- Vous serez plus jeune maire de France jusqu'au soir du 31 Mars 2014 : au-delà de ce titre qui vous a désigné à l'attention générale, que vous a apporté ce premier mandat?
- Indéniablement un tout autre regard sur le monde et sur l’homme. Bien différent de celui que je me faisais auparavant. Etre en contact de manière permanente avec la population et les différents acteurs de la vie publique
m’ont permis de mieux cerner, et je vais peut-être vous surprendre, la nature humaine. Je veux dire par là que ces années m’ont aidé à régler quelques conflits de manière sereine, apaisée, de mieux m’accaparer des problèmes et des attitudes que les individus peuvent parfois avoir et qui sont souvent exagérés.
Au-delà de ça, gagner l’estime de l’autre, quelles que soient les circonstances, vous apporte une motivation supplémentaire dans votre quotidien, enrichi forcément votre personne et vous aide à prendre les bonnes décisions avec, toujours, pour ligne de mire l’intérêt général.
- Comment gère t-on à 20 ans une telle situation ? Et est-on vraiment en mesure de la gérer ?
- Endosser l’écharpe de maire change forcément le cours d’une vie, surtout à l’âge qui était le mien lors de mon élection. J’ai simplement essayé de considérer du mieux possible ce rôle avec un état d’esprit de travail, de civisme et par-dessus d’ouverture. Et quand tous ces paramètres sont réunis, l’expérience ne peut être que positive. Après, pour ce qui est de « gérer » à proprement parler, je peux reconnaître que de voir un maire élu à seulement 20 ans peut quelque part interpeller, mais je crois savoir que je n’ai pas enfreint la loi, bien au contraire. Si les électeurs m’ont fait confiance il y a bientôt 5 ans, c’est forcément qu’ils croyaient en mes capacités. Et sans vouloir offenser qui que ce soit, je pense qu’il serait grand temps de sortir de ce clivage qui dénigre trop souvent les jeunes de ce pays qui veulent s’investir. Certains élus, même à 20 ans, ne sont certainement pas moins impliqués ou productifs qu’un de leurs collègues qui en aurait 60 de plus. La France dénombre 36 000 communes soit autant de maires. Peut-on penser que l’âge de ces derniers est le principal facteur de réussite ? Je ne pense pas…
- Quand prend-on vraiment la mesure du poids des responsabilités qui sont, soudain, les vôtres ?
- Je crois tout simplement dire que quand on s’y prépare suffisamment, en pesant quelque part le « pour » et le « contre » avant de solliciter le suffrage des électeurs, il n’y a pas de véritable instant où l’on ressent plus particulièrement le poids des responsabilités. D’autant plus quand cette fonction vous apporte ce que vous espérez par dessus-tout, à savoir œuvrer pour le bien commun et prôner le dialogue… Partant de là, toutes les situations auxquelles j’ai pu être confrontés, même les plus complexes, n’ont pas véritablement pesé sur ma conscience.
- Quelles ont été les difficultés rencontrées ?
- Honnêtement, je ne pense pas avoir rencontré de difficultés particulières durant ce premier mandat. Ca peut paraître prétentieux de ma part, mais comme je vous l’avouais, je m’étais vraiment préparé à accéder à cette responsabilité en ayant bien conscience de quelles pouvaient être les mauvais côtés de la fonction et des implications qui en découlent.
Finalement, les seules difficultés, ou plutôt contraintes pour une personne qui comme moi est en vie active, sont surtout la gestion de son emploi du temps et donc quelque part, le statut de l’élu en général.
- Et les satisfactions ?
- De ce côté là, elles sont multiples. J’ai réellement trouvé ce que j’espérais. De la proximité et du lien avant tout. Ambitionner, se projeter et œuvrer pour sa commune est quelque chose de formidable, d’autant plus quand vous êtes entouré de personnes qui partagent la même philosophie et qui sont prêtes à aller de l’avant. Tout cela est vraiment exaltant.
- Près de 5 ans après avoir pris la suite de votre grand-père serez-vous cette fois candidat à votre succession?
- Pour tout vous dire, la question ne s’est jamais posée. Un point a d’ailleurs été très rapidement fait avec mon conseil municipal, il y a déjà un an. Nous avons la volonté de faire progresser cette commune de manière collective. Pour en revenir à moi, j’espère qu’on me donnera la possibilité d’être aux destinées de cette commune tant que la fraicheur qui est la mienne actuellement, sans doute du fait de mon âge, me permettra de porter à bien des projets structurants. Je veux dire par là que je ne suis pas viscéralement attaché à cette fonction. Comme je le répète depuis le premier jour, le jour où je n’aurai plus la même force et lorsque la flamme se sera éteinte, j’aurai l’honnêteté de ne plus solliciter de mandat. Mais pour tout vous dire, ce n’est pas à l’ordre du jour. Enormément de choses restent à faire. Mon équipe et moi-même sommes très motivés à l’idée de travailler sur un nouveau mandat.
- Une opposition s'est elle manifestée ?
- A l’heure où vous me posez la question, non, ou en tous cas pas à ma connaissance… Il reste désormais a peine plus de deux semaines avant la clôture du dépôt des listes en préfecture. Nous verrons bien… Comme partout ailleurs, notre commune n’a, hélas, pas été épargnée au cours des dernières décennies par les querelles de clocher autour des scrutins électoraux. J’en ai moi-même fait l’expérience en 2009. Mais je crois dire, avec un brin de satisfaction, que les choses évoluent du bon côté. Je suis en tous les cas très serein.
