L'affaire est peu ordinaire, l’affluence sur les bancs du public en témoigne. Elle se noue en deux temps. Une première série de trois agressions sexuelles défraye la chronique, fin mai, et suscite l'émoi après la décision du juge des libertés de relâcher le suspect. La polémique envahit les réseaux sociaux qui diffusent l'identité et la photographie de l’agresseur présumé, ce qui accélère l'enquête et incite trois autres victimes à porter plainte. Fait inhabituel, le président Patrick Sendral, se félicite du rôle joué par Internet dans cette affaire. « Nous ne pouvons que remercier la diffusion des photos sur Facebook ». Le prévenu est, finalement, incarcéré à la prison de Borgo. Il comparait, donc, pour des faits d'agression sexuelle avec violence, contrainte et menaces sur six jeunes filles et jeunes femmes et pour outrages et violences à l’égard de deux fonctionnaires de police pendant son arrestation et sa garde à vue.
Retour sur les faits
La première agression a lieu le 28 mai, dans le quartier de Toga à Bastia, avec une récidive les 30 et 31 mai. Chaque fois, le mode opératoire est identique. Un homme jeune, dans la description correspond à celle du prévenu, suit une jeune fille dans la rue, en plein jour, en fin d’après-midi, dans le même quartier, avant d’effectuer des attouchements sexuels et de la menacer. Les trois jeunes filles, dont une mineure, portent plainte et reconnaissent Jean-Sébastien Hilt sur photo. Le 2 juin, celui-ci est appréhendé. Lors de sa garde-à-vue, le 3 juin, il aurait insulté et agressé un policier en lui donnant un coup de pied dans l’arcade sourcilière. Le policier, qui écope de 7 jours d’ITT, se constitue partie civile. Le 4 juin, le juge des libertés et de la détention, estimant que les faits ne méritent pas une incarcération, relâche le prévenu. Une photo prise au moment de son arrestation est mise sur Facebook par la famille d’une des victimes, ainsi que son identité et le rappel de ses agissements présumés. Trois autres victimes se manifestent, alors, aux enquêteurs. Le 6 juin, le suspect porte plainte pour atteinte à la présomption d’’innocence et se retrouve, une nouvelle fois, en garde-à-vue où il aurait, de nouveau, commis des violences à l’encontre d’un autre policier. Il est placé en détention provisoire pour sa propre sécurité.
Une personnalité borderline
« C’est un coup monté ! », déclare Jean-Sébastien Hilt qui nie l’intégralité des faits de violence sexuelle et physique qui lui sont reprochés, conteste les conditions de son arrestation, reconnaissant, du bout des lèvres, les outrages aux policiers. « Je ne comprends pas, je n’étais pas là ! Ça m’arrive d’oublier certaines choses, mais si j’avais touché une fille, je ne l’aurais pas oublié ! », affirme-t-il encore. Le jeune homme de 23 ans, qui a un casier judiciaire fourni avec des condamnations pour vols, recels, utilisation d’une voiture bélier et usage de stupéfiants, a été victime, lors d’une précédente incarcération, d’un sévère traumatisme crânien suivi d’un coma qui a laissé des séquelles. Il est depuis lors sous curatelle simple. Néanmoins, l'expertise psychiatrique, effectuée pendant la garde-à-vue, conclut à une personnalité borderline au discernement altéré, mais responsable de ses actes, et rejette le placement en hôpital psychiatrique. Avis partagé par le président Sendral qui remarque : « On se rend compte que vous êtes intelligent et que vous connaissez très bien votre dossier ».
Des victimes traumatisées
Pour la partie civile, les faits sont graves et la culpabilité du prévenu ne fait aucun doute. Tout en se félicitant de la célérité de l'enquête, elle estime qu'il ne faut pas minimiser les faits, ni considérer comme banales des agressions qui ont provoqué un traumatisme chez des jeunes filles ou des jeunes femmes. Fustigeant la remise en liberté du prévenu comme une « décision dépourvue de sens », Me Marie Pierre Finalteri explique qu'elle a généré « un regain de colère et de souffrance chez les victimes qui se sont senties dénuées de leurs droits ». Me Emmanuel Maestrini dénonce le même mode opératoire sur un laps de temps très court avec escalade et réitération des faits. Les avocats écartent l'altération mentale et avancent l'idée d'une certaine préméditation. Ils demandent une expertise médicale pour évaluer le préjudice subi par des victimes « qui ont été très perturbées et vivent depuis dans la peur », les plus jeunes n’osant plus sortir du domicile parental.
