Agnès Simonpietri, conseillère territoriale du groupe Femu a Corsica.
- Le maire de Tallone vous rend responsable de la fermeture du centre d’enfouissement. Que répondez-vous à ses mises en cause incessantes ?
- Il nous considère comme responsable d’une situation dont nous ne sommes absolument pas responsables ! Nous regrettons beaucoup ces mises en cause régulières, d’autant que nous comprenons très bien sa position. Le maire de Tallone a eu le grand mérite de recevoir les ordures ménagères de toute la Haute-Corse pendant des années. On peut très bien comprendre qu’il cherche des solutions pour améliorer l’existant. Malheureusement, les solutions, qu’il a trouvées, ne sont pas appropriées ! Dès 2010, nous prévenions que le tout-enfouissement mènerait directement à l’impasse. Nous l’avons dit ! Nous l’avons répété en boucle ! Nous tirons la sonnette d’alarme depuis exactement cinq ans !
- Pourquoi ces solutions ne sont-elles pas, selon vous, appropriées ?
- La solution, qu’il a préconisée, est le tri mécano-biologique. Cela peut être une option, mais en séparant le tri mécanique du tri biologique. Pour nous, la séparation des bio-déchets en amont est, absolument, indispensable. Nous avons toujours affirmé que s’il y a tri mécano-biologique, il faut des systèmes délocalisés placés au plus proche des gisements de façon à éviter le transport des déchets. Transporter les déchets est une absurdité économique et écologique !
- Pour quelles raisons ?
- Nous sommes contre le transport des déchets en vrac ! On peut comprendre que l’on transporte des ordures ménagères résiduelles en fin de traitement. De toute façon, il restera toujours 20 à 30 % de déchets à enfouir, même en cas de tri extrêmement poussé. Mais ces ordures résiduelles sont inertées : elles ne sentent plus mauvais, ne polluent plus et ne posent plus de problèmes. Même si ce n’est jamais bon d’enfouir, elles peuvent l’être de manière optimale.
- De quelle façon ?
- Les 80 000 tonnes de déchets, que recevait la décharge de Tallone, contenaient 16 000 tonnes d’eau, l’eau des bio-déchets. Les bio-déchets représentent un tiers de notre poubelle, ce sont les déchets qui fermentent et sentent mauvais comme les épluchures de cuisine, le marc de café, les sopalins… tout ce qu’une famille utilise au quotidien en quantités extraordinaires. Tous ces déchets ont une valeur remarquable pour fabriquer du compost à condition d’être triés d’abord, dans la cuisine ! Le seul système industriel performant pour faire ce tri en amont, ce sont nos mains ! C’est ce qu’il faut expliquer à la population.
- Quel est le pourcentage de déchets recyclables dans une poubelle ?
- Nos poubelles recèlent 80 % de déchets recyclables. Pourquoi transporter des déchets recyclables ? Comme nous ne disposons pas en Corse d’installations de recyclage, ces déchets vont, de toute façon, repartir par les ports. Pourquoi transporter ces déchets d’Ajaccio à Prunelli ou de Bastia jusqu’à Tallone alors qu’il faut les trier en amont ? Economiquement, c’est un non-sens ! Et, ça nous coûte très cher ! Nous avons toujours été défavorable au tri mécano-biologique. Ce n’est pas une nouveauté ! Nous l’avons toujours dit ! Nous l’avons réaffirmé à l’enquête publique.
- Christian Orsucci affirme que l’Assemblée de Corse a été consultée sur son projet de Tallone. Vous démentez ?
- Oui ! C’est faux ! L’Assemblée n’a jamais été consultée parce que ce projet ne lui a jamais été soumis ! Il faut être très clair : nous ne portons pas de responsabilité dans la crise actuelle qui n’est que l’aboutissement inévitable et prévisible d’un mauvais système et d’une absence de traitement des déchets.
- Vous avez voté contre la dérogation de la loi Littoral demandée par François Tatti pour implanter cette unité de tri mécano-biologique. Pourquoi êtes-vous contre ?
- Il ne s’agit pas d’une dérogation, mais d’une modification générale de la loi Littoral qui sera applicable à l’ensemble du territoire français. On ne peut pas, pour une installation, demander une modification de cette loi à laquelle nous sommes très attachés. Si le problème avait été posé, au début, quand il a fallu chercher des solutions, et s’il avait même été posé il y a trois ans quand le projet de tri mécano-biologique était envisagé, il aurait été possible de mener une réflexion. Mais, là, au coin d’une table, au coin d’un amendement dit cavalier à une loi, pour nous, ce n’est pas acceptable ! D’autant que nous pensons que son projet n’est, malheureusement, pas bon ! Il ne prend même pas en compte la pointe saisonnière !
