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Cherté de la vie : ​Laurent Marcangeli alerte Michel Barnier sur la situation économique de l’île


Patrice Paquier Lorenzi le Vendredi 18 Octobre 2024 à 08:51

Laurent Marcangeli, le député de la 1ère circonscription de Corse du Sud, vient d’écrire un courrier au Premier ministre, Michel Barnier, pour l’alerter sur la situation économique de l’île. Le président du groupe Horizons à l’Assemblée Nationale demande la création d’une cellule afin de mettre l’ensemble des partenaires économiques autour d’une même table et de mener une réflexion globale sur le coût de la vie en Corse.



Laurent Marcangeli a écrit à Michel Barnier pour l'alerter sur la situation économique en Corse.
Laurent Marcangeli a écrit à Michel Barnier pour l'alerter sur la situation économique en Corse.
- Vous avez écrit à Michel Barnier concernant la situation alarmante de l’économie corse. Quel est l’objectif de ce courrier ?
 - Il y a des chiffres qui confirment un ralentissement économique assez fort et des difficultés par rapport au secteur de l’entreprise en général, qui nécessitent un tour de table à minima, d’autant qu’un nouveau préfet va prendre prochainement ses fonctions et qu’un gouvernement vient d’être nommé après une attente assez longue. J’ai pris des engagements vis-à-vis du monde économique à la fin de l’été, une fois que la situation politique serait stabilisée. Je prends donc cette initiative aujourd’hui. Ce n’est pas que le secteur de l’entreprise, que je souhaite mettre autour de la table mais également l’ensemble des forces vives de la Corse car il n'y a pas qu’une difficulté de type économique, mais également sociale. Nous sommes la région la plus pauvre de France. La Corse connaît des surcoûts et cela fait maintenant plusieurs années que nous parlons de ces sujets que ce soient à la pompe ou dans les supermarchés. Il y a des difficultés liées à l’inflation et à la vie chère. L’insularité pose des problèmes de pouvoir d’achat encore plus qu’ailleurs. On voit bien ce qui se passe en Martinique et dans l’ensemble des territoires ultra-marins. Il y a donc une réflexion globale à mener sur le prix des carburants et des transports, par exemple, et la répercussion que l’on peut trouver notamment au niveau des prix de consommation sur ces sujets.
 
- C’est un signal d’alerte pour éviter d’en arriver à ce qui passe actuellement en Martinique, par exemple, concernant la cherté de la vie ?
- On a pris l’habitude depuis plusieurs années à agir dans l’urgence, une fois que la crise était là. J’ai eu peur, il y a quelques semaines, lors de l’incident lié à nos infrastructures aéroportuaires et portuaires, que nous restions sur un conflit long, qui aurait eu pour conséquence de rendre la situation économique et sociale, encore plus compliquée. Je fais cela aujourd’hui car je considère que le moment est venu, en anticipation d’éventuelles tensions économiques et sociales qui pourraient naître. Le but de l’action publique n’est pas de gérer des crises mais de faire en sorte qu’elles ne se produisent. Cette cellule, qui devra être animée par le premier représentant de l’Etat, en coordination avec la ministre du Partenariat avec les Territoires et de la Décentralisation (NDLR : Catherine Vautrin) mais aussi le ministre de l’Economie. Je veux sensibiliser le nouveau gouvernement aux difficultés réelles et actuelles de la Corse.
 
- Comment faire entendre la voix de la Corse sur des questions économiques, alors même que la revalorisation de la Dotation de Continuité Territoriale (DCT) n’a pas été tranchée, dans un contexte budgétaire contraint au plan national ?
- Je me positionnerais également dans les semaines qui viennent, par un dépôt d’amendement, en faveur de la revalorisation de DCT parce qu’elle subit un mécanisme, qui me semble injuste. Elle n’est pas indexée sur l’inflation et on voit bien que nous sommes obligées, chaque année, de demander des rallonges. Je fais cela car je considère que la Corse, par sa situation particulière, nécessite d’être accompagnée davantage. On ne peut pas considérer qu’il soit normal, aujourd’hui, dans le territoire le plus pauvre, où l’usage du véhicule est peut-être plus nécessaire que dans d’autres territoires, que le prix à la pompe est le plus élevé de France métropolitaine. On ne peut pas accepter des prix de produits de consommation de première nécessité soient aussi chers. Tout cela tend une situation déjà compliquée, rend les gens anxieux voire en colère. Je crois qu’aujourd’hui, il faut des réponses, que nous nous mettions tous autour de la table pour y trouver les solutions. A mon avis, si on arrive à régler ces problèmes, il y aura d’autres dépenses qui seront évitées à l’avenir, comme par exemples des dépenses de politiques sociales, avec une baisse des demandes d’accompagnements et une population qui s’en sortira mieux. Cela permettrait également d’éviter que certains qui n’arrivent plus à joindre les deux bouts dérivent vers une certaine forme de marginalité ou même vers l’argent facile, et des mauvais chemins. Je pense qu’il est indispensable de mettre ce sujet sur la table et j’attends maintenant d’avoir les réponses nécessaires.
 
