le droit commun, ce n’est pas d’avoir un article dans la Constitution. »
Puis de réclamer le droit à « exprimer sa différence » : « Est-ce qu’on peut s’autoriser une fois le droit de ne pas être d’accord ? (…) Nous ne sommes pas nationalistes. Il n’y a pas de honte à un moment donné à marquer des limites et des différences.»
"Intellectuellement, j'ai du mal à comprendre votre position"
Une position qui a provoqué les critiques de Romain Colonna (Femu a Corsica) : « Pourquoi le consensus que nous cherchons depuis un mois relèverait de l’imposture comme vous le dites ? (…) Est-ce que vous vous rendez compte de l’effort que nous consentons pour que nous marchions ensemble ? »
Et Petr’Antone Tomasi de s’étonner à son tour de la position de Jean-Martin Mondoloni, un élu qui « était aux Journées de Corte » et qui « s’est déclaré publiquement favorable à l’autonomie ». « Intellectuellement, j’ai du mal à comprendre. » Le président du groupe Corsica Libera l’assure : « Nous avons fait des pas. Car pour notre part, nous n’aurions pas situé l’article au 72-5, ni au 74, ni même au titre XII. Mais le contenu doit primer sur le contenant. »
Gilles Simeoni enfonce le clou à son tour vis-à-vis de Jean-Martin Mondoloni, rappelant ses faveurs passées pour la coofficialité de la langue corse : « Il y a un recul par rapport à ce qui a été votre démarche intellectuelle et politique. (…) Là, vous êtes même en deçà de la position de la ministre Jacqueline Gourault. » Et de tenter un ultime argumentaire : « Le transfert du pouvoir législatif, c’est la définition même de l’autonomie. Même des régions comme l’Aquitaine demandent un transfert de pouvoir législatif encadré ! » Le chef de l’exécutif conclut : « La recherche d’un consensus ne signifie pas renonciation de ses idées. Je ne vous demande pas de devenir nationaliste. »
Un vote au bout de la nuit
Démarrée à 11h30, la séance a été suspendue vers 18 heures : actant leur désaccord, les élus souhaitaient tenter d'arracher un rapprochement en commission. Après cinq heures de tractations, la séance a seulement repris vers 23 heures.
Au final, la droite régionaliste s'est opposée au texte de l'exécutif et présenter le sien, qui sera rejeté par la majorité.
De son côté, le groupe de Valérie Bozzi a également voté contre et présenté une motion établissant quelques points d'accord seulement. Seul Pierre Ghionga a voté en faveur du texte de l'exécutif.
Le groupe de Jean-Charles Orsucci, quant à lui, n'avait l'intention d'octroyer qu'un accord partiel à la proposition, en attendant de connaître la position du Premier ministre après sa rencontre, lundi soir, avec Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni. Mais les deux options qu'il a proposé ayant été validées, a finalement voté pour.
Au final, le projet d'article a été adopté par 48 voix pour et 15 voix contre.
Les élus corses s'attendent à des annonces précises de la part d'Edouard Philippe qui rencontrera les deux présidents, lundi soir.
Les élus de la majorité territoriale ont exprimé vivement leur incompréhension. Estimant que chaque groupe politique, à commencer par les leurs, avait fait des concessions pour s’entendre sur un texte unanimement acceptable. Et de juger contradictoire la position de Jean-Martin Mondoloni, eu égard à ses déclarations passées en faveur d’une autonomie de la Corse. Les positions de Valérie Bozzi et surtout de Jean-Charles Orsucci ont été plus ouvertes et nuancées.
Chronique d'un débat entamé à 11h30 qui devait s'achever par un vote tard dans la nuit, la séance ayant été suspendue à 18 heures avant de reprendre... à 23 heures seulement.
Un article 72-5 consacrant un statut d'autonomie
Un mois après le « top départ » lancé par Emmanuel Macron à Bastia, les élus corses se réunissaient ce jeudi pour essayer de valider une proposition commune qui aurait été présentée lundi à Matignon par Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni auprès du Premier ministre Edouard Philippe.
Après quatre semaines d’un « travail acharné », convoquant rapports et avis d’experts en droit constitutionnel, le président de l’exécutif a d’emblée solennisé l’instant : « Une révision constitutionnelle ne se présente pas tous les quatre matins. Et c’est la première fois que la Corse a l’occasion d’être prise en compte dans le texte suprême. »
Gilles Simeoni a ainsi présenté aux élus la proposition de rédaction issue de ce mois de débats. Celle d’un article 72-5, qui consacrerait la Corse comme une collectivité « dotée de l’autonomie », statut justifié dans le texte par « son insularité dans l’environnement méditerranéen, son relief et son identité linguistique et culturelle ».
Un article qui ouvrirait pour la Collectivité de Corse, via une habilitation permanente, le pouvoir de légiférer dans plusieurs domaines mentionnés explicitement, notamment « la protection du patrimoine foncier, le statut fiscal, la préservation des particularités linguistiques et culturelles de l’île, le développement économique et social et l’emploi ». Et de pouvoir adapter la loi et les règlements dans d’autres domaines. Les détails et les modalités de ce statut seraient déterminés par une loi organique ultérieure.
