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Autonomie : "Les conditions ne sont pas réunies pour que Corsica Libera participe au consensus"


le Mardi 4 Juillet 2023 à 10:08

Dans un communiqué publié ce mardi matin, à quelques heures de la session extraordinaire de l’Assemblée de Corse consacrée à l’avenir institutionnel de l’île, Corsica Libera rejette l’appel à l’union nationale, en pointant que les « conditions ne sont pas réunies à ce jour » pour que le parti participe à un éventuel consensus. Les explications de Petr’Antò Tomasi, porte-parole de l’exécutif du parti



(Photo : Archives Michel Luccioni)
(Photo : Archives Michel Luccioni)
- Dans un communiqué publié ce mardi matin, Corsica Libera rejette l’appel à l’union nationale en pointant que les conditions d’une convergence patriotique ne sont pas réunies. Pourquoi ?
- Nous avons toujours été favorables, tout au long de notre histoire, à l’unité nationale dès lors qu’elle s’organise autour de bases claires. Mais cette convergence patriotique ne se décrète pas, elle s’organise. Aujourd’hui, à la lecture du rapport Autonomia et en prenant en compte tout ce qui s’est passé depuis maintenant un an dans le cadre des discussions de Beauvau, il nous semble que les conditions ne sont pas réunies. D’abord, nous faisons tout de même remarquer que le rapport qui est aujourd’hui soumis au vote des conseillers de l’Assemblée de Corse a déjà été transmis à Paris, et ce depuis plusieurs jours, ce qui rend finalement caduc le débat qui a lieu ce jour. Et puis au niveau du fond, ce qui est certainement plus grave encore, le rapport du président du Conseil Exécutif non seulement ne conteste pas les fameuses lignes rouges qui avaient été imposées par Paris dès le début des discussions, mais en plus il demande à l’Assemblée de Corse de les avaliser par un vote solennel. Pour que les Corses comprennent bien, ce n’est pas simplement une question de principe, mais le fait d’accepter comme des lignes rouges infranchissables le refus de notions aussi importantes que la citoyenneté corse, le peuple corse, la coofficialité de la langue corse et des droits du peuple corse, y compris le droit à l’autodétermination, c’est ce qui est aujourd’hui finalement proposé par ce rapport. Donc toutes les revendications qui sont ensuite reprises, parfois de façon édulcorée, deviennent totalement illusoires. C’est la raison pour laquelle nous disons qu’il faut changer totalement de stratégie et que le prérequis pour que l’on puisse participer à un vrai processus c’est que ces lignes rouges soient déclarées comme nulles et non avenues.
 
- Josepha Giacometti-Piredda, la représentante de Corsica Libera à l’Assemblée de Corse, portera donc aujourd’hui les propositions du mouvement dans l’hémicycle. Quelles sont-elles ?
- Elle va apporter une contribution qui n’apparaît pas comme un amendement à un texte qui de notre point de vue est à ce stade inamendable si les lignes rouges perdurent. Cette contribution consiste à présenter aux Corses ce que serait pour nous un véritable processus de nature politique, qui prenne en compte toute la dimension de la lutte du peuple corse depuis maintenant plus de 50 ans. Or, ces dimensions sont aujourd’hui de fait, par l’existence de ces limites infranchissables d’un point de vue politique et juridique, exclues du processus. Donc il n’y a aujourd’hui aucune mesure qui pourra être prises de façon efficace pour lutter face à la spéculation immobilière, face à la colonisation de peuplement, face à la décorsisation systématique de l’emploi et de l’ensemble des pans de notre société, tant que l’on accepte ce cadre qui est aujourd’hui imposé par Paris. Donc la contribution de Josepha Giacometti-Piredda est claire et forte sur ce que nous considérons pour notre part comme une vraie sortie politique de ce conflit, et elle nécessite pour cela et de façon absolue que les termes du protocole qui a été signé en mars 2022 entre Gérald Darmanin et Gilles Simeoni soient expressément abrogés. Une fois que cela sera fait, nous pourrons participer à un débat sans tabou, sans lignes rouges, sans préalables, mais pour le moment ce n’est pas le cas.
 
- On sait que l’objet de la session de ce jour est d’arriver à une délibération commune. Est-ce pour vous faisable dans ce temps imparti ?
- Depuis un an, les conditions du débat, du travail commun, de la convergence patriotique ont été mises à mal par la majorité territoriale en place. Je crois que cette convergence ne peut pas se décréter en quelques heures, d’autant plus que depuis un an des positions très différentes se sont exprimées. Ce rapport vient valider un an de processus, et pour notre part nous n’avons cessé de dire que la façon dont les discussions étaient menées par Gilles Simeoni et Gérald Darmanin nous amenait vers un processus uniquement technique qui n’était pas à la hauteur des enjeux. Donc de ce point de vue, il nous semble que les conditions ne sont pas réunies pour que Corsica Libera participe aujourd’hui au consensus. Lorsque l’on lit, page 17 du rapport, la réitération par les élus corses des diktats imposés par Paris, il nous semble que c’est quelque chose d’infranchissable. Il faut tout de même faire remarquer que ce rapport présenté par une majorité autonomiste pose comme principe intangible la Corse dans la République, ce que même les élus des camps traditionnels n’avaient pas imposé dans leurs délibérations lorsqu’ils recherchaient l’adhésion des élus nationalistes à chaque fois qu’il y a eu une avancée institutionnelle. Donc nous sommes vraiment aujourd’hui dans un cadre qui n’est pas bon et qui est contraire aux intérêts de la Corse, donc c’est pour des considérations purement politiques que Corsica Libera fait état de ces divergences.
 
- À la veille de la session, sept militants nationalistes historiques ont lancé un appel à la responsabilité pour ne pas louper le train de l’histoire. Que leur répondez-vous ?

- La responsabilité est une notion qui parle. Nous concernant, nous avons toujours contribué aux convergences les plus larges sur des bases patriotiques. Mais encore une fois l’union patriotique ne se décrète pas de façon quelque peu opportuniste, en ce qui concerne la majorité territoriale, à la veille d’une session où l’on demande à toutes les forces nationalistes de voter aveuglément des mesures, de se mettre au garde-à-vous sans débat préalable, et en s’asseyant sur leurs convictions. Nous notre conviction c’est qu’aujourd’hui le texte qui nous est proposé n’est pas un texte qui soit positif ou conforme aux intérêts de la Corse, donc c’est pour ces raisons uniquement que nous exprimons aujourd’hui une divergence. On peut entendre l’argument selon lequel les organisations qui refuseraient de voter le feraient par ressentiment, mais c’est quelque chose qui nous est étranger. Notre position est uniquement justifiée par des raisons politiques. Mais je remarque que cet argument est avancé systématiquement dès lors que nous refusons de voter sans mot dire des délibérations qui ne nous conviennent pas. Nous pensons qu’aujourd’hui il y a des stratégies, des conceptions qui sont très différentes au niveau du mouvement national et il est normal qu’elles s’expriment. Maintenant si demain il y a la place pour une convergence sur des bases qui seront conformes aux intérêts de la Corse et de son peuple, nous serons évidemment les premiers à y participer.