- Problèmes économiques mais reprise du processus d’autonomie, la Corse est-elle à un tournant de son histoire ?
- Il y a un autre sujet que j’ai évoqué en présence de mes collègues et de la ministre du Partenariat des Territoires, c’est celui de la lutte contre la délinquance, la criminalité organisée, et notamment le trafic de stupéfiants. Je suis particulièrement sidéré par ce qu’il se passe actuellement à Marseille avec des bandes narco-trafiquants qui font régner la terreur sur un territoire tout entier avec des enfants, qui prennent les armes pour devenir des tueurs à gages. Certes, c’est à Marseille et pas en Corse. Mais, le trafic de drogue et la criminalité organisée, elle existe en Corse. Elle ne pose pas de problèmes quotidiens aux habitants de nos villes et de nos villages, mais c’est un sujet majeur dans notre vie sociétale et dans notre vie commune. J’ai travaillé, jusqu’à la dissolution sur ce dossier, car je devais être rapporteur d’une partie d’un texte de loi qu’allait défendre Eric Dupond-Moretti, quand il était ministre de la Justice, notamment pour lutter contre la grande criminalité. Ce n’est pas forcément le thème le plus simple, car il y a beaucoup de déni, chez nous, à ce sujet mais il est forcément lié à la situation de notre île. La Corse a, en effet, plusieurs défis à relever. C’est un virage et il faut le prendre car le pire serait de ne pas agir. Ce n’est pas parce qu’il y une situation politique compliquée, que je vais cesser de prendre des initiatives. J’ai été réélu en juin dernier avec une confiance forte et j’ai envie d’en être digne en étant dans l’action. Il va falloir se battre pour les générations futures.
 
- Jeudi soir, lors du Conseil Communautaire de la Communauté d'Agglomération du Pays Ajaccien (CAPA), vous avez également rappelé la nécessité d’évolution de ce territoire vers le statut de métropole. Un sujet qui vous tient particulièrement à cœur…
- Il y a déjà eu un certain nombre de débats qui se sont déroulés ici à la CAPA avec des votes et des vœux émis par l’ensemble des dix communes, qui représentent le Pays Ajaccien aujourd’hui. Personnellement, j’ai mené une action, en tant que député, en positionnant ce sujet sur la table lors des discussions institutionnelles sur l’avenir de la Corse. J’ai fait campagne en expliquant que mon attitude serait constante par rapport à tous les sujets et notamment concernant le statut d’évolution de la CAPA. J’ai convaincu le Président de la République, de l’inscrire dans l’agenda. Gérald Darmanin, l’ancien ministre de l’Intérieur en a également fait un objectif. Il y a eu une dissolution, une nouvelle élection, une nouvelle ministre que je connais, et avec qui j’ai eu l’occasion de discuter avec, à de nombreuses reprises sur ce sujet. Elle a présidé une métropole, elle connait très bien le fonctionnement des collectivités locales, et j’espère la convaincre de nous accompagner sur ce chemin, parallèlement aux discussions qui se déroulent concernant l’avenir de la Corse. J’ai des arguments à faire valoir sur le plan démographique, je rappelle que la CAPA représente 1/4 de la population de l’île (27%). Aucune métropole en France ne représente la même proportion au niveau du bassin de population. La CAPA représente également 1/3 des emplois au niveau régional. Je rappelle également que nous sommes dans une situation politique particulière, après la suppression des départements au profit de la collectivité unique, et on parle d’une nouvelle étape avec de nouvelles compétences pour la Collectivité de Corse (CdC). Je ne peux pas être à Paris, un militant de la décentralisation en demandant plus de responsabilités pour les territoires, et être à Ajaccio, un militant de la décentralisation qui dit que tout doit aller à la CdC. Cela n’aurait pas de sens. J’ai plaidé pour que la Chambre des territoires puisse bénéficier de responsabilités déléguées par la Cdc, notamment au niveau du monde rural et qu’elle soit dotée des compétences et des moyens adéquates. La CAPA doit prendre un nouvel envol qui correspond à ce qu’elle est capable de faire, dans le cadre d’une refonte de ses responsabilités et des moyens qui lui seront accordés pour les exercer.