Bien-sûr, en l’absence de curseur clairement placé par le gouvernement, la majorité sait que le chemin sera « long, ardu, incertain » pour obtenir l’aval d’Emmanuel Macron puis celui, indispensable, de la majorité qualifiée de l’Assemblée nationale et d’un Sénat tenu par la droite.
"Concessions" et recherche de l'unanimité
Dès lors, afin de peser davantage à Paris, la séance de l’Assemblée de Corse visait à obtenir d’abord un consensus de la part des élus insulaires. A donner « le maximum de chances à un accord unanime », comme a plaidé Gilles Simeoni, tentant de démontrer qu’il s’agissait bien d’un compromis, acceptable donc par l’opposition.
« Nous avons fait des concessions importantes. Le texte d’aujourd’hui n’est pas celui qu’aurait proposé la majorité si elle avait dû défendre seulement ses idées », a-t-il souligné, évoquant son souhait d’un transfert de compétences « à terme beaucoup plus large », à la polynésienne, que celui proposé ce jeudi. « On aurait aussi mentionné la notion de peuple corse, qui est fondamentale pour nous et fondatrice de tout notre combat depuis des décennies… Nous aurions pu nous faire plaisir, mais ce qui nous guide, c’est la volonté de réussir. Il faut absolument prendre le train constitutionnel, et il démarre dans trois semaines.»
La reconnaissance du peuple corse fera seulement l’objet d’une résolution solennelle soumise en préambule à l’Assemblée. Pour la majorité nationaliste, il était en revanche hors de question, dans sa proposition constitutionnelle, de renoncer à la notion d’autonomie, « essentielle » et validée « par les urnes » en décembre dernier. Statut qui ne répond « pas de l’idéologie », mais qui « nous donnera des moyens très concrets de répondre aux problèmes des Corses ». Une autonomie « qui est le droit commun de toutes les îles de Méditerranée », appuie encore Gilles Simeoni, citant Madère, les Açores ou la Sardaigne, « sans qu’il y ait le moindre soubresaut, la moindre suspicion » de velléités d’indépendance.
Avant de chercher à convaincre Emmanuel Macron, Edouard Philippe ou encore Gérard Larcher, l’intervention du chef de l’exécutif visait bel et bien à convaincre d’abord Jean-Martin Mondoloni, qui avait exprimé son opposition la veille au cours d’une conférence de presse (lire notre article par ailleurs).
Valérie Bozzi : le texte va "un peu trop loin"
Tout en émettant des réserves, l’élue de droite Valérie Bozzi, première représentante des trois groupes d’opposition à s’exprimer, s’est rapprochée en partie de la proposition de l’exécutif. Certes selon elle, le texte va « un peu trop loin », en « prévoyant un pouvoir législatif » qui éloignerait la Corse « du socle législatif national », « ce qui n’est pas une bonne chose pour nous ».
En revanche, Valérie Bozzi a jugé « pertinent » le principe d’une habilitation permanente dans certains domaines : convaincue mercredi par la seule fiscalité du patrimoine, la chef du groupe « La Corse dans la République » a élargi jeudi son accord aux domaines de l’aménagement du territoire, de l’environnement et du développement économique. Un pas salué par les élus de la majorité.
Pas opposée à l’utilisation du terme d’autonomie, celui-ci « peut être un frein » vu de Paris, a encore mis en garde Valérie Bozzi. « Il est important que la Corse soit inscrite dans un article spécifique pour l’ancrer dans la République et faire valoir ses spécificités. Mais la nouvelle collectivité a déjà beaucoup de compétences, il ne faut pas aller trop vite », a-t-elle fait valoir.
« Soyons ambitieux, n’ayons pas peur des mots », a pour sa part déclaré Pierre Ghionga, en accord avec l’article de la majorité, se définissant comme « un autonomiste non nationaliste ». « Le transfert du pouvoir législatif, ça marche à Tahiti », s'est-il enthousiasmé.
