« J’ai pris la décision, à ce stade de ma vie, de rendre mon mandat. » Quelques mots simples, sans solennité excessive. Et une séquence rare dans l’hémicycle de l’Assemblée de Corse. Ce jeudi 27 mars, Jean Biancucci, doyen de l’assemblée et figure de l’autonomisme, a choisi de quitter ses fonctions. Pas par lassitude, mais par conviction.
Il aurait pu l’annoncer dans un communiqué. Il a préféré le faire ici, “par respect” pour ses collègues. “Parce que, qu’on le veuille ou non, on est une sorte de famille.” La salle écoute, silencieuse. Pas d’effets de manche, pas de tribune dramatique. Mais une prise de parole maîtrisée, habitée par une voix qui a traversé plus de vingt-cinq ans de débats politiques.
“J’ai appris ici”
Élu depuis la fin des années 1990, Jean Biancucci prend le temps de dire ce que cette assemblée lui a apporté : “Le sens de l’analyse politique, la connaissance des dossiers. Mais aussi l’élément humain.” Il parle des liens tissés “au-delà des clivages”, évoque les discussions, les désaccords, les alliances parfois inattendues. “J’ai eu des amis parmi des gens qui n’avaient pas forcément les mêmes idées que moi. J’espère que ça va continuer.” Le ton est personnel, mais jamais égocentré. Il ne s’attarde pas sur son parcours. Il parle d’un cycle qui se termine, d’un engagement qui se transforme, et d’une responsabilité : transmettre.
“Il y a un vieux qui part, il y a une jeune qui arrive”
Cette décision, dit-il, a été mûrement réfléchie. Elle correspond à un moment de sa vie. Il l’assume pleinement. “Ça permettra à d’autres jeunes de vous rejoindre sur ces bancs. Je crois que sur notre liste, il y a une toute jeune, Elisa Tramoni, qui va vous rejoindre.” Il sourit : “On rajeunit. Il y a un vieux qui part, il y a une jeune qui arrive. La transmission s’est faite. On avait cette ambition.” L’élue prendra bientôt sa place dans l’hémicycle. Une manière, pour lui, de faire de la place sans céder à la nostalgie. Il n’y a pas de regret. Ni d’annonce de retrait. Juste une nouvelle façon d’être là. Car Jean Biancucci le répète avec calme : “Je suis un militant. Je demeure un militant. Et je suis libre.” Libre de poursuivre autrement. Libre de soutenir, encore, le président du Conseil exécutif. « Je continuerai à ma manière. Et je vous observerai. Pourquoi pas, je vous critiquerai. »
Il continuera aussi à être maire de Cuttoli-Corticchiato, et à rester présent dans la vie publique insulaire. “Vous continuerez d’avoir affaire à moi”, glisse-t-il dans un demi-sourire.
“J’espère qu’on parviendra à cette autonomie pour laquelle on a travaillé”
Il parle enfin des idées qui l’ont accompagné depuis ses débuts : “Les idées ébauchées dans les années soixante sont encore de belles idées. Des idées vivantes. Il faut peut-être essayer de mieux les partager.” Et surtout, il en revient à l’essentiel : “J’ai insisté auprès de mes amis du groupe sur la nécessité de continuer cette œuvre commencée dans les années soixante-dix, celle du riacquistu. Au-delà des différences politiques, c’est ce que nous sommes : notre langue, notre identité, notre terre, la manière dont nous pensons le développement.” Un socle commun, pour des chemins politiques parfois différents. Mais une ligne d’horizon qu’il espère partagée : “J’espère qu’on parviendra ensemble à cette autonomie pour laquelle on a tous travaillé, même si on a des appréciations différentes.”
Puis, une dernière phrase, prononcée comme on tend la main : « Je vous souhaite de continuer à bien travailler. »