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Tchernobyl : La preuve corse d'un mensonge d'Etat


Nicole Mari le Vendredi 5 Juillet 2013 à 03:00

L’Assemblée de Corse (CTC) a révélé, jeudi après-midi, les résultats de l’enquête épidémiologique effectuée, à sa demande, par une équipe indépendante de scientifiques italiens. L’enquête conclut que la radioactivité, consécutive à l’accident nucléaire qui a eu lieu en Ukraine le 26 avril 1986, est responsable de la flambée des cancers, tumeurs et autres pathologies thyroïdiennes en Corse. La France a donc menti en affirmant le contraire. Réaction, en vidéo, pour Corse Net Infos, de Michèle Rivasi, eurodéputé, fondatrice du Criirad (Commission de recherche et d’informations indépendante sur la radioactivité).



Présentation des résultats de l'enquête épidémiologique à la CTC.
Présentation des résultats de l'enquête épidémiologique à la CTC.
La Corse fut la région de France la plus contaminée par le nuage radioactif de Tchernobyl. Un mois après l’incident nucléaire en Ukraine, elle affichait les taux les plus importants de becquerels. La contamination se fit, à la fois, par inhalation des particules radioactives de l’air et par injection d’aliments ou de boissons fortement radioactives. Mais la France, puissance nucléaire, s’obstine à nier le lien de causalité entre le nuage de Tchernobyl et les pathologies qui en ont résulté. Devant le manque de fiabilité et de vérité des études menées par l’Etat sur les retombées dans l’île, l’Assemblée de Corse décidait, lors de la précédente mandature, d’engager une enquête épidémiologique et d’en confier la réalisation à un organisme indépendant par voie d’appel d’offres européen.
 
Un enjeu sanitaire
Le défi était difficile à relever à cause de la mauvaise volonté des organismes institutionnels. « Cet enjeu sanitaire et social, stratégique pour la Corse, a été pris à bras le corps par les élus de la CTC, de manière forte et engagée », précise Maria Guidicelli, conseillère exécutive. La ténacité des élus sur deux mandatures a payé. La CTC a lancé un appel d’offres européen afin de se démarquer des méthodes d’enquête française insincères. Le nucléaire n’ayant pas le même enjeu en Italie qu’en France, l’équipe de recherche du professeur Paolo Cremonesi, chef des urgences de l’hôpital Galliera de Gênes, a été choisie en 2011. Elle a étudié, entre avril 2012 et juin 2013, plus de 14 000 dossiers médicaux complets s’étalant sur une période cumulée de 25 ans.
 
Une enquête unique
Ces dossiers ont été fournis par le Dr Jean-Charles Vellutini, à l’époque seul endocrinologue de Haute-Corse. Ceux qui étaient complets, près de 5500, ont été sélectionnés et complétés par un appel à témoin lancé à toute la population de l’île. Ils représentent une documentation inédite car ils suivent l’évolution des patients avant et après l’incident de Tchernobyl et l’exposition au nuage radioactif, après pondération des facteurs de confusion comme l’amélioration du diagnostic cancéreux. L’étude présentée est, donc, une première puisqu’elle est la seule, en Europe, à ce jour, qui s’appuie sur des dossiers médicaux de personnes non hospitalisées qui peuvent directement et efficacement mesurer l’impact de la radioactivité.
 
Un lien de causalité
Et les résultats sont sans appel. L’enquête conclut, de façon certaine, à une corrélation entre la radioactivité qui a touché la Corse et l’augmentation des pathologies thyroïdiennes. Après le passage du nuage, le risque de thyroïdite a flambé de 78,28% chez les hommes ayant été exposés au nuage, de 55,33 % chez les femmes et de 62 % chez les enfants. Chez les hommes, le risque de nodules bénins a augmenté de 64,51 %, celui d’hyperthyroïdisme de 103,21% et les cancers de la thyroïde de 28,29%. L’enquête met aussi en évidence une augmentation des leucémies chez l’enfant. « Parce qu’on ne joue pas avec la santé publique, il faut que la vérité éclate au grand jour. Oui, la radioactivité a eu des répercussions en Corse », résume Josette Risterucci, présidente de la commission Tchernobyl.
 
Un mensonge d’Etat
Celle-ci n’hésite pas à parler de « mensonge d’Etat ». Le président de l’Exécutif, Paul Giacobbi enfonce le clou en évoquant les conséquences politiques de ce mensonge : « Il y a eu erreur et la volonté d’induire en erreur en s’appuyant sur des autorités académiques et institutionnelles. On a voulu tromper le monde. Si l’Etat avait dit la vérité, on aurait pu prévenir certaines maladies ». Le silence de l’Etat a donc été mortel.
L’enquête scientifique marque une avancée importante et ouvre un chemin d’espoir tant au niveau insulaire que national ou européen, voire mondial. Publiée sur le site de la CTC, elle est à la disposition du public, de la communauté scientifique et des associations qui peuvent s’en emparer, à la fois, pour tenter de mettre en place des actions sanitaires de prévention et pour obtenir l’indemnisation des victimes. Nul doute que cette enquête corse fera débat dans les jours à-venir, d’autant qu’elle remet en question la politique française, voire européenne, en matière de radioprotection.

N.M.


Michèle Rivasi, eurodéputé, fondatrice du Criirad : « La France a voulu protéger son industrie nucléaire ».