Jean-Charles Orsucci : « Changer la Constitution, c’est changer le quotidien des Corses »
De son côté, Jean-Charles Orsucci (La République en Marche) a donné son accord au texte de l’exécutif. Fidèle à ses convictions autonomistes – « notre ADN » -, le chef du groupe « Anda per dumane » estime que « changer la Constitution, c’est changer le quotidien des Corses ». Seul bémol : il est « prématuré » selon lui d’envisager un transfert de compétences en matière d’éducation et de santé, comme l'avaient envisagé un temps la majorité. « Nous sommes pour des domaines restreints : langue, foncier, fiscalité, développement économique. » Cet accord n’est pas une conversion, a insisté le maire de Bonifacio : « Non, nous ne sommes pas devenus nationalistes. Nous ne sommes pas en train de voter en faveur d’un statut de résident et de la co-officialité de la langue. »
Jean-Charles Orsucci a enfin livré lui aussi, en direction de Jean-Martin Mondoloni, un plaidoyer en faveur d’un « vote unanime », « meilleur moyen de faire entendre notre voix ». Et de tacler la proposition d’article concurrente émise par l’élu du groupe « Per l’Avvene »: « Cette proposition, c’est un gadget, c’est le statu quo. Il faut que la droite régionaliste reprenne les choses en mains. »
Appel repris par le nationaliste Jean-François Casalta : « Il faut faire des pas les uns envers les autres et trouver un consensus dans l’intérêt des Corses. Aujourd’hui, ce ne doit pas être un camp contre l’autre. »
Jean-Martin Mondoloni balaie les accusations
Accusé implicitement de torpiller le consensus, Jean-Martin Mondoloni s’est évertué de balayer les accusations. « J’ai envie de minorer la portée de cet événement, qui a été surjoué depuis plusieurs semaines », a-t-il attaqué. « Le moment est-il historique ? Nous verrons bien. »
L’élu de droite a ainsi proposé un article 72-5 différent, qui vise à « rendre opérationnel le pouvoir d’adaptation » déjà prévu par la loi du 22 janvier 2002. En clair, si l’habilitation au cas par cas n’a en effet « jamais fonctionné » jusqu’ici, elle deviendra opérationnelle grâce à son inscription dans la Constitution, selon Jean-Martin Mondoloni, qui rejette ainsi en bloc la nécessité d’une habilitation permanente, ainsi que la notion d’autonomie. « Notre proposition est minimaliste, oui, mais vu le seuil d’acceptabilité à Paris, elle est audacieuse. » Et de lancer, sceptique : « Est-ce qu’une autonomie accrue serait synonyme de bonheur accru ? »
L’élu s’est défendu de soutenir une position au rabais, estimant que « le pas historique est déjà acquis » depuis la décision d’ouverture d’Emmanuel Macron : « Le plus important, c’est la reconnaissance de la spécificité de la Corse. (…) Et le droit commun, ce n’est pas d’avoir un article dans la Constitution. »
Puis de réclamer le droit à « exprimer sa différence » : « Est-ce qu’on peut s’autoriser une fois le droit de ne pas être d’accord ? (…) Nous ne sommes pas nationalistes. Il n’y a pas de honte à un moment donné à marquer des limites et des différences.»
"Intellectuellement, j'ai du mal à comprendre votre position"
Une position qui a provoqué les critiques de Romain Colonna (Femu a Corsica) : « Pourquoi le consensus que nous cherchons depuis un mois relèverait de l’imposture comme vous le dites ? (…) Est-ce que vous vous rendez compte de l’effort que nous consentons pour que nous marchions ensemble ? »
Et Petr’Antone Tomasi de s’étonner à son tour de la position de Jean-Martin Mondoloni, un élu qui « était aux Journées de Corte » et qui « s’est déclaré publiquement favorable à l’autonomie ». « Intellectuellement, j’ai du mal à comprendre. » Le président du groupe Corsica Libera l’assure : « Nous avons fait des pas. Car pour notre part, nous n’aurions pas situé l’article au 72-5, ni au 74, ni même au titre XII. Mais le contenu doit primer sur le contenant. »
Gilles Simeoni enfonce le clou à son tour vis-à-vis de Jean-Martin Mondoloni, rappelant ses faveurs passées pour la coofficialité de la langue corse : « Il y a un recul par rapport à ce qui a été votre démarche intellectuelle et politique. (…) Là, vous êtes même en deçà de la position de la ministre Jacqueline Gourault. » Et de tenter un ultime argumentaire : « Le transfert du pouvoir législatif, c’est la définition même de l’autonomie. Même des régions comme l’Aquitaine demandent un transfert de pouvoir législatif encadré ! » Le chef de l’exécutif conclut : « La recherche d’un consensus ne signifie pas renonciation de ses idées. Je ne vous demande pas de devenir nationaliste. »
Un vote au bout de la nuit
Démarrée à 11h30, la séance a été suspendue vers 18 heures : actant leur désaccord, les élus souhaitaient tenter d'arracher un rapprochement en commission. Après cinq heures de tractations, la séance a seulement repris vers 23 heures.
Au final, la droite régionaliste s'est opposée au texte de l'exécutif et présenter le sien, qui sera rejeté par la majorité.
De son côté, le groupe de Valérie Bozzi a également voté contre et présenté une motion établissant quelques points d'accord seulement. Seul Pierre Ghionga a voté en faveur du texte de l'exécutif.
Le groupe de Jean-Charles Orsucci, quant à lui, n'avait l'intention d'octroyer qu'un accord partiel à la proposition, en attendant de connaître la position du Premier ministre après sa rencontre, lundi soir, avec Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni. Mais les deux options qu'il a proposé ayant été validées, a finalement voté pour.
Au final, le projet d'article a été adopté par 48 voix pour et 15 voix contre.
Les élus corses s'attendent à des annonces précises de la part d'Edouard Philippe qui rencontrera les deux présidents, lundi soir.