- C’est-à-dire ?
- Sur 60 000 tonnes entrantes, 40 %, soit 24 000 tonnes, ne passeront pas par le tri mécano-biologique. Particulièrement, les tonnages entrant l’été ! Ils iront directement au casier d’enfouissement, sans être triés, ni inertés, parce que le projet n’est pas dimensionné pour recevoir la pointe saisonnière ! Cela veut dire que les nuisances, pour la population, resteront inchangées. Le pic d’odeur, pendant l’été, est absolument insupportable pour les riverains ! Nous comprenons très bien que les gens de la plaine refusent que leur plaine reste une poubelle. Ce n’est pas possible ! Ce n’est pas acceptable ! Nous jugeons que ce tri mécano-biologique, non seulement est mal placé, mais en plus n’est pas performant ! Il ne tient pas la route !
- Que pensez-vous de l’accord arraché à Prunelli pour un mois ? Est-ce reculer pour mieux sauter ?
- Il fallait cet accord ! Il fallait trouver une solution ! C’est une évidence ! C’est une question de responsabilité ! Nous pensons que, si nous mettons réellement en place un tri à la source, au porte-à-porte, notamment le tri des bio-déchets, surtout dans les grandes villes, nous pouvons, en 18 mois, écarter de l’enfouissement tous les bio-déchets, ceux qui posent le plus de problèmes. Nos propres élus s’y sont fermement engagés, notamment le maire de Bastia, Gilles Simeoni. 18 mois, c’est le délai nécessaire pour installer l’unité de tri mécano-biologique à Tallone ! Puisqu’il y a un choix possible, notre choix est très clair ! C’est celui du tri à la source, pas d’une installation industrielle qui, en plus, fera appel d’air pour éviter de poser le problème en amont.
- Qu’entendez-vous par « appel d’air » ?
- Plus on appellera les déchets à être transportés et traités à Tallone ou ailleurs dans les centres d’enfouissement, moins on traitera les déchets en amont. Il faut faire le contraire !
- Pourquoi, alors, ne l’a-t-on pas fait ? Le tri à la source a-t-il un coût plus élevé ?
- Non ! C’est le tri mécano-biologique qui a un coût élevé avec des usines qui valent entre 15 et 20 millions €. L’amortissement du coût d’une installation industrielle et du transport qui va avec, qui va le payer ? Nous, contribuables ! Nous allons payer beaucoup plus cher ! Alors qu’avec le tri au porte-à-porte des bio-déchets, la collecte se fera dans la semaine, à la porte des habitations où auront été déposés les sacs adéquats… Elle ne coûtera pas beaucoup plus cher. On ne va même pas augmenter le nombre de collectes, juste les différencier : par exemple, le lundi, on collectera les bio-déchets ; le mardi, les emballages ; le mercredi, le papier et le verre, puis les ordures ménagères résiduelles, le tout venant…
- Le Syvadec a tenté des expériences de tri sélectif qui n’ont pas été concluantes. Pourquoi, selon vous, la population corse semble-t-elle réfractaire ?
- Le Syvadec n’a jamais mis en place de collecte au porte-à-porte, sauf un embryon de collecte des emballages à Bastia qui fonctionne malgré les difficultés. Il faut, d’abord, expliquer aux gens, leur distribuer les sacs et non pas les obliger à aller les chercher à la mairie. Comment font les gens qui travaillent pour aller chercher, à la mairie entre 8 heures et midi et entre 14 et 17 heures, le sac d’emballage jaune ? Qui peut se permettre d’y aller ? Quasiment personne ! Ça ne peut pas marcher dans ces conditions-là ! Dans toutes les régions d’Italie qui sont passées à 80% de tri, on distribue aux gens des sacs spéciaux pour mettre les bio-déchets, les emballages… Les distribuer à la maison ne coûte pas plus cher ! Ça coûte beaucoup moins cher que de transporter et d’enfouir !
- Faut-il changer les mentalités ?
