Le centre hospitalier de Bonifacio est le théâtre d'un conflit larvé entre les représentants syndicaux et les cadres de santé.
Le fossé se creuse à Bonifacio entre les agents de l’hôpital et leur encadrement. Le 16 juillet dernier, une trentaine d’agents s’étaient mis en grève à l’appel du syndicat des travailleurs corses (STC). Revoir l’organisation interne de l’hôpital bonifacien était l’une de leurs principales revendications, les grévistes se disant « sous pression ». Dans leur viseur : les cadres de santé de l’hôpital. Durant les négociations, le directeur Nicolas Ballarin avait accepté de redéfinir les fiches de poste de ces derniers, comme le souhaitait le STC. Un nouvel organigramme devait être présenté et la grève avait été levée vingt-quatre heures plus tard.
Passé l’été, la situation ne s’est pas améliorée, au contraire. Le 4 octobre, plusieurs cadres de santé rédigeaient collectivement un courrier d’alerte : « Depuis maintenant six mois, nos conditions de travail sont de plus en plus dégradées, et encore davantage depuis la grève du 16 juillet dernier, menée par le STC. » Ce courrier était adressé à Marie-Hélène Lecenne, directrice générale de l’Agence régionale de santé en Corse ; José Ferri, directeur de l’organisation et de la qualité de l’offre de soins à l’ARS ; Gilles Simeoni, président du conseil exécutif de la Corse ; Ghislain Gomart, directeur général des services de la collectivité de Corse ; Jean-Charles Orsucci, maire de Bonifacio et président du conseil de surveillance de l’hôpital ; et Jean-Christophe Angelini, maire de Porto-Vecchio.
Le nouvel organigramme jugé "inadapté"
Un mois plus tard, le syndicat ne précise pas s’il a obtenu un retour de l’un ou l’autre de ces destinataires. Mais la lettre avait également été remise au directeur de l’hôpital, Nicolas Ballarin. Et c’est « en l’absence de réponse de votre part à notre courrier du 4 octobre 2024 que nous vous informons de la volonté commune de nombreux agents de votre administration de cesser le travail », lui a notifié la section syndicale CFE-CGC-SMS en introduction de son préavis de grève.
Dans leur courrier, les huit cadres de santé invalidaient le nouvel organigramme « qui ne nous a été présenté que le 2 octobre dernier. Tel que proposé, il n’est pas adapté à une organisation efficiente et il présente des incohérences avec les fiches de poste. » Quant aux nouvelles fiches de poste, « elles remettent en cause l’ensemble de la coordination des soins dans l’établissement », estiment les cadres de santé signataires, qui pointent « un manque de communication entre le directeur, l’administration et les soins, et ce malgré nos demandes d’éclaircissements répétées ».
Le STC accusé "d'ingérence"
Pour finir, ils tirent à boulets rouges sur le STC, