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Bastia : Rencontre-débat avec Elisabeth Leclerc-Razavet


Odile AURACARIA le Lundi 29 Septembre 2014 à 23:51

Tout dernièrement l'Association de la Cause Freudienne Restonica, recevait au Centre Culturel Una Volta, Elisabeth Leclerc-Razavet venue débattre autour de son dernier livre "L'inconscient sort de la bouche des enfants", contenant une préface de Georges Haberberg et une postface de Dominique Wintrebert. Elisabeth Leclerc-Razavet est Psychanalyste à Paris, membre de l'ECF (Ecole de la Cause Freudienne) et de l'AMP (Association Mondiale de Psychanalyse).



Bastia : Rencontre-débat avec Elisabeth Leclerc-Razavet
"Ce livre : "L'inconscient sort de la bouche des enfants", Praxis lacanienne, témoigne dans le monde, c'est-à-dire au-delà des cercles professionnels, de ce que peut-être la psychanalyse avec les enfants. Au pas à pas d'une cure, des angoisses des parents, des attentes des enfants, des questionnements et inquiétudes du psychanalyste, il s'inscrit  - loin de toute polémique - dans le débat actuel autour de la psychanalyse. Rares sont les ouvrages de psychanalystes qui osent relever le défi de rendre compte d'aussi près de leur pratique. Chaque cas est une monographie qui peut aussi se lire comme scénario à rebondissements, avec ses coups de théâtre, ses relances du désir, ses coupures incisives. Bref, c'est comme une série TV qui, lorsque l'on "accroche", donne envie d'en connaître la suite et le dénouement. La psychanalyse ne se délivre pas sur ordonnance, elle implique une démarche et un choix décidé... ce qui donne parfois lieu à l'expression de désirs incroyablement forts d'enfants, sujets à part entière. Ce livre est l'occasion de rendre hommage au courage et à l'invention dont ils font preuve quand ils rencontrent l'analyste qui a su se faire partenaire de leur inconscient : pas de psychanalyse sans que vienne se nouer au désir le l'analyste, celui du sujet."

Elisabeth Leclerc-Razavet, qui était déjà venue à Corté (pour évoquer le cas "Renaud" lors de la sortie de son livre), était accueillie par Jean-Pierre Denis et Marie-Josée Raybaud qui se sont déclarés très sensibles à son style. Style qui a fait dire à Marie-Josée Raybaud, "qu'elle n'avait pas froid aux yeux!"

Ce livre évoque six cures psychanalytiques d'enfants et de celle d'un adolescent de 17 ans. Cependant, Elisabeth Leclerc-Razavet déclare qu'il n'y a pas de psychanalyse d'enfants : Il n'y a qu'une Psychanalyse! L'inconscient et l'enfant concernent tout un chacun, chacun à sa façon. Ceux qui viennent consulter les psychanalystes ne viennent pas à la légère, ils livrent ce qu'il y a de plus intime : leur inconscient. "L'inconscient dans nos vies est toujours ce qui est à la gomme pas aux petits oignons". Jacques Lacan
L'inconscient est articulé au langage. Sans discours pas d'inconscient! La parole est quelque chose venue dans le monde comme pour nous en arracher; l'inconscient existe mais il nous dérange, parfois même il nous entrave. "L'homme n'est pas maître en sa demeure."  Sigmund Freud
C'est Françoise Dolto qui a introduit cette révolution. Elle a guéri des touts petits en leur parlant! Les enfants sont proches de l'inconscient, ils savent des choses qui ne sont pas encore recouvertes par le refoulement. "L'inconscient est un lieu de savoir". Jacques Lacan
Pour entendre, il faut un psychanalyste.
Ce livre est le fruit de longues années de pratique et de séminaires. Il représente un enjeu de transmission à ceux qui sont curieux de la psychanalyse, professionnels ou pas. Cet ouvrage fait découvrir 7 cas, chacun précédé d'un prologue. Il pointe aussi la question de la temporalité. C'est le temps de la durée de la cure, celui qu'il faut pour que les choses émergent.

Le cas Tristan "Le Petit Criminel"
Tristan est un enfant qui vient voir la psychanalyste à l'âge de 5 ans. Son père vient de lui annoncer, quelques mois avant la cure, qu'il était atteint d'une maladie mortelle. La mère connaissant l'état de santé de son mari, a quitté le foyer abandonnant père et enfant.
Une cure psychanalytique avec un enfant c'est refaire le trajet de ce qui a été perdu. Or pour Tristan, la perte réelle de son père est annoncée.
A chaque séance Tristan apportait un animal, un fauve (lion, tigre), le roi des animaux... acheté par son père et de plus en plus gros, de plus en plus beau. "Ce roi des animaux" représentait le père invincible. Le petit garçon devait pouvoir se confronter à son père et devenir "Petit Criminel" en "tuant le père"... Le symptôme de Tristan se manifestait par des bagarres incessantes à l'école. Le père l'interprète très bien : "Les bagarres à l'école, ce sont les bagarres entre toi et moi!"
Tristan va un jour construire le roi des animaux en pâte à modeler, et il va détruire sa création devenant ainsi un petit cannibale. Il en ressentira une énorme culpabilité, aura peur de partir en prison... Il y a eu dans cet acte une confrontation oedipienne.
Un jour excédée de voir toujours ces animaux sauvages, la psychanalyste chasse d'un revers de bras la peluche en s'écriant "Ca suffit avec les animaux, ton animal sauvage! Parle-moi des humains!" Cela s'est fait pour la psychanalyste sans calcul, on peut dire dans l'après-coup que la psychanalyste a commis un acte. Tristan demande à ce que son père vienne, et celui-ci parle de la peur qu'il avait du noir, lorsqu'il était petit.
Lorsque la psychanalyste lui demandera "Et nous, on en est où?", Tristan voudra que ce soient les adultes qui parlent, mais chacun si refusera. Le père lui dira "C'est à toi de parler dans l'existence!"
La situation se débloquera.
Ce sera la fin de la cure psychanalytique de Tristan et il quittera sa psychanalyste, après un travail de longue haleine, sur ces mots : "Vous m'avez entendu, maintenant mes parents m'entendent. Bye Bye!"