- Oui ! C’est une révolution ! Il faut oublier le tri tel qu’on nous l’a vendu jusqu’à maintenant ! Le tri avec des points d’apports volontaires, c’est bien ! Mais, quand ce point se situe à 200 mètres ou à 1 kilomètre de chez vous, comment faites-vous ? Vous êtes obligés de prendre une voiture. Comment font les personnes âgées alors que 25% de la population a plus de 60 ans ? Elles vont à pied ? C’est absurde ! Changer complètement de système de tri n’est pas compliqué ! Il faut mettre en place les collectes et faire un travail pédagogique. Voilà ce qu’aurait du faire le Syvadec et voilà où est son erreur fondamentale ! Il a posé des bornes en bord de route et dit aux gens : « débrouillez-vous ! ». Au final, les sacs s’entassent sur le bord des routes ! Ce n’est pas un système de tri performant !
- Que pensez-vous du plan des déchets, qui sera présenté en juillet à la CTC, et qui n’intègre pas vraiment le tri à la source ?
- Nous avons beaucoup participé à l’élaboration de ce plan et nous avons réussi à y intégrer nombre d’éléments qui pourraient permettre de faire du tri au porte-à-porte. Il faut changer les objectifs inscrits, à savoir 40 % de tri, et aller beaucoup plus loin. Femu a Corsica proposera des amendements en ce sens. Si le président de l’Office de l’Environnement et le président du Syvadec, qui ont annoncé, à l’occasion de la crise, qu’ils se ralliaient à nos propositions, sont cohérents avec eux-mêmes, ils accepteront d’augmenter le pourcentage prévu pour le tri.
- Et, en ce qui concerne le tri mécano-biologique ?
- Le plan prévoit l’installation de trois unités mécano-biologique. Il faut inverser les priorités, renverser notre manière de voir et dire que la priorité est le tri au porte-à-porte. On peut, pourquoi pas, le compléter avec du tri mécanique.
- Ce tri nécessite-t-il la mise en place d’une infrastructure spécifique ?
- Non ! Justement ! Le tri au porte-à-porte, c’est la suppression des containers ! Il y aura, bien sûr, en période transitoire, un double système, mais progressivement, n’existera plus que le ramassage au porte-à-porte : des petits containers pour chaque maison ou même pas de container du tout dans les villes. C’est une question de méthode. En Corse, les habitats sont très différents. Nous ne pouvons pas appliquer la même méthode partout. Il faut faire du sur-mesure. Le travail de la CTC est de s’attacher à proposer des méthodes. Nous l’avons fait intégrer dans le plan.
- Que proposez-vous ?
- On ne peut pas, d’un coup, dire aux maires et aux présidents des communautés de commune : « Demain, vous ferez du tri au porte-à-porte ! », comme le fait maintenant, à grands renforts de publicité et de mouvements, le président du Syvadec ! Il faut leur fournir la clé, la méthodologie de A jusqu’à Z et des outils pour le faire. Ces outils techniques, c’est à l’Office de l’environnement et au Syvadec de les mettre en place. A Femu a corsica, nous avons, par exemple, travaillé sur le principe de la redevance incitative.
- De quoi s’agit-il ?
- C’est très simple : plus on trie, moins on paye ! C’est une des clés de la réussite. Ceux, qui trient et trient bien, doivent en récolter un avantage financier. Par exemple, moins de redevance à payer ! Ce qui va, en toute logique, inciter à trier.
- La Corse ne dispose pas d’usine de recyclage des déchets. Seriez-vous favorable à la création de ce type d’usine ?
- La Corse n’a pas forcément besoin d’usine. Nous devons traiter sur place les bio-déchets qui représentent des tonnages impressionnants, entre 30 000 et 40 000 tonnes par an. Par exemple, le marc de café est un engrais extraordinaire. Son compostage s’effectue aussi bien dans un jardin que de façon industrielle. C’est tout à fait possible sur les quais de transfert qui sont, actuellement, utilisés pour stocker les déchets avant leur enfouissement. Pour les autres déchets, il faut réfléchir. La Corse n’a pas la masse critique en matière d’emballage ou de verre pour monter des installations. Elle n’a pas besoin de tout envoyer sur le continent, mais peut travailler avec la Sardaigne ou l’Italie. Elle doit réfléchir à une mutualisation des moyens. Les déchets, c’est 80% de recyclable ! Il faut passer de cette potentialité de recyclage à un vrai recyclage ! Il faut passer du recyclable au recyclé. C’est tout l’enjeu d’un plan de gestion des déchets.
