(Photo d'illustration)
« Ce type d’opération n’est pas conforme à notre vision stratégique de l’agriculture corse ». Dans deux communiqués datés du 4 février dernier et de ce lundi, le groupe Fà Populu Inseme à l’Assemblée de Corse et le parti Femu a Corsica s’alertent face à un projet de cession du domaine Château Pianiccia à Tallone. Face à cette perspective de vente de 99,96% des parts de ce domaine agricole de 320 hectares, « actuellement détenu par des personnes étrangères à la Corse », pour un prix estimé de 6 millions d’euros, la SAFER de Corse a été sollicitée conformément à la loi Sempastous, qui vise à assurer la régulation de l’accès au foncier agricole, en imposant un contrôle des mutations sociétaires par une demande d’autorisation déposée auprès des SAFER et des préfectures. La question qui a de facto été abordée lors du comité technique du 3 février dernier, à l’occasion duquel les élus du groupe Fà Populu Inseme siégeant à la SAFER dévoilent avoir « émis en l’état un avis défavorable » à ce projet d’acquisition.
Sur la forme, ils regrettent en effet tout d’abord que ce dossier ait été présenté « sans transmission préalable des éléments ». « Cette façon de procéder n’est pas normale ni satisfaisante eu égard à l’importance du dossier et de ses enjeux », soulignent-t-ils en dénonçant dans un second temps les contours de ce projet de rachat porté par « des Corses regroupés au sein d’une holding ». « La vente au profit d’une holding d’investisseurs hors du giron agricole, fussent-ils corses, ne peut pas devenir la règle : ce mécanisme constitue un risque de financiarisation de l’économie agricole et du marché foncier préjudiciable au modèle de petites exploitations familiales qui existe en Corse », notent-ils en appuyant sur le fait que « le foncier agricole doit bénéficier prioritairement aux jeunes agriculteurs qui peinent à trouver des terres afin de favoriser leur installation ».
De son côté, l’acheteur potentiel, le groupe Fanti, qui possède plusieurs enseignes de cuisine et de restauration rapide dans la région bastiaise et dans l’Extrême-Sud, dit ne pas comprendre ce début de polémique. « C’est tout simplement l’histoire d’une famille corse qui cherche depuis plusieurs années à s’investir dans le monde agricole », explique Marc-Antoine Fanti en insistant : « Quand on parle de holding, ce qu’il faut savoir c’est que c’est juste une forme juridique. Derrière, il s’agit seulement de notre famille, de mes parents, mon frère et moi, qui travaillons tous ensemble ». Dans ce droit fil, il précise que son père originaire de la Plaine Orientale, cherchait un terrain agricole depuis déjà plusieurs années avant de s’intéresser au rachat du domaine Château de Pianiccia. « Nous avons toujours été passionnés par l’univers viticole. Aujourd’hui nous voulons simplement saisir l’opportunité qui nous est donnée de procéder au rachat de ce domaine », pose Marc-Antoine Fanti en glissant de plus que, conformément à la législation, il a été prévu une« compensation de 15 hectares cultivés qui ont été remis à un jeune agriculteur ».
« La surface plantée du domaine comprend 117 hectares de vignes cultivées en agriculture conventionnelle. Le reste de la superficie, soit près de 70% des terres, est à ce jour inculte et 30% est inexploitable. En puis, l’exploitation viticole est assez dégradée, il n’y a plus d’investissement qui a été réalisé depuis 20 ans », détaille-t-il par ailleurs en pointant en outre que le « matériel végétal est caractérisé par de nombreux manquants et un encépagement peu adapté aux réalités du marché actuel ». « La situation du domaine est dégradé », résume-t-il, « Il y a un investissement important pour le rachat, mais il y aura aussi un investissement important pour tout remettre à niveau ». Dans cette optique, il détaille dans les grandes lignes un projet qui « permettra de répondre à plusieurs objectifs indispensables à la pérennisation à moyen terme du domaine » : « Nous voulons restructurer le vignoble en tenant compte de beaucoup de choses comme le réchauffement climatique, investir massivement dans l’outil de transformation pour pouvoir hausser le niveau qualitatif des vins, former et recruter du personnel de qualité notamment avec les deux lycées agricoles de Borgo et Sartène, changer de politique commerciale , ou encore constituer autour de l’exploitation agricole un véritable écosystème afin de dynamiser l’activité économique de la microrégion ».
Mais au-delà du projet, sur le fond, l’intégralité du domaine n’étant pas mis en vente, les élus autonomistes regrettent « que les dispositions existantes en matière de régulation foncière permettent à ce type de transaction d’échapper au droit de préemption ». « Cette opération ne vise aujourd’hui pas l’intégralité des parts de la société, parce qu’elles sont possédées à la fois par une propriétaire majoritaire qui souhaite vendre, et par l’actuel maitre de chai qui souhaite conserver ses parts. Il va rester un associé minoritaire de la société », coupe court Marc-Antoine Fanti.
Si la SAFER a donné un avis favorable à ce projet de cession, la préfecture doit pour sa part rendre sa décision d’ici deux mois.