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Bastia : Simon Giuseppi raconte l'internement de "civils austro-allemands à Corbara"


Odile AURACARIA le Samedi 7 Février 2015 à 23:44

Tout dernièrement Simon Giuseppi présentait son magnifique album "L'internement à Corbara en Corse de civils Austro-Allemands - 1914-1920" (éditions Alain Piazzola) en présence de Christian Peri (Conservateur des bibliothèques), Linda Piazza (Bibliothécaire) et Philippe Peretti (Adjoint au Patrimoine de la ville de Bastia).



Bastia : Simon Giuseppi raconte l'internement de "civils austro-allemands à Corbara"

L'auteur, comme son patronyme ne l'indique pas est anglais, mais sa famille est originaire de Méria. En 1791, un de ses ancêtres est parti s'installer à Trinidad et il y a fait souche pour quatre générations. En 1900, le grand-père de Simon Giuseppi part en Angleterre pour y faire ses études de médecine, et la famille s'y installe pour trois générations. Simon Giuseppi verra ainsi le jour au Royaume Uni , pendant la seconde guerre mondiale. Il fait ses études en Angleterre, notamment son Droit à l'université d'Oxford. Cependant il n'embrassera pas une carrière juridique, mais travaillera dans les sphères des multinationales dans l'industrie du papier. Son travail l'amènera à parcourir le monde et à rencontrer de grands managers.

C'est à la fin des années 1990 que Simon Giuseppi va s'installer à Ajaccio et qu'il va débuter des recherches dès cette époque.

Si "L'internement à Corbara en Corse de civils Autro-Allemands" est son premier livre, Simon Giuseppi est déjà l'auteur d'une monographie en trois volumes sur Pietralba et d'un important travail concernant le site archéologique de l'âge de fer de Cagnano, mais ces oeuvres restent confidentielles.

Simon Giuseppi  a mis plus de trois ans pour écrire et mettre au point ce superbe ouvrage qui trouve sa genèse dans des dessins de Julius Hammer découverts en Autriche.


- Comment les civils Austro-Allemands sont dirigés sur le couvent de Corbara ?
- En août 1914 le ministre de la guerre décide une mobilisation générale et le ministre de l'intérieur demande à ce que tous les étrangers présents sur le sol français se déclarent. Il va y avoir un tri. Les étrangers dont les pays ne sont pas impliqués dans le conflit regagnent leur patrie, alors que tous les ressortissants des pays ennemis sont détenus. Ce sont des internés civils masculins qui ont été arrêtés dans la région de Lyon et en France méridionale qui vont être dirigés vers la Corse. Ils sont acheminés par convois de 400, effectuent la traversée Marseille-Bastia, puis empruntent le chemin de fer jusqu'à Ile Rousse.
Le premier convoi d'Austro-Allemands arrive à la mi-novembre 1914. Le contingent d'internés est complet dès la fin du premier trimestre 1915.

- Qui étaient ces internés?
- Il y a eu beaucoup d'employés d'hôtels et de restaurants, mais aussi des étudiants, des professeurs, des artistes, des musiciens, des intellectuels, des agriculteurs, des mécaniciens, des cordonniers, des coiffeurs, des boulangers... Parmi ces hommes on peut trouver aussi quelques "VIP" : le pasteur Georg Kukenthal (botaniste), Paul Spatz (explorateur-ornithologue), Breckling-Bredow (régisseur de cinéma), Paul Deutsch, Alfred Bohner (musiciens), Max Schulze-Sölde, Rudolf Popper, Kaspar Essenwein, Richard Riedel (artistes), Victor Auburtin (journaliste), Siegfried Rudolf Graf Vitzhum Von Eckstädt (un aristocrate, comte sans profession).

- La vie des internés au couvent de Corbara
- Le couvent de Corbara était vide et abandonné depuis 1906. Lorsque les internés y arrivent il n'y a ni eau ni électricité. Ils reçoivent le strict minimum, soit une paillasse, une gamelle, un quart et des couverts. Ils vont alors devoir se débrouiller et tout fabriquer eux-mêmes. Par ailleurs, ils vont devoir aussi faire face à une grande promiscuité. En effet, le couvent était conçu pour recevoir 40 religieux et ne comprenait donc que 40 cellules. Or, ce sont presque 800 internés qui s'installent, plus 70 ou 80 militaires et gendarmes chargés de la garde. Environ 150 hommes vont loger et dormir dans l'église du couvent.