- Avez-vous le sentiment de faire l'unanimité ?
- Là-dessus, je suis clair, l’unanimité n’existe pas en politique. Et très sincèrement, c’est un bien. L’opposition, qu’elle soit structurée ou relative, me permet d’avancer au quotidien et de ne pas, pour reprendre l’expression, me reposer sur mes lauriers. Sans même parler d’opposition ou d’unanimité, il est toujours important d’avoir des avis divergents, pour pouvoir bâtir quelque chose de cohérent et ne pas s’égarer en chemin. Tout cela bien sûr, dans un esprit de construction et non malsain…
- Vos prochains chantiers pour San-Lorenzo ?
- Ils sont nombreux et il faudra du temps… mais aussi pas mal de moyens. Concrètement, je crois que si l’on veut donner une dernière chance aux communes de l’intérieur, il faut inévitablement investir dans des structures et en terminer avec les travaux d’embellissement qui ne profitent qu’aux plaisirs des yeux et non pas au quotidien des gens qui y vivent. Notre commune a la chance d’avoir travaillé en ce sens et de s’être dotée d’un réseau d’assainissement collectif et de logements communaux. Désormais, je suis convaincu que nous devons travailler sur le « quotidien » des gens.
Les enfants doivent pouvoir bénéficier d’installations sportives et c’est pour cela que nous allons nous atteler à construire un city-stade. Dans le même esprit, sans concurrencer les commerces de la commune, nous allons tenter
de mettre en service un point chaud multi-service, ou encore investir dans la protection des captages pour certifier une bonne qualité d’eau. D’autres chantiers de moindre importance sont en cours et d’autres viendront s’y greffer…
- Comptez-vous vous engager encore plus dans la vie politique ?
- Pour ma part, ce qui est vrai dans la vie de tous les jours, notamment du côté professionnel, l’est aussi en politique. Quand on a 24 ans, on se doit d’être ambitieux dans tout ce que l’on fait, au moins dans un souci de progression personnelle. Pour en revenir à la vie politique, ce qui me passionne avant tout, c’est cette île, ses symptômes, ses soucis, mais surtout ses espoirs. Alors s’investir pour elle me plairait évidemment. Mais sans pour autant en faire une obsession ou en programmant quoi que ce soit… mais en travaillant en gardant la même cap à ma boussole. Et si un jour on m’accorde de la confiance, alors je la rendrai, comme je sais le faire.
- Le message que vous voudriez faire passer à vos électeurs et au-delà à tous ceux qui pourraient vous confier de nouvelles responsabilités.
- Je leur demanderai tout simplement de mettre le passé de côté et de regarder devant eux, vers l’avenir, de le prendre en mains. Hélas, nous assistons depuis des décennies au déclin de l’intérieur qui a toujours été le poumon de cette île. On peut parler de véritable génocide, sans que personne ne se saisisse réellement du problème. C’est affligeant. Notre île a, selon moi, perdu trop de temps et d’énergie sur des sujets qui n’en valaient pas la peine. Aujourd’hui, pour toutes ces questions là, il faut révolutionner notre manière de penser et d’agir. La majorité régionale en est d’ailleurs le meilleur des exemples. Elle a su mettre au centre de la table le sujet qui doit tous nous rassembler, quelque soit le parti, à savoir l’avenir de la Corse. Nous devons en prendre de la graine pour adopter cette méthode de travail. Celle qui privilégie les intérêts de notre île. Et seulement elle.
- Un dernier mot sur votre passion : le "bleu" du Sporting…
- En quelques mots ce serait bien difficile, il y aurait de quoi écrire un livre. Vous savez, dans une vie, il peut arriver qu’on tourne le dos à un ami, qu’on change de logement, de conjoint, qu’on perde parfois pied, être touché par une maladie… Mais si il y a une chose qui restera à jamais, c’est bien ce club. C’est comme ça et ça le sera toujours, quoi qu’on dise, quoi qu’il se passe.
En quasiment plus de six saisons maintenant, j’ai tout connu et traversé avec lui, aussi bien sur le plan professionnel qu’affectif.
La morosité des années de Ligue 2 et ses déplacements tant infructueux qu’interminables, la descente en National avec ses peines et ses espoirs, puis la fantastique ascension que l’on sait, grâce au travail, à une union et surtout à une confiance de tous les instants dans toutes les composantes du club…
Mais si je devais retenir une période particulière, ce serait sans doute l’arrivée de la nouvelle équipe dirigeante avec dans son sac Faruk Hadzibegic, en décembre 2009. C’est à ce moment-là, et malgré toutes ses difficultés, que le Sporting s’est pleinement retrouvé avec des gens qui n’avaient que pour objectif la réussite du club. Nous étions alors bien loin des étoiles de la Ligue 1.
Aujourd’hui, le club est passé à autre chose. Il évolue dans l’élite et ce n’est que la consécration du travail accompli par ceux qui ont eu l’audace de s’y investir au quotidien quand plus personne n’y croyait. Et tant qu’il n’oubliera pas d’où il vient et avec qui, notre Sporting, avec ces actionnaires à sa tête, vivra encore, j’en suis convaincu, de grands moments dans les années à venir.