Corse Net Infos - Pure player corse

Une découverte exceptionnelle dans les fonds marins corses


le Samedi 5 Octobre 2024 à 20:41

Les chercheurs d’Andromède Océanologie et de l’Université de Montpellier viennent de dévoiler avoir découvert de gigantesques colonies de reproduction de poissons le long de la côte orientale de l’île. Un phénomène unique encore jamais observé ailleurs.



(Photo : Stéphan Le Gallais)
(Photo : Stéphan Le Gallais)
C’est une découverte exceptionnelle qui a été faite le long de la côte orientale de la Corse par les chercheurs d’Andromède Océanologie et de l’Université de Montpellier, en partenariat avec l’Agence de l’Eau Rhône Méditerranée Corse, le Parc Naturel Marin du Cap Corse et de l’Agriate et Bastia Offshore Fishing. Dans la revue Current Biology, ils dévoilaient il y a quelques jours avoir identifié de gigantesques colonies de reproduction de picarels, un petit poisson commun de Méditerranée, entre 37 et 50m de profondeur. 
 
En tout, ce sont plus de 18 millions de nids, chacun gardé par un mâle, couvrant une surface de plus de 134,6 hectares qui ont été dénombrés. Or si ces colonies de reproduction sont bien connues chez les oiseaux de mer, le phénomène reste rare chez les poissons marins. Et la taille importante de ces colonies est pour sa part exceptionnelle. « Nous n’avons jamais rien vu de tel ailleurs. Depuis la parution de l’article des chercheurs du monde entier me disent que c’est incroyable et qu’ils n’ont jamais observé cela nulle part », s’enthousiasme le Dr Julie Deter, la responsable scientifique de la mission, en insistant : « On ne savait pas que les nids de cette espèce pouvaient occuper une surface aussi importante ».
 
Une stratégie de reproduction qui pourrait s’expliquer par plusieurs facteurs. « Cette espèce vit dans l’herbier de posidonie, plutôt en petits groupes le reste de l’année. Lors de la période de reproduction, les picarels se regroupent par milliers pour trouver des partenaires. Pour faire leur nid, ils ont ensuite besoin d’un fond meuble donc ils s’installent en limite inférieure d’herbier », explique le Dr Julie Deter en précisant : « Se réunir en colonies de reproduction est plus facile pour mixer des gènes et permet de mieux se défendre face aux menaces extérieures car les prédateurs sont noyés face au nombre de proies potentielles ». 
 
Pour autant, la présence de ces très nombreux nids attire autour d’elle une riche macrofaune – dont certaines espèces menacées - qui vient essayer d’y manger aussi bien les œufs que les spécimens adultes de picarels. « Nous avons pu observer le requin ange qui est en danger critique d’extinction, mais aussi différentes espèces de requins et de raies. On sait que la côte Est de la Corse est assez riche en raies et requins, et ces nids sont des éléments attracteurs », dévoile la responsable scientifique en insistant de facto sur le rôle écologique important de ce petit poisson de 20 cm « en tant qu’ingénieur de l’écosystème créant des oasis de vie marine ». « On n’imaginait pas un rôle aussi important pour cette espèce. On voit qu’elle fait vraiment le lien entre le large et la côte », souligne-t-elle en relevant que cette période de reproduction des picarels est sans doute un moment important pour les prédateurs. Au point que « ce phénomène pourrait être aussi important que le Sardin run, la remontée des sardines en Afrique du Sud ».
 
De facto, Andromède Océanologie appelle désormais à une meilleure protection de la zone, aussi bien vis-à-vis de la pêche que de l’ancrage, au moins pendant la saison de reproduction, qui ne dure que quelques semaines au printemps. « Beaucoup d’espèces vont se retrouver là, dont certaines en danger d’extinction, et le risque de pêche accessoire, d’espèces qui ne sont pas ciblées par les pêcheurs, est élevé », note encore le Dr Julie Deter.