La responsabilité en question
Le ministère public, représenté par le vice-procureur Alain-Octuvon Basile, appelle « à une certaine sérénité dans une affaire qui a suscité un certain émoi dans une petite ville où ces faits sont inhabituels ». Pour lui, les faits sont parfaitement établis et étayés par une constance dans les lieux, les éléments, les modes opératoires, le comportement particulier du suspect et les déclarations des victimes qui sont, toutes, concordantes. Néanmoins, il pose la question de la responsabilité pénale, du discernement, et ne peut trancher si celui-ci est aboli, altéré ou pas altéré du tout. « L'expertise psychiatrique est incomplète. Le prévenu apparaît intelligent à l'audience, en même temps il a des difficultés d'élocution, des trous de mémoire... » Il préconise, donc, une expertise psychiatrique complète et le maintien en détention le temps de l'effectuer. Alors que le prévenu, qui est en récidive pénale, encourt une peine de cinq ans d'emprisonnement et une peine plancher de deux ans, il requiert 24 mois d'emprisonnement dont 8 avec sursis, une mise à l'épreuve de 36 mois et l'obligation de se soigner.
Une justice privée
La défense adhère à la demande d'expertise. Établissant une distinction entre un viol et une agression sexuelle, Me Stéphanie Lombardo liste « un certain nombre de choses dérangeantes et les conditions d'interpellation car une des victimes est la belle-fille d'un fonctionnaire de police qui s'est servi de sa qualité de policier pour outrepasser ses droits ». L'avocate fustige une « justice privée » et une atteinte à la présomption d'innocence : « On le prend en photo au moment de son interpellation, on met la photo sur les réseaux sociaux par un SMS qui émane de la famille de la victime. La diffusion massive dans les médias et sur Facebook déclenche une véritable chasse à l'homme ». Notant des incohérences dans les témoignages des victimes, elle joue sur les incertitudes et plaide l'innocence de son client. Elle demande à la Cour, dans le cas d'une condamnation, de trouver une alternative à la prison « incompatible avec l'état mental du prévenu ».
18 mois ferme
Le tribunal délibère, dans la foulée. Il rejette la requête du ministère public concernant une nouvelle expertise médicale, estimant « qu’il y a suffisamment d’éléments au dossier sur la personnalité du prévenu, des éléments déjà connus du fait de sa curatelle, et qu’il n’y a, donc, pas lieu de différer le jugement dans des proportions déraisonnables ». Il relaxe, par manque de preuve, le prévenu d’une des accusations d’agressions sexuelles, mais le déclare coupable de toutes les autres infractions. Le TGI prononce une peine de 24 mois de prison dont 6 avec sursis et mise à l’épreuve et une interdiction d’approcher les victimes. Et ordonne, pour deux jeunes victimes, une expertise médicale pour évaluer les préjudices subis. Jean-Sébastien Hilt est maintenu en détention. Il a 10 jours pour faire appel.
N.M.
Retour sur les faits
La première agression a lieu le 28 mai, dans le quartier de Toga à Bastia, avec une récidive les 30 et 31 mai. Chaque fois, le mode opératoire est identique. Un homme jeune, dans la description correspond à celle du prévenu, suit une jeune fille dans la rue, en plein jour, en fin d’après-midi, dans le même quartier, avant d’effectuer des attouchements sexuels et de la menacer. Les trois jeunes filles, dont une mineure, portent plainte et reconnaissent Jean-Sébastien Hilt sur photo. Le 2 juin, celui-ci est appréhendé. Lors de sa garde-à-vue, le 3 juin, il aurait insulté et agressé un policier en lui donnant un coup de pied dans l’arcade sourcilière. Le policier, qui écope de 7 jours d’ITT, se constitue partie civile. Le 4 juin, le juge des libertés et de la détention, estimant que les faits ne méritent pas une incarcération, relâche le prévenu. Une photo prise au moment de son arrestation est mise sur Facebook par la famille d’une des victimes, ainsi que son identité et le rappel de ses agissements présumés. Trois autres victimes se manifestent, alors, aux enquêteurs. Le 6 juin, le suspect porte plainte pour atteinte à la présomption d’’innocence et se retrouve, une nouvelle fois, en garde-à-vue où il aurait, de nouveau, commis des violences à l’encontre d’un autre policier. Il est placé en détention provisoire pour sa propre sécurité.
Une personnalité borderline
« C’est un coup monté ! », déclare Jean-Sébastien Hilt qui nie l’intégralité des faits de violence sexuelle et physique qui lui sont reprochés, conteste les conditions de son arrestation, reconnaissant, du bout des lèvres, les outrages aux policiers. « Je ne comprends pas, je n’étais pas là ! Ça m’arrive d’oublier certaines choses, mais si j’avais touché une fille, je ne l’aurais pas oublié ! », affirme-t-il encore. Le jeune homme de 23 ans, qui a un casier judiciaire fourni avec des condamnations pour vols, recels, utilisation d’une voiture bélier et usage de stupéfiants, a été victime, lors d’une précédente incarcération, d’un sévère traumatisme crânien suivi d’un coma qui a laissé des séquelles. Il est depuis lors sous curatelle simple. Néanmoins, l'expertise psychiatrique, effectuée pendant la garde-à-vue, conclut à une personnalité borderline au discernement altéré, mais responsable de ses actes, et rejette le placement en hôpital psychiatrique. Avis partagé par le président Sendral qui remarque : « On se rend compte que vous êtes intelligent et que vous connaissez très bien votre dossier ».
Des victimes traumatisées
Pour la partie civile, les faits sont graves et la culpabilité du prévenu ne fait aucun doute. Tout en se félicitant de la célérité de l'enquête, elle estime qu'il ne faut pas minimiser les faits, ni considérer comme banales des agressions qui ont provoqué un traumatisme chez des jeunes filles ou des jeunes femmes. Fustigeant la remise en liberté du prévenu comme une « décision dépourvue de sens », Me Marie Pierre Finalteri explique qu'elle a généré « un regain de colère et de souffrance chez les victimes qui se sont senties dénuées de leurs droits ». Me Emmanuel Maestrini dénonce le même mode opératoire sur un laps de temps très court avec escalade et réitération des faits. Les avocats écartent l'altération mentale et avancent l'idée d'une certaine préméditation. Ils demandent une expertise médicale pour évaluer le préjudice subi par des victimes « qui ont été très perturbées et vivent depuis dans la peur », les plus jeunes n’osant plus sortir du domicile parental.
La responsabilité en question
Le ministère public, représenté par le vice-procureur Alain-Octuvon Basile, appelle « à une certaine sérénité dans une affaire qui a suscité un certain émoi dans une petite ville où ces faits sont inhabituels ». Pour lui, les faits sont parfaitement établis et étayés par une constance dans les lieux, les éléments, les modes opératoires, le comportement particulier du suspect et les déclarations des victimes qui sont, toutes, concordantes. Néanmoins, il pose la question de la responsabilité pénale, du discernement, et ne peut trancher si celui-ci est aboli, altéré ou pas altéré du tout. « L'expertise psychiatrique est incomplète. Le prévenu apparaît intelligent à l'audience, en même temps il a des difficultés d'élocution, des trous de mémoire... » Il préconise, donc, une expertise psychiatrique complète et le maintien en détention le temps de l'effectuer. Alors que le prévenu, qui est en récidive pénale, encourt une peine de cinq ans d'emprisonnement et une peine plancher de deux ans, il requiert 24 mois d'emprisonnement dont 8 avec sursis, une mise à l'épreuve de 36 mois et l'obligation de se soigner.
Une justice privée
La défense adhère à la demande d'expertise. Établissant une distinction entre un viol et une agression sexuelle, Me Stéphanie Lombardo liste « un certain nombre de choses dérangeantes et les conditions d'interpellation car une des victimes est la belle-fille d'un fonctionnaire de police qui s'est servi de sa qualité de policier pour outrepasser ses droits ». L'avocate fustige une « justice privée » et une atteinte à la présomption d'innocence : « On le prend en photo au moment de son interpellation, on met la photo sur les réseaux sociaux par un SMS qui émane de la famille de la victime. La diffusion massive dans les médias et sur Facebook déclenche une véritable chasse à l'homme ». Notant des incohérences dans les témoignages des victimes, elle joue sur les incertitudes et plaide l'innocence de son client. Elle demande à la Cour, dans le cas d'une condamnation, de trouver une alternative à la prison « incompatible avec l'état mental du prévenu ».
18 mois ferme
Le tribunal délibère, dans la foulée. Il rejette la requête du ministère public concernant une nouvelle expertise médicale, estimant « qu’il y a suffisamment d’éléments au dossier sur la personnalité du prévenu, des éléments déjà connus du fait de sa curatelle, et qu’il n’y a, donc, pas lieu de différer le jugement dans des proportions déraisonnables ». Il relaxe, par manque de preuve, le prévenu d’une des accusations d’agressions sexuelles, mais le déclare coupable de toutes les autres infractions. Le TGI prononce une peine de 24 mois de prison dont 6 avec sursis et mise à l’épreuve et une interdiction d’approcher les victimes. Et ordonne, pour deux jeunes victimes, une expertise médicale pour évaluer les préjudices subis. Jean-Sébastien Hilt est maintenu en détention. Il a 10 jours pour faire appel.
N.M.