- Que représente pour vous cette élection de Grand Maître de la GLMF ?
- Cela fait naître chez moi un double sentiment. Tout d’abord, je ressens beaucoup de joie de sentir la confiance des gens qui me confient cette responsabilité-là. Mais ce n’est pas le plus important. Ce qui compte c’est de pouvoir partager ces responsabilités avec un collège avec qui je vais avoir la chance de travailler. Nous sommes 18 dans ce collège, à travailler ensemble. Nous devons faire en sorte que tous les membres des loges de la GLMF puissent travailler le plus sereinement possible. - Que représente aujourd’hui la GLMF dans la franc-maçonnerie française ?
- La GLMF est une obédience qui a été créée en décembre 1982, et dont nous venons de fêter récemment les 40 ans d’existence. Notre ADN c’est la mixité. Aujourd’hui, nous sommes 49,9% de Frères et 50,1% de Sœurs avec une mixité de genre quasi parfaite. C’est une obédience qui défend la laïcité et des valeurs d’humanisme et de solidarité, qui sont très poussées pour nous. Nous comptons aujourd’hui 266 loges réparties sur la quasi-totalité du territoire. Nous sommes très présents en métropole, mais aussi dans les DOM-TOM. Nous avons une dizaine de loges en Corse et nous sommes à peu près 5 000 membres au total en France.
- Quelles sont les caractéristiques de la GLMF ? Qu'est-ce qui la distingue des autres loges ?
- Ce qui nous distingue, c’est avant tout notre mixité, mais aussi les multiples façons de travailler, offertes aux différentes loges. Les francs-maçons travaillent avec des rites et des rituels. Si vous voulez travailler avec un rituel très encadré ou un autre plus souple, avec quelque chose d’ésotérique, très symbolique ou même sociétal, vous pouvez le faire. Il y a également des loges qui travaillent de toutes les manières que je vous ai évoquées. La seule exigence que nous avons, c’est que nos loges soient mixtes. Depuis quelques années, nous avons fait voter en assemblée générale, l’impossibilité d’être soit exclusivement masculin, soit féminin.
- La Franc-maçonnerie en général a souffert de la crise du Covid avec une perte du nombre de membres, comment se porte la GLMF en 2024 ?
- Il y a des obédiences qui ont souffert plus que d’autres. De notre côté, nous avons subi également une baisse de nos effectifs, mais nous avons été plutôt préservés. La Franc-maçonnerie n’a pas peut-être pas encore retrouvé la totalité de ses membres, mais nous nous y sommes parvenus. Nous étions à 5 030 membres avant la crise Covid pour arriver à 4 991 aujourd’hui. Nous avons donc réussi à reconstituer nos effectifs grâce au travail effectué par nos vénérables maîtres, notamment au niveau de l’animation des loges, de faire en sorte qu’elles puissent être encore attractives. Ce qui a permis de passer ce cap difficile, c’est la proximité entre toutes les loges de notre obédience. Le Grand Maître doit rester proche de ses membres, c’est en tout cas ma vision de la franc-maçonnerie. Je ne veux pas un Grand Maître seul, isolé et qui fait tout tout seul. Cela ne m’intéresse pas, et c’est une autre caractéristique de la GLMF. Les échanges humains sont indispensables pour progresser. L’objectif de la franc-maçonnerie c’est d’améliorer l’humanité.
- Comment jugez-vous l’évolution de la franc-maçonnerie depuis que vous y êtes entrés en 2008 ?
- Il faut savoir que nous avons été percutés par beaucoup de choses depuis toutes ces années. Les francs-maçons sont des personnes qui vivent au cœur de la société. Tout comme quelqu’un qui est président d’un club de volley, de ping-pong ou d’un club de lecture et qui fait partie de la société. Nous avons donc connu les crises économiques ou financières ainsi que les difficultés sociales. Ce qui m’a le plus marqué durant ces 15 dernières années, c’est l’apparition des fake news et donc la mauvaise qualité de l’information qui circule. Jean Grenier, le professeur de philosophie d’Albert Camus a écrit dans les années 60, un traité sur l’esprit d’orthodoxie où il dit notamment qu’on ne peut pas apporter une réponse simple à une problématique compliquée et qu’il y a aujourd’hui de plus en plus de lumières, mais qui éclairent de plus en plus en mal. C’est quelque chose qui a été écrit il y a longtemps, mais que je trouve très contemporain. On peut s’informer de millions de manières, mais la qualité n’est plus au rendez-vous.
- La Corse a toujours été une terre maçonnique, comment l’expliquez-vous ?
- C’est le cas c’est vrai, comme beaucoup d’îles d’ailleurs. Les Antilles et la Réunion sont également des fiefs de la franc-maçonnerie. L’insularité, la solidarité et le fait que dans ces petites sociétés, tout le monde se connaît, font que l’on a envie de faire partager au plus grand nombre, quelque chose qui porte des valeurs saines. En Corse, il y aurait à peu près 1 200 francs-maçons sur 170 000 au total en France. La proportion est deux fois plus importante dans la société corse que dans le reste du pays. Je suis d’ailleurs le troisième Grand Maîître de la GLMF après Jean-Pierre Orsoni et François Padovani, qui était d’ailleurs Président d’une instance internationale de la Franc-maçonnerie.
- Quels vont être les axes de travail que vous allez développer durant votre mandature ?
- Je suis élu pour un mandat au conseil d’administration d’une durée de trois ans. J’ai envie de porter un message qui est double. Je vais organiser des rencontres avec toutes les loges pour approfondir ces deux axes de travail qui me sont chers. Premièrement, il faut continuer à porter nos valeurs à l’intérieur de l’obédience, que sont l’humanité, la solidarité et le principe de laïcité. Il faut continuer à creuser ce sillon pour que nos membres continuent d’aller véhiculer à l’extérieur, ce qu’ils ont appris à l’intérieur de nos loges. Deuxièmement, il va falloir que la franc-maçonnerie sorte de son temple pour aller collaborer avec l'ensemble de la société, pour faire reculer les idées néfastes.