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+4°C d’ici 2100 : quelles conséquences en Corse ?


Léana Serve le Mardi 11 Mars 2025 à 11:16

La Corse fait face à un réchauffement climatique accéléré. D’ici 2050, les températures moyennes pourraient augmenter de +2,7°C, et atteindre +4°C en 2100, selon Météo-France. Une évolution qui entraînerait des bouleversements majeurs : sécheresses prolongées, feux de forêt plus fréquents, canicules marines, montée des eaux et apparition de nouvelles espèces invasives. Les scientifiques alertent sur l’urgence d’anticiper ces changements, qui affecteront aussi bien les écosystèmes que les activités humaines sur l’île.



+2,7°C en 2050 et jusqu’à +4°C en 2100. Selon des prévisions de Météo-France, la France devrait connaître une importante hausse des températures d’ici la fin du siècle, entraînant de nombreuses modifications environnementales. Parmi les régions impactées, la Corse, déjà concernée par le réchauffement climatique, serait touchée de plein fouet par ce phénomène, avec de lourdes conséquences pour la faune et la flore locales. “La Corse pourrait connaître des changements de végétations, et notamment des assèchements, si les façades, comme la façade est, se retrouvent sans eau”, explique Laetitia Hugot, directrice du Conservatoire botanique national de Corse. “Les plantes méditerranéennes se sont adaptées aux sécheresses estivales, mais pas à celles en automne ou en hiver.”

Le changement climatique impacterait également les espèces marines, et modifierait leurs comportements. “Il est déjà possible de constater les effets du réchauffement climatique sur l’île”, indique Michel Marengo, directeur scientifique de la station de recherches sous-marines et océanographiques Stareso. “Certains poissons, qui vivent d’ordinaire dans les eaux chaudes du bassin oriental de la Méditerranée, migrent vers le nord et l’ouest, et se retrouvent dans nos eaux. C’est le cas du poisson-perroquet, qui a été signalé en Corse il y a quelques années, mais aussi du barracuda ou de la dorade coryphène, qui sont de plus en plus présents près de l’île. On le voit aussi au niveau de la flore, avec l’algue Halophila stipulacea, originaire de l’océan Indien et qui se propage en Méditerranée, et notamment en Corse, qui a été observée pour la première fois dans la baie de Calvi il y a deux ans.” Pour Michel Marengo, le changement climatique entraînerait aussi une prolifération des espèces invasives, qui “entreraient en compétition avec les espèces endémiques à la Corse”. C’est notamment le cas du crabe bleu, qui a déjà été repéré à plusieurs reprises le long de la côte orientale, et qui se reproduit en dépit d’autres espèces, comme le crabe vert de Biguglia.


Une multiplication des phénomènes météorologiques

La hausse des températures en Corse entraînerait également une multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes, et notamment sous l’eau avec des incendies sous-marins. “La température de l’eau augmente de plus en plus”, indique Michel Marengo. “En Corse, la surface de l’eau a pris un degré en 10 ans, ce qui entraîne des canicules marines, et donc des incendies sous-marins. Concrètement, il fait très chaud en surface, mais aussi en profondeur, parfois jusqu’à 40 mètres, ce qui crée un bouchon d’eau chaude, et donc des mortalités massives, comme chez les coraux ou les gorgones. Les poissons sont aussi impactés, comme les mérous, qui ont été récemment touchés par le nodavirus, qui provoque des troubles neurologiques, des gonflements de la vessie natatoire, et donc la mort.” Selon lui, l’augmentation de ces canicules marines provoquerait le développement de maladies chez les espèces sous-marines. “À chaque fois qu’il y a eu un épisode avec une eau très chaude, des virus se sont développés.”

Dans les terres, les conséquences du changement climatique seraient nombreuses, avec d’abord une grande sécheresse. “Avant, la neige qui était tombée en hiver fondait au printemps ou en été, et elle maintenait le débit des rivières”, explique Antoine Orsini, hydrobiologiste. “Aujourd’hui, il y a toujours autant de pluie qui tombe, environ huit milliards de mètres cubes par an, mais la neige ne tient pas, donc les rivières s’assèchent, même en hiver. On a déjà perdu 30 % du débit des cours d’eau.” Selon l’hydrobiologiste, les incendies seraient également plus fréquents. “Avec des températures élevées, peu de précipitations pendant quelques mois, et une évapotranspiration des végétaux, c’est-à-dire qu’ils rendent l’eau et qu’ils sont donc très secs, il suffit d’une allumette pour faire partir un incendie.” Du côté de la mer, le réchauffement climatique créerait des “médicanes”, des petits ouragans en Méditerranée. “Avant, ils se formaient une fois tous les 10 ans, mais aujourd’hui c’est une fois par an”, déplore Michel Marengo.


Un enjeu pour les populations

Avec le réchauffement climatique, des conséquences sur les populations seraient aussi à prévoir. “D’ici 2100, les eaux devraient monter d’un mètre en Corse”, précise Michel Marengo. “Les aménagements côtiers seront impactés, surtout au niveau de la Plaine orientale, où la pente est plus faible, ce qui entraînera une montée des eaux plus rapide dans les terres. Une partie de la Corse sera, en lien direct avec l’érosion des côtes, inhabitable. Il faudra alors déplacer des populations, les replacer dans les terres, et exproprier certains terrains qui seront érodés.” Pour Antoine Orsini, il s’agit aussi de santé publique. “Plus il fera chaud, plus on va pouvoir retrouver des maladies tropicales, comme le paludisme, la dengue, ou le chikungunya.” En effet, les larves de moustiques prolifèrent mieux dans des eaux chaudes.
 

Malgré ces prévisions, tous estiment qu’il est encore possible de lutter contre le réchauffement climatique. Le gouvernement a d’ailleurs présenté son troisième plan national d'adaptation au changement climatique pour lutter contre ce phénomène. Selon Antoine Orsini, l’important reste surtout “d’économiser l’eau”. Pour Michel Marengo, “il y a beaucoup d’éco anxiété, mais le réchauffement climatique a eu aussi des effets positifs, comme sur les tortues, qui pondent plus”. Il estime néanmoins que pour lutter contre les aspects néfastes du changement climatique, “il est nécessaire de protéger notre océan, nos forêts et notre biodiversité”. “Le réchauffement climatique est déjà en marche. Il va donc falloir s’adapter lors des 50 prochaines années pour se préparer à ce changement. L’important, c’est de bien connaître le passé, d’évaluer le présent pour mieux prédire l’avenir.”