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À Patrimonio, un millésime 2024 « riche et généreux » malgré un climat de plus en plus instable


Léana Serve le Samedi 5 Avril 2025 à 08:27

Les vignerons de l’AOC Patrimonio ont présenté ce lundi leurs nouveaux millésimes aux restaurateurs, hôteliers et cavistes de l’île, des vins biologiques depuis l’obtention d’un label en 2022. Les professionnels doivent maintenant s’adapter aux défis liés au changement climatique qui touche leurs vignobles, comme la hausse des températures, les intempéries ou la prolifération de la cicadelle, un insecte dévastateur.



Les vignerons de l'AOC Patrimonio ont présenté leurs nouveaux millésimes
Les vignerons de l'AOC Patrimonio ont présenté leurs nouveaux millésimes

À Patrimonio, les vignerons avaient rendez-vous avec leurs partenaires — restaurateurs, hôteliers et cavistes de l’île — pour dévoiler le nouveau visage de leur production. Sous les voûtes d’un domaine ou sur les tables alignées dans les caves, les verres ont tourné et les palais se sont exercés. Objectif : découvrir les premières notes du millésime 2024, présenté comme « opulent, riche et généreux » par Marie-Françoise Devichi, présidente de l’appellation.

Ce rendez-vous, désormais bien ancré dans le calendrier viticole de l’île, est aussi l’occasion de rappeler les engagements pris collectivement par l’AOC Patrimonio. Depuis 2022, l’ensemble de la production est passée en agriculture biologique. « La labellisation bio, ce n’est pas un simple argument marketing », souligne Marie-Françoise Devichi. « C’est l’interdiction du glyphosate, et le choix de préserver les sols pour l’avenir de notre métier. Nous avons été les premiers en Corse à faire ce choix collectif. » 
Mais les vignerons le savent : au-delà de l’étiquette, l’avenir de leurs exploitations dépend aussi de leur capacité à s’adapter aux bouleversements climatiques. « Le climat, aujourd’hui, ce n’est plus une variable, c’est une incertitude permanente », résume le vigneron Yves Leccia. Des périodes de sécheresse suivies de pluies brutales, des températures désordonnées, une végétation chamboulée. Et des vendanges de plus en plus précoces. « Quand j’étais enfant, les vendanges se faisaient en septembre. Aujourd’hui, c’est dès le mois d’août », note Marie-Françoise Devichi.

Dans ce contexte, l’ensemble des exploitants a dû revoir ses pratiques. Frédéric Mariani, second de cave du domaine Paradella, parle d’un « climat qui détraque tout ». « Il pleut fort, mais l’eau ruisselle au lieu de pénétrer. L’herbe pousse trop vite. L’enherbement qui protégeait les sols devient un concurrent pour l’eau. » Conséquence : les débroussaillages démarrent dès janvier, les feuillages sont palissés plus haut pour ombrer les grappes. Certains réfléchissent même à planter plus serré pour créer un effet de micro-climat.

Et comme si cela ne suffisait pas, les vignerons doivent faire face à un nouvel ennemi : la cicadelle. Ce petit insecte venu d’Afrique, repéré pour la première fois en Plaine orientale en 2020, se propage désormais sur tout le territoire. Il transmet un virus, la flavescence dorée, qui détruit les vignes de l’intérieur. Pour les exploitants labellisés bio, les solutions sont limitées. « On utilise des produits de contact qui ne pénètrent pas la plante. Et ils ne résistent pas à la pluie. Dès qu’il pleut, il faut recommencer. L’an dernier, on a parfois dû traiter chaque semaine », détaille la présidente de l’AOC.

Malgré ces contraintes, les vignerons de Patrimonio restent résolument engagés dans une viticulture biologique, engagée depuis 2022. Une première en Corse, assumée comme un choix de fond. « Ce n’est pas une garantie de qualité, c’est un choix de ne plus polluer nos sols, de ne plus travailler avec des produits comme le glyphosate. C’est un engagement pour l’avenir », explique Marie-Françoise Devichi.

Et la réussite du millésime 2024, apprécié pour sa complexité et son équilibre, vient saluer ces efforts constants. Il symbolise aussi la capacité de la filière à s’adapter, à inventer de nouvelles pratiques face à l’imprévisible. Yves Leccia en est convaincu : « Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est de l’attention permanente. Observer la vigne, la comprendre, et réagir. Il n’y a plus de règles figées. Le vin, c’est un dialogue avec la terre. Et la terre change. »