Saveriu Luciani, élu territorial de Femu a Corsica
- Quelle est votre réaction à la décision de François Hollande de ne pas ratifier les langues régionales ?
- C’est, encore, pour la gauche, une promesse non tenue et, donc, un rendez-vous manqué. Voilà un Etat qui botte en touche sur les perspectives de développement des langues, au moment même où les élus de la Corse, bon nombre de parlementaires français et européens engagent un processus politique de sauvegarde et de promotion des langues menacées ! Comment croire qu’en 2013, la France ne prenne pas pleinement conscience de l'extrême menace qui pèse sur l'avenir de nombreuses langues parlées sur son territoire et en Europe ? Dès lors, comment peut-elle bien nous expliquer sa stratégie à venir en matière de préservation de la diversité du patrimoine linguistique et culturel ? L’édifiante lecture de l’article 27 - et 27 bis – de la loi de refondation de l’école de Vincent Peillon témoigne d'un recul historique en la matière. En fait, on se croirait revenu, en 1925, aux temps de la IIIe République, avant la circulaire De Monzie, lorsque l'inspecteur Bréal préconisait de mobiliser les dialectes et les patois au service du français !
- Cette annonce vous surprend-elle ?
- Non. Et, si je dis que cela ne me déçoit pas… ! Problème constitutionnel ? Serait-elle cette constitution, quand même modifiée à 24 reprises depuis 1958, le joker qui élude toutes les réponses à notre profonde volonté de changement ?
- Est-ce, par extension, une mauvaise nouvelle pour la Corse ?
- N’accordons pas à cette charte plus d’importance qu’elle n’en a ! D’autant qu’à l’origine le projet n’envisageait de n'en retenir qu’une partie. La promesse de ratification répondait à une demande forte du corps social et des élus de régions à forte identité, comme la Bretagne, le Pays Basque, l'Alsace, etc. L’objectif était d’améliorer sensiblement le statut actuel des langues régionales. Mais, quand bien même elles auraient été appliquées, les dispositions de la Charte seraient restées bien en-deçà de l’actuel statut de la langue corse, au regard de la loi sur la Corse de janvier 2002 et des différents contrats de plans Etat-CTC.
- N’y aura-t-il aucun effet ?
- Bien plus qu’un simple aménagement linguistique ayant vocation à apaiser le climat politique de l’île, la vraie question pose le rôle et la place de notre langue au sein d'un réseau international où l'on réfléchit à l'éducation de demain, dans un monde ouvert et pluriel, marqué par la réalité nouvelle de sociétés devenues, de fait, multiculturelles. L’action de François Alfonsi va dans ce sens et renforce cette option : une démocratie linguistique qui n’a pas la langue française pour ennemie mais seulement le monolinguisme d’État. En fait, la vraie mauvaise nouvelle réside plutôt dans l’esprit avec lequel l’Etat aborde actuellement la question corse dans toutes ses dimensions.
- Justement, quel impact aura cette décision sur le statut de coofficialité qui sera débattu en avril à la CTC ?
- Nous sommes les héritiers d’un combat pour l’identité, vieux de près d’un demi-siècle pour sa période contemporaine. C'est-à-dire que nous sommes partie prenante de cette construction patiente pour la reconnaissance du fait national corse et, ici, en l’occurrence d’un autre modèle de citoyenneté culturelle. A ce titre, nous nous réjouissons du débat engagé à l’Assemblée de Corse depuis deux ans en vue d’obtenir un statut d’officialité. S’il faut voir objectivement dans cet engagement de l’Exécutif le poids politique de Femu A Corsica, force est quand même de se réjouir de cette évolution impensable il y a seulement quelques années. Certains conseillers territoriaux avaient pensé un temps que la ratification de la Charte Européenne des langues minoritaires allait nous servir de porte d’entrée dans le processus de réforme constitutionnelle, notamment lors de discussions au sein de la commission Chaubon. Aujourd’hui, la clarification présidentielle nous renvoie à notre propre action.
- C’est-à-dire ?
- Une majorité se dessine, enfin, au-delà des clivages politiques traditionnels en faveur d’une langue coofficielle sur son propre territoire, à l’instar d’autres nations sans états d’Europe (Catalogne, Pays Basque, Pays de Galles, Iles Aland, etc.). Désormais la véritable question n’est plus tant celle de la remise en cause consécutive au renoncement de François Hollande, mais plutôt celle de notre efficacité politique en matière de langue comme dans les autres domaines du foncier, de statut de résident, de transfert de la compétence fiscale. Si l’Assemblée de Corse assume ses choix, elle devra ensuite les défendre dans la discussion avec l’Etat. Cela signifie qu’elle doit faire valider ses choix par le Peuple Corse pour instaurer un changement profond des rapports entre la Corse et Paris. Il en va de sa crédibilité.
- Les défenseurs des langues minoritaires vont réagir par de grandes manifestations prévues sur le continent. Prévoyez-vous de faire quelque chose en Corse ?