Propos recueillis par Nicole MARI
- Il nous considère comme responsable d’une situation dont nous ne sommes absolument pas responsables ! Nous regrettons beaucoup ces mises en cause régulières, d’autant que nous comprenons très bien sa position. Le maire de Tallone a eu le grand mérite de recevoir les ordures ménagères de toute la Haute-Corse pendant des années. On peut très bien comprendre qu’il cherche des solutions pour améliorer l’existant. Malheureusement, les solutions, qu’il a trouvées, ne sont pas appropriées ! Dès 2010, nous prévenions que le tout-enfouissement mènerait directement à l’impasse. Nous l’avons dit ! Nous l’avons répété en boucle ! Nous tirons la sonnette d’alarme depuis exactement cinq ans !
- Pourquoi ces solutions ne sont-elles pas, selon vous, appropriées ?
- La solution, qu’il a préconisée, est le tri mécano-biologique. Cela peut être une option, mais en séparant le tri mécanique du tri biologique. Pour nous, la séparation des bio-déchets en amont est, absolument, indispensable. Nous avons toujours affirmé que s’il y a tri mécano-biologique, il faut des systèmes délocalisés placés au plus proche des gisements de façon à éviter le transport des déchets. Transporter les déchets est une absurdité économique et écologique !
- Pour quelles raisons ?
- Nous sommes contre le transport des déchets en vrac ! On peut comprendre que l’on transporte des ordures ménagères résiduelles en fin de traitement. De toute façon, il restera toujours 20 à 30 % de déchets à enfouir, même en cas de tri extrêmement poussé. Mais ces ordures résiduelles sont inertées : elles ne sentent plus mauvais, ne polluent plus et ne posent plus de problèmes. Même si ce n’est jamais bon d’enfouir, elles peuvent l’être de manière optimale.
- De quelle façon ?
- Les 80 000 tonnes de déchets, que recevait la décharge de Tallone, contenaient 16 000 tonnes d’eau, l’eau des bio-déchets. Les bio-déchets représentent un tiers de notre poubelle, ce sont les déchets qui fermentent et sentent mauvais comme les épluchures de cuisine, le marc de café, les sopalins… tout ce qu’une famille utilise au quotidien en quantités extraordinaires. Tous ces déchets ont une valeur remarquable pour fabriquer du compost à condition d’être triés d’abord, dans la cuisine ! Le seul système industriel performant pour faire ce tri en amont, ce sont nos mains ! C’est ce qu’il faut expliquer à la population.
- Quel est le pourcentage de déchets recyclables dans une poubelle ?
- Nos poubelles recèlent 80 % de déchets recyclables. Pourquoi transporter des déchets recyclables ? Comme nous ne disposons pas en Corse d’installations de recyclage, ces déchets vont, de toute façon, repartir par les ports. Pourquoi transporter ces déchets d’Ajaccio à Prunelli ou de Bastia jusqu’à Tallone alors qu’il faut les trier en amont ? Economiquement, c’est un non-sens ! Et, ça nous coûte très cher ! Nous avons toujours été défavorable au tri mécano-biologique. Ce n’est pas une nouveauté ! Nous l’avons toujours dit ! Nous l’avons réaffirmé à l’enquête publique.
- Christian Orsucci affirme que l’Assemblée de Corse a été consultée sur son projet de Tallone. Vous démentez ?
- Oui ! C’est faux ! L’Assemblée n’a jamais été consultée parce que ce projet ne lui a jamais été soumis ! Il faut être très clair : nous ne portons pas de responsabilité dans la crise actuelle qui n’est que l’aboutissement inévitable et prévisible d’un mauvais système et d’une absence de traitement des déchets.
- Vous avez voté contre la dérogation de la loi Littoral demandée par François Tatti pour implanter cette unité de tri mécano-biologique. Pourquoi êtes-vous contre ?
- Il ne s’agit pas d’une dérogation, mais d’une modification générale de la loi Littoral qui sera applicable à l’ensemble du territoire français. On ne peut pas, pour une installation, demander une modification de cette loi à laquelle nous sommes très attachés. Si le problème avait été posé, au début, quand il a fallu chercher des solutions, et s’il avait même été posé il y a trois ans quand le projet de tri mécano-biologique était envisagé, il aurait été possible de mener une réflexion. Mais, là, au coin d’une table, au coin d’un amendement dit cavalier à une loi, pour nous, ce n’est pas acceptable ! D’autant que nous pensons que son projet n’est, malheureusement, pas bon ! Il ne prend même pas en compte la pointe saisonnière !
- C’est-à-dire ?
- Sur 60 000 tonnes entrantes, 40 %, soit 24 000 tonnes, ne passeront pas par le tri mécano-biologique. Particulièrement, les tonnages entrant l’été ! Ils iront directement au casier d’enfouissement, sans être triés, ni inertés, parce que le projet n’est pas dimensionné pour recevoir la pointe saisonnière ! Cela veut dire que les nuisances, pour la population, resteront inchangées. Le pic d’odeur, pendant l’été, est absolument insupportable pour les riverains ! Nous comprenons très bien que les gens de la plaine refusent que leur plaine reste une poubelle. Ce n’est pas possible ! Ce n’est pas acceptable ! Nous jugeons que ce tri mécano-biologique, non seulement est mal placé, mais en plus n’est pas performant ! Il ne tient pas la route !
- Que pensez-vous de l’accord arraché à Prunelli pour un mois ? Est-ce reculer pour mieux sauter ?
- Il fallait cet accord ! Il fallait trouver une solution ! C’est une évidence ! C’est une question de responsabilité ! Nous pensons que, si nous mettons réellement en place un tri à la source, au porte-à-porte, notamment le tri des bio-déchets, surtout dans les grandes villes, nous pouvons, en 18 mois, écarter de l’enfouissement tous les bio-déchets, ceux qui posent le plus de problèmes. Nos propres élus s’y sont fermement engagés, notamment le maire de Bastia, Gilles Simeoni. 18 mois, c’est le délai nécessaire pour installer l’unité de tri mécano-biologique à Tallone ! Puisqu’il y a un choix possible, notre choix est très clair ! C’est celui du tri à la source, pas d’une installation industrielle qui, en plus, fera appel d’air pour éviter de poser le problème en amont.
- Qu’entendez-vous par « appel d’air » ?
- Plus on appellera les déchets à être transportés et traités à Tallone ou ailleurs dans les centres d’enfouissement, moins on traitera les déchets en amont. Il faut faire le contraire !
- Pourquoi, alors, ne l’a-t-on pas fait ? Le tri à la source a-t-il un coût plus élevé ?
- Non ! C’est le tri mécano-biologique qui a un coût élevé avec des usines qui valent entre 15 et 20 millions €. L’amortissement du coût d’une installation industrielle et du transport qui va avec, qui va le payer ? Nous, contribuables ! Nous allons payer beaucoup plus cher ! Alors qu’avec le tri au porte-à-porte des bio-déchets, la collecte se fera dans la semaine, à la porte des habitations où auront été déposés les sacs adéquats… Elle ne coûtera pas beaucoup plus cher. On ne va même pas augmenter le nombre de collectes, juste les différencier : par exemple, le lundi, on collectera les bio-déchets ; le mardi, les emballages ; le mercredi, le papier et le verre, puis les ordures ménagères résiduelles, le tout venant…
- Le Syvadec a tenté des expériences de tri sélectif qui n’ont pas été concluantes. Pourquoi, selon vous, la population corse semble-t-elle réfractaire ?
- Le Syvadec n’a jamais mis en place de collecte au porte-à-porte, sauf un embryon de collecte des emballages à Bastia qui fonctionne malgré les difficultés. Il faut, d’abord, expliquer aux gens, leur distribuer les sacs et non pas les obliger à aller les chercher à la mairie. Comment font les gens qui travaillent pour aller chercher, à la mairie entre 8 heures et midi et entre 14 et 17 heures, le sac d’emballage jaune ? Qui peut se permettre d’y aller ? Quasiment personne ! Ça ne peut pas marcher dans ces conditions-là ! Dans toutes les régions d’Italie qui sont passées à 80% de tri, on distribue aux gens des sacs spéciaux pour mettre les bio-déchets, les emballages… Les distribuer à la maison ne coûte pas plus cher ! Ça coûte beaucoup moins cher que de transporter et d’enfouir !
- Faut-il changer les mentalités ?
- Oui ! C’est une révolution ! Il faut oublier le tri tel qu’on nous l’a vendu jusqu’à maintenant ! Le tri avec des points d’apports volontaires, c’est bien ! Mais, quand ce point se situe à 200 mètres ou à 1 kilomètre de chez vous, comment faites-vous ? Vous êtes obligés de prendre une voiture. Comment font les personnes âgées alors que 25% de la population a plus de 60 ans ? Elles vont à pied ? C’est absurde ! Changer complètement de système de tri n’est pas compliqué ! Il faut mettre en place les collectes et faire un travail pédagogique. Voilà ce qu’aurait du faire le Syvadec et voilà où est son erreur fondamentale ! Il a posé des bornes en bord de route et dit aux gens : « débrouillez-vous ! ». Au final, les sacs s’entassent sur le bord des routes ! Ce n’est pas un système de tri performant !
- Que pensez-vous du plan des déchets, qui sera présenté en juillet à la CTC, et qui n’intègre pas vraiment le tri à la source ?
- Nous avons beaucoup participé à l’élaboration de ce plan et nous avons réussi à y intégrer nombre d’éléments qui pourraient permettre de faire du tri au porte-à-porte. Il faut changer les objectifs inscrits, à savoir 40 % de tri, et aller beaucoup plus loin. Femu a Corsica proposera des amendements en ce sens. Si le président de l’Office de l’Environnement et le président du Syvadec, qui ont annoncé, à l’occasion de la crise, qu’ils se ralliaient à nos propositions, sont cohérents avec eux-mêmes, ils accepteront d’augmenter le pourcentage prévu pour le tri.
- Et, en ce qui concerne le tri mécano-biologique ?
- Le plan prévoit l’installation de trois unités mécano-biologique. Il faut inverser les priorités, renverser notre manière de voir et dire que la priorité est le tri au porte-à-porte. On peut, pourquoi pas, le compléter avec du tri mécanique.
- Ce tri nécessite-t-il la mise en place d’une infrastructure spécifique ?
- Non ! Justement ! Le tri au porte-à-porte, c’est la suppression des containers ! Il y aura, bien sûr, en période transitoire, un double système, mais progressivement, n’existera plus que le ramassage au porte-à-porte : des petits containers pour chaque maison ou même pas de container du tout dans les villes. C’est une question de méthode. En Corse, les habitats sont très différents. Nous ne pouvons pas appliquer la même méthode partout. Il faut faire du sur-mesure. Le travail de la CTC est de s’attacher à proposer des méthodes. Nous l’avons fait intégrer dans le plan.
- Que proposez-vous ?
- On ne peut pas, d’un coup, dire aux maires et aux présidents des communautés de commune : « Demain, vous ferez du tri au porte-à-porte ! », comme le fait maintenant, à grands renforts de publicité et de mouvements, le président du Syvadec ! Il faut leur fournir la clé, la méthodologie de A jusqu’à Z et des outils pour le faire. Ces outils techniques, c’est à l’Office de l’environnement et au Syvadec de les mettre en place. A Femu a corsica, nous avons, par exemple, travaillé sur le principe de la redevance incitative.
- De quoi s’agit-il ?
- C’est très simple : plus on trie, moins on paye ! C’est une des clés de la réussite. Ceux, qui trient et trient bien, doivent en récolter un avantage financier. Par exemple, moins de redevance à payer ! Ce qui va, en toute logique, inciter à trier.
- La Corse ne dispose pas d’usine de recyclage des déchets. Seriez-vous favorable à la création de ce type d’usine ?
- La Corse n’a pas forcément besoin d’usine. Nous devons traiter sur place les bio-déchets qui représentent des tonnages impressionnants, entre 30 000 et 40 000 tonnes par an. Par exemple, le marc de café est un engrais extraordinaire. Son compostage s’effectue aussi bien dans un jardin que de façon industrielle. C’est tout à fait possible sur les quais de transfert qui sont, actuellement, utilisés pour stocker les déchets avant leur enfouissement. Pour les autres déchets, il faut réfléchir. La Corse n’a pas la masse critique en matière d’emballage ou de verre pour monter des installations. Elle n’a pas besoin de tout envoyer sur le continent, mais peut travailler avec la Sardaigne ou l’Italie. Elle doit réfléchir à une mutualisation des moyens. Les déchets, c’est 80% de recyclable ! Il faut passer de cette potentialité de recyclage à un vrai recyclage ! Il faut passer du recyclable au recyclé. C’est tout l’enjeu d’un plan de gestion des déchets.
Propos recueillis par Nicole MARI