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"Cette association m'a sauvée": samedi à Porto-Vecchio, une marche solidaire contre les violences faites aux femmes


le Mercredi 20 Novembre 2024 à 09:54

Le 25 novembre, c’est la journée internationale de la lutte contre les violences faites aux femmes. L’occasion pour l’association Women Safe & Children, basée à Sainte-Lucie-de-Porto-Vecchio, d’organiser ce samedi 23 novembre à Porto-Vecchio, une marche solidaire qui mettra en lumière l’aide décisive que cette structure apporte, depuis sa création en février 2022, à une centaine de femmes et d’enfants victimes de violences dans l'Extrême-Sud.



Benoit Lemaire et Julie Adam, le directeur et la psychologue de l'association Women Safe and Children, posent au milieu des portraits de Rosa Parks, Simone De Beauvoir ou Maya Angelou, des femmes qui ont fait beaucoup pour améliorer la condition des femmes.
Benoit Lemaire et Julie Adam, le directeur et la psychologue de l'association Women Safe and Children, posent au milieu des portraits de Rosa Parks, Simone De Beauvoir ou Maya Angelou, des femmes qui ont fait beaucoup pour améliorer la condition des femmes.


C’est une petite maison mitoyenne au crépi ancien, située en bordure de la RT 10 à Sainte-Lucie-de-Porto-Vecchio. En façade, un escalier mène au local de l’association Women Safe & Children, au premier étage. Seule une étiquette sur la boîte aux lettres trahit l’existence de la structure qui, de l’extérieur, cultive la discrétion que sont venus chercher des femmes et enfants de la micro-région, lesquels partagent un douloureux point commun : être victime de violences dans leur cercle familial. 

Ils s’y rendent pour échapper à l’emprise d’un conjoint ou aux sévices d’un père, pour trouver le réconfort nécessaire auprès d’une équipe d’une dizaine de professionnelles : psychologues (pour adultes et enfants), infirmières, psychomotricienne, ostéopathe, mais aussi juristes ou intervenante en parentalité spécialisée dans la communication non-violente, se relaient à l’écoute des victimes, mettent des mots sur les maux, aident à construire un parcours juridique. Dans un objectif clairement identifié : l’apaisement de la victime : « Ces femmes ont une telle charge mentale... Elles ont besoin de sentir une structure autour d’elles pour ne pas s’effondrer en cours de route, constate Julie Adam, la psychologue clinicienne pour adultes. On est là comme un filet de sécurité ». « On se met à leur rythme, sans injonctions, complète le directeur Benoît Lemaire. Ces femmes que nous recevons, on leur fait prendre conscience qu’elles ont aussi le droit de lâcher prise. » 

Franchir le pas, c’est souvent le plus difficile. « Il faut que ça vienne de la victime, souligne Julie Adam. Car si la personne n’a pas la volonté de venir nous voir, ça ne fonctionnera pas. » « Les victimes peuvent culpabiliser de ne pas être venues plus tôt, d’avoir peur des représailles ou du qu’en dira-t-on », confirme Benoît Lemaire. Dans le parcours d’accompagnement des victimes de violences familiales dans l’Extrême-Sud, Women Safe & Children  a trouvé sa place, en complément de l’association Corsavem (qui propose aux victimes un suivi juridique et psychologique) ou de la Falep (qui peut héberger en urgence les personnes en grande difficulté sociale). La micro-région n’échappe malheureusement pas au fléau des violences intrafamiliales : « Tout le monde est débordé », confirme Benoît Lemaire.

« Comme le lapin pris dans les phares de la voiture »

Au début de leur prise en charge, les victimes racontent leur histoire à l’infirmière, qui en rend compte ensuite aux différents intervenants thérapeutiques. C’est la seule fois qu’elles auront à se confier sur ce qu’elles ont vécu : « Pour une victime, le traumatisme est tel qu’il faut lui éviter de répéter », explique Julie Adam. Le parcours de soins varie ensuite selon les besoins. En plus de son équipe à temps plein, Women Safe & Children peut aussi faire appel à des arts-thérapeutes (la thérapie par l’art), des professeurs de yoga ou de self-défense. « Quand on sent qu’une personne est apaisée, elle arrête de venir nous voir, mais on lui dit qu’elle peut nous recontacter si besoin, indique la psychologue. Les personnes qui ont subi un traumatisme important, il arrive qu’on les suive pendant plus d’un an. J’ai vu arriver des femmes complètement tétanisées, qui ne parvenaient pas à franchir le pas (de se séparer de leur conjoint auteur des violences, NDLR). Elles étaient comme le lapin pris dans les phares de la voiture. »  Des femmes - mais aussi des enfants - sont suivis par l’association : « Parfois, ce sont les enfants des dames qui viennent nous voir. Elles nous disent : "mon fils ou ma fille souffre aussi" », note Benoît Lemaire. 

« Je voyais tout en noir »

C’est pour que la société leur reconnaisse le statut de victime, mais aussi pour que la honte change de camp que Women Safe & Children s’associera samedi à la journée contre les violences faites aux femmes. Elle organise une marche d’1,5 km dans Porto-Vecchio, au départ de la piazza’llu quartieri, à laquelle sont invités à se joindre toutes celles et ceux qui se sentiront concernés : « Il y aura la batucada d’Ajaccio qui va battre le rappel, un food-truck et puis diverses animations musicales, des chorégraphies... détaille Benoît Lemaire. Notre volonté, c’est d’être dans l’espace public, de nous adresser à tout le monde de façon douce, musicale et rythmée. »

En ce mardi matin à Sainte-Lucie, « la ruche bourdonne », sourit le directeur de Women Safe & Children. En effet, plusieurs femmes victimes de violences conjugales se succèdent auprès des thérapeutes. Dans la pièce principale qui fait office de salle d'attente pour les victimes, des portraits de femmes sont accrochés au mur. Ces esquisses représentent les femmes fortes qui ont fait avancer les droits et les conditions des femmes à travers le monde : Marie Curie, Rosa Parks, Simone de Beauvoir... Dans l'attente de son rendez-vous, Caroline (*), en instance de divorce, accepte de témoigner : « J’étais en difficulté psychologique et cette association m’a sauvée. Ce sont des gens compétents qui m’ont ouvert la porte. Je voyais tout en noir et ils m’ont fait prendre conscience que j’avais des droits en tant que femme et qu’il fallait que je sois respectée. Car oui, j’existe dans cette société. »

(*) Prénom d'emprunt.