- Très certainement, en prenant soin de nous retourner d’abord vers le Peuple Corse et ses aspirations. Car, contrairement à d’autres, nous n’avons pas la prétention d’être la seule voix de ces combats…
Propos recueillis par Nicole MARI
- C’est, encore, pour la gauche, une promesse non tenue et, donc, un rendez-vous manqué. Voilà un Etat qui botte en touche sur les perspectives de développement des langues, au moment même où les élus de la Corse, bon nombre de parlementaires français et européens engagent un processus politique de sauvegarde et de promotion des langues menacées ! Comment croire qu’en 2013, la France ne prenne pas pleinement conscience de l'extrême menace qui pèse sur l'avenir de nombreuses langues parlées sur son territoire et en Europe ? Dès lors, comment peut-elle bien nous expliquer sa stratégie à venir en matière de préservation de la diversité du patrimoine linguistique et culturel ? L’édifiante lecture de l’article 27 - et 27 bis – de la loi de refondation de l’école de Vincent Peillon témoigne d'un recul historique en la matière. En fait, on se croirait revenu, en 1925, aux temps de la IIIe République, avant la circulaire De Monzie, lorsque l'inspecteur Bréal préconisait de mobiliser les dialectes et les patois au service du français !
- Cette annonce vous surprend-elle ?
- Non. Et, si je dis que cela ne me déçoit pas… ! Problème constitutionnel ? Serait-elle cette constitution, quand même modifiée à 24 reprises depuis 1958, le joker qui élude toutes les réponses à notre profonde volonté de changement ?
- Est-ce, par extension, une mauvaise nouvelle pour la Corse ?
- N’accordons pas à cette charte plus d’importance qu’elle n’en a ! D’autant qu’à l’origine le projet n’envisageait de n'en retenir qu’une partie. La promesse de ratification répondait à une demande forte du corps social et des élus de régions à forte identité, comme la Bretagne, le Pays Basque, l'Alsace, etc. L’objectif était d’améliorer sensiblement le statut actuel des langues régionales. Mais, quand bien même elles auraient été appliquées, les dispositions de la Charte seraient restées bien en-deçà de l’actuel statut de la langue corse, au regard de la loi sur la Corse de janvier 2002 et des différents contrats de plans Etat-CTC.
- N’y aura-t-il aucun effet ?
- Bien plus qu’un simple aménagement linguistique ayant vocation à apaiser le climat politique de l’île, la vraie question pose le rôle et la place de notre langue au sein d'un réseau international où l'on réfléchit à l'éducation de demain, dans un monde ouvert et pluriel, marqué par la réalité nouvelle de sociétés devenues, de fait, multiculturelles. L’action de François Alfonsi va dans ce sens et renforce cette option : une démocratie linguistique qui n’a pas la langue française pour ennemie mais seulement le monolinguisme d’État. En fait, la vraie mauvaise nouvelle réside plutôt dans l’esprit avec lequel l’Etat aborde actuellement la question corse dans toutes ses dimensions.
- Justement, quel impact aura cette décision sur le statut de coofficialité qui sera débattu en avril à la CTC ?
- Nous sommes les héritiers d’un combat pour l’identité, vieux de près d’un demi-siècle pour sa période contemporaine. C'est-à-dire que nous sommes partie prenante de cette construction patiente pour la reconnaissance du fait national corse et, ici, en l’occurrence d’un autre modèle de citoyenneté culturelle. A ce titre, nous nous réjouissons du débat engagé à l’Assemblée de Corse depuis deux ans en vue d’obtenir un statut d’officialité. S’il faut voir objectivement dans cet engagement de l’Exécutif le poids politique de Femu A Corsica, force est quand même de se réjouir de cette évolution impensable il y a seulement quelques années. Certains conseillers territoriaux avaient pensé un temps que la ratification de la Charte Européenne des langues minoritaires allait nous servir de porte d’entrée dans le processus de réforme constitutionnelle, notamment lors de discussions au sein de la commission Chaubon. Aujourd’hui, la clarification présidentielle nous renvoie à notre propre action.
- C’est-à-dire ?
- Une majorité se dessine, enfin, au-delà des clivages politiques traditionnels en faveur d’une langue coofficielle sur son propre territoire, à l’instar d’autres nations sans états d’Europe (Catalogne, Pays Basque, Pays de Galles, Iles Aland, etc.). Désormais la véritable question n’est plus tant celle de la remise en cause consécutive au renoncement de François Hollande, mais plutôt celle de notre efficacité politique en matière de langue comme dans les autres domaines du foncier, de statut de résident, de transfert de la compétence fiscale. Si l’Assemblée de Corse assume ses choix, elle devra ensuite les défendre dans la discussion avec l’Etat. Cela signifie qu’elle doit faire valider ses choix par le Peuple Corse pour instaurer un changement profond des rapports entre la Corse et Paris. Il en va de sa crédibilité.
- Les défenseurs des langues minoritaires vont réagir par de grandes manifestations prévues sur le continent. Prévoyez-vous de faire quelque chose en Corse ?
- Très certainement, en prenant soin de nous retourner d’abord vers le Peuple Corse et ses aspirations. Car, contrairement à d’autres, nous n’avons pas la prétention d’être la seule voix de ces combats…
Propos recueillis par Nicole MARI