Cependant, le gouvernement français tenait à ce que ces civils soient bien traités et gardés en bonne santé. Un médecin est donc nommé immédiatement, tandis qu'une pharmacie et une infirmerie sont créées et tenues par les internés. En quatre ans, il n'y aura que quatre morts à Corbara. Les grands malades étant évacués et soignés dans les hôpitaux.

Les internés vont tout faire pour améliorer leur régime alimentaire et leur ordinaire. Ils vont créer un potager, élever des lapins et des cochons... et une cantine va être mise en place pour l'achat de vin et de charcuterie. Ils vont même cultiver du tabac. Un four à pain a aussi été construit.

Le courrier est le seul vrai lien avec l'extérieur, à raison d'une lettre et deux cartes postales par semaine. Les internés reçoivent aussi des colis et des mandats.

Les détenus organisaient des activités culturelles et sportives. Certains s'adonnaient aussi à des activités artistiques : Hammer, Beck (artistes amateurs), Carl Theodor Protzen, Gustave Lino (peintres).

Ils peuvent aussi travailler à l'extérieur du couvent, et ce à partir du printemps 1915. Ils ont des employeurs civils et sont actifs dans différents secteurs (agriculture, travaux forestiers, hôtellerie, artisanat, commerces, mines, usines, administrations...)

 

 

La fin de l'internement
Les accords de Berne signés fin 1917 prennent effet en 1918. Tous les internés sont libérés en juillet-août 1918, sauf ceux qui demandent leur maintien sur le sol français.
Ce passé du couvent de Corbara, comme centre d'internement de civils Austro-Allemands, pendant la Grande Guerre, était méconnu. Et c'est presque le hasard qui a mis Simon Giuseppi sur la piste de ces détenus hors du commun. En effet, il y a environ quatre ans, il a reçu un ancien collègue autrichien dont le grand oncle, Julius Hammer, avait été détenu dans le couvent de Corbara et avait décoré deux cellules. Simon Giuseppi connaissait ces fresques, mais c'est vraiment à ce moment là qu'il s'est intéressé au sujet et a effectué des recherches aux archives d'Ajaccio, de Vienne, de Berlin, de la Croix-Rouge Suisse. Il va alors entrer en possession de différents documents, dont de nombreux dessins réalisés à Corbara par Julius Hammer lors de sa détention et de photographies prises par Isidore Aubert, du service photographique des armées créé en 1915, qui a contourné le règlement en prenant des clichés de ces détenus civils de Corbara.

Le présent album est donc richement illustré de dessins et aquarelles de Julius Hammer et de photographies d'Isidore Aubert.


Quatrième de couverture

"La France, comme tous les pays belligérants, s'est trouvée confrontée, dès les premiers jours de la Grande Guerre, à la problématique des ressortissants civils de pays ennemis présents sur son sol national; la solution retenue par le Ministère de l'Intérieur a consisté à évacuer les quelques soixante quinze mille personnes concernées, hommes, femmes et enfants mais principalement des hommes seuls mobilisables, vers une soixantaine de camps aménagés pour les accueillir dans des endroits éloignés du front et faciles à surveiller.
En Corse, quatre anciens couvents ont servi de prison sans mur d'enceinte à plus de deux mille Austro-Allemands. Notre ouvrage décrit la mise en place de cette infrastructure, le fonctionnement et le contrôle des camps, les conditions d'existence et les activités des "internés" et l'assimilation d'un grand nombre d'entre-eux dans l'économie corse, vidée, par la guerre, de sa force vive autochtone.
Pour reconstituer cet épisode mal connu du public, Simon Giuseppi a puisé dans les archives de précieux renseignements sur cet internement.
L'auteur a exploité deux sources iconographiques exceptionnelles : il a retrouvé en Autriche un classeur de dessins du détenu Julius Hammer, qui, pendant sa détention, avait décoré deux cellules du couvent. Ces dessins nous renseignent sur tous les aspects de la vie du camp : hygiène, corvée d'eau, nourriture, potager, loisirs, musique et chants, soins dentaires, tout est passé en revue... avec humour, malgré une situation difficile! La vision de Jules Hammer est corroborée par de remarquables clichés inédits, réalisés par un "opérateur-photographe" de l'armée française en mission en Corse, Isidore Aubert."


Ouvrage publié avec le concours de la Collectivité Territoriale de Corse et de la municipalité de Corbara.
Dessins de Julius Hammer, photographies d'Isidore Aubert.
Editions Alain Piazzola