Le 23 mars 2012 l'Assemblée de Corse a adopté à l’unanimité, un rapport d’étape. Ce rapport retraçait notamment le bilan des travaux et auditions réalisés, identifiait et hiérarchisait les phénomènes de violence et préconisait les mesures initiales à mettre en œuvre dans le cadre d’une stratégie globale visant à prévenir ou juguler ces violences.
Le rapport d’étape relatif à la politique régionale de prévention et de lutte contre les violences, élaboré par la Commission « violences », au terme d’une première année d’exercice, et adopté à l’unanimité par l’Assemblée de Corse lors de sa session du 23 mars 2012, énonçait la nécessité pour la Collectivité Territoriale de Corse, de se doter de moyens d’observation et d’étude des phénomènes de violence.
Les résultats de cette étude a été présentée mardi à Corte
Que contient -elle ?
On sait qu'elle été menée avec l’accord et en concertation avec le procureur général près la cour d’appel de Bastia, et porte sur un échantillon d’affaires enregistrées par les parquets d’Ajaccio et Bastia en janvier, mars, mai, juillet et septembre 2011. Au total, 725 dossiers ont été étudiés (382 pour la Haute-Corse et 343 pour la Corse-du-Sud). Ils concernent pour 85% des atteintes aux personnes, pour 12% des atteintes à l’autorité de l’État et pour 3% des vols avec violence.
Elle permet donc de porter un regard plus approfondi sur les violences en Corse, sans toutefois épuiser la question.
Elle confirme que les homicides, les infractions routières provoquant des morts ou des blessés et celles liées aux armes sont "surreprésentées" dans les enregistrements policiers et judiciaires en Corse. En sens inverse, elle confirme que les faits dits de « délinquance de voie publique », tels que les vols avec ou sans violence sur les particuliers, sont "sous-représentés". Mais au-delà de ces constats déjà connus, les données recueilles dans ce travail sur les comportements violents "judiciarisés" livrent deux enseignements généraux.
Premièrement, la population pénale corse présente des spécificités relatives par rapport aux résultats des recherches comparables menées sur le continent ces vingt dernières années :
• La première est la très forte interconnaissance qui marque les violences judiciarisées. C’est dans les relations conjugales, familiales, de voisinage ou de travail que surviennent l’essentiel des faits étudiés.
• Deuxième spécificité : les mineurs sont plus rares en Corse parmi les auteurs poursuivis pour des faits de violence ; la population pénale est donc plus âgée.
• Troisième spécificité, moins marquée toutefois : les femmes sont davantage représentées qu’en moyenne nationale dans cette population d’auteurs d’infractions à caractère violent, même si - comme chez les mineurs - c’est pour les faits généralement les moins graves.
• Quatrième spécificité relative : si la population pénale concernée est tout aussi peu instruite en Corse comparativement au continent, elle est en revanche nettement mieux insérée socio-économiquement. En d’autres termes, l’exclusion du jeu économique et social légal n’est pas ici le facteur important qu’il constitue sur le continent.
• En revanche, et c’est la cinquième spécificité relative, la conflictualité conjugale et familiale semble jouer un rôle plus grand, non pas tant sur le plan des violences conjugales (pour autant qu’elles soient dénoncées) qu’en ce qui concerne les problèmes posés par les enfants et les adolescents exposés à cette conflictualité.
Le deuxième enseignement général concerne la réponse policière et judiciaire à ces sortes de micro-violences de la vie quotidienne.
Cette réponse apparaît en effet à la fois longue s’agissant d’affaires pourtant le plus souvent simples, et finalement très faible ou très distante si l’on en juge par le taux de classements sans suite « secs » (par opposition aux classements effectués après mise en œuvre d’alternatives aux poursuites).
Au fond, la justice semble se désintéresser ou se méfier de ces petits conflits de la vie privée, sauf dans les cas de violences conjugales avérées, problématique qui constitue une priorité nationale de la politique pénale ces dernières années.
Et ceci ne peut pas être mis sur le compte d’une société qui serait rétive à l’intervention judiciaire. En effet, les faits amenés en justice le sont très majoritairement par le biais des plaintes directes des victimes ou de leurs entourages, les témoins sont fréquents dans les enquêtes et les auteurs reconnaissent partiellement ou totalement les faits dans une large
majorité de cas.
Ainsi, le discours ordinaire de l’Etat se plaignant d’une société peu coopérative (voire de « l’omerta »), largement fondé en matière de violences politiques ou de crime organisé, se trouve en revanche contredit lorsque l’on étudie le quotidien de la société civile.
Ce qu'il faut retenir
L'étude détaillée embrasse tous les aspects de la violence en Corse. En voici brièvement résumé l'essentiel
Statistiques
Il existe des infractions pour lesquelles le taux est supérieur en Corse par rapport à la France métropolitaine
- Escroqueries : 6/1000 en Corse contre 5 en moyenne.
- Délinquance économique : taux en Corse 4 fois plus élevé que la moyenne (voire 5 fois plus élevé en Corse-du-Sud).
- Infractions routières : 6/1000 contre 4,8 au niveau national (7,6 en Corse-du-Sud)
- Règlements de compte entre malfaiteurs
- Taux de menaces
Il existe également des infractions pour lesquelles le taux est inférieur en Corse par rapport à la France métropolitaine :
- Vols sans armes : taux 3,5 fois inférieur (les vols avec armes étant, eux, plus nombreux)
- Violences physiques et sexuelles
Zone de police
Il est constaté plus d’atteintes aux personnes en Haute-Corse (68/10.000 hab. contre 57,9 en Corse-du-Sud) et plus de cambriolages (36,96/10.000 hab. contre 23,65 en Corse-du-Sud).
Les destructions et dégradations de biens sont plus présentes en Corse-du-Sud (90,56/10.000 hab. contre 45,4 en Haute-Corse).
Zone de gendarmerie
Justice
Les affaires d’acquisition, détention et/ou port d’armes sont plus importantes, surtout en Corse-du-Sud.
Les faits ont été signalés par la victime dans 67% des cas, par une institution dans 13,8% des cas, et dans 8% des cas par un témoin. Les dénonciations anonymes sont rarissimes.
57% des faits sont signalés en zone de gendarmerie et 41% en zone de police.
Dans 2 dossiers / 5, il y a eu un témoignage