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À Ajaccio, le tribunal de police ouvre la chasse aux dépôts sauvages de déchets


le Jeudi 11 Mai 2023 à 20:36

Ce jeudi, pour la première fois en Corse-du-Sud, un homme a été condamné à une amende par le Tribunal de Police suite à un abandon de déchets de grand volume sur la commune de Villanova, en mai 2022. Ce dernier a pourtant insisté sur le fait que ses objets avaient été déposés dans un point d’apport volontaire et non pas jetés dans la nature.



(Photo : Archives Michel Luccioni)
(Photo : Archives Michel Luccioni)
« La situation des dépôts sauvages des déchets n’est pas récente en Corse. Face à une problématique grandissante, depuis de nombreuses années, associations, élus, citoyens engagés, luttent chacun dans leur sphère de compétence pour endiguer un phénomène bien plus important sur l’île qu’ailleurs ». Ce jeudi, à Ajaccio, le commissaire Julien Colus, représentant du Ministère Public, a entendu insister sur l’importance de la problématique des dépôts sauvages sur l’île, alors que de tels faits faisaient pour la première fois l’objet d’un passage en audience du Tribunal de Police en Corse-du-Sud. Un homme d’une quarantaine d’années comparaissait en effet après qu’un dépôt de déchets de grand volume ait été constaté sur la commune de Villanova le 24 mai 2022 par une patrouille de surveillance de la Police Municipale Intercommunale (PMI). Sur place, c’est entre 500 et 1000kg d’objets divers qui avaient été retrouvés, à l’instar de plusieurs meubles d’enfants, des sacs de jouets, une machine à laver et un piano. Sur certains de ces déchets, le nom de la fille de Serge D. avait permis aux agents de remonter rapidement jusqu’à lui et à l’informer qu’en vertu de l’application de la réglementation en vigueur il allait faire l’objet d’une verbalisation. 
 
Après près d’un an de procédure, l’audience du Tribunal de Police s’est notamment portée sur le fait de savoir si ces faits étaient bien imputables au contrevenant. Si les procès-verbaux établis par les agents de la PMI, puis par les gendarmes de Peri, en charge de l’enquête, attestent que le prévenu a reconnu avoir effectué ce dépôt, l’homme a pour sa part tenu à affirmer devant la présidente du Tribunal de Police qu’il s’est seulement borné à confirmer qu’une partie des objets appartenaient sa fille. Il a ainsi soutenu que ces déchets ont été déposés par un proche, dont il n’a pas voulu donner le nom aux agents sans son accord, qui emménageant dans son ancien logement situé dans l’enceinte de sa maison familiale, en aurait profité pour se débarrasser des affaires laissées sur place. Une version corroborée par ce tiers, qui a reconnu être le seul auteur des faits dans un courrier du 30 mars 2023 versé au dossier, mais qui « ne tient pas l’épreuve des faits » pour le représentant du Ministère Public qui a taclé  une « opportune attestation d’un tiers, totalement inconnu jusqu’à lors, versée au dossier » à quelques jours de l’audience, alors que lle mis en cause avait « reconnu à deux mois et demi d’intervalle et auprès de deux agents assermentés différents qu’il avait bien lui-même procédé au dépôt de ces déchets ».

« La seule chose que l’on peut reprocher c’est de ne pas avoir appelé la CAPA » 
Par ailleurs, le prévenu a également souhaité contester la notion de dépôt sauvage, indiquant que ces objets avaient été déposés dans un point d’apport volontaire du village. « C’est un endroit prévu pour le dépôt des encombrants. L’ami qui a déposé mes objets a vu qu’il y en avait déjà et les a mis à côté. Derrière, d’autres ont également amené de nouveaux déchets », a-t-il expliqué. Pas de quoi convaincre la présidente qui a commenté que même dans ce cas, « tout le monde sait que pour déposer des encombrants il est besoin d’effectuer une procédure préalable » en appelant les services dédiés de la Communauté d’Agglomération du Pays Ajaccien. En retour, l’avocate de la défense, Me Carole Lucchini, insistera sur le fait que son client et son ami « pensaient légitimement que des objets pouvaient être déposés à cet endroit ». « Il n’y a d’ailleurs toujours pas d’affiche pour dire que c’est interdit », a-t-elle soufflé en martelant qu’on est ici loin de la définition d’un dépôt sauvage avec des ordures abandonnées dans la nature, sous un pont ou au bord d’une route, puisque les objets ont été laissés « dans un emplacement prévu à cet effet ». « La seule chose que l’on peut reprocher c’est de ne pas avoir appelé la CAPA », a-t-elle insisté. En outre, elle a souligné que, preuve de leur bonne foi, Serge D. et son ami se sont astreints à enlever les objets déposés dès le lendemain de la venue des agents de la PMI et à les amener à la déchetterie. « On essaye de faire un exemple de Serge D., mais s’il avait voulu commettre une infraction, vous pensez qu’il aurait laissé le nom de sa fille sur les objets ? », instillera-t-elle en demandant la relaxe de son client. 
 
« Nous ne pouvons plus permettre de laisser penser qu’il ne s’agit que de quelques poubelles », tonnera toutefois le commissaire Julien Colus lors de ses réquisitions, « Peut-on véritablement laisser plus longtemps la Corse devenir une décharge à ciel ouvert ? Peut-on imaginer qu’une amende symbolique soit de nature à envoyer un message suffisamment audible à tous ceux qui n’ont pour l’environnement que mépris et cynisme ? Il n’est plus possible de laisser tout un chacun penser qu’en Corse cette pratique peut perdurer ». Voulant faire preuve « d’une grande sévérité en la matière » afin d’envoyer un message clair que « cela ne peut plus durer et que la justice passera partout où les faits seront établis et que les auteurs de dépôts sauvages seront sanctionnés comme il se doit, le représentant du Ministère Public demandera à l’encontre de Serge D. une « amende exemplaire mais pas excessive de 700 euros ». Malgré les arguments avancés pour sa défense, ce dernier sera finalement connu coupable et condamné à 500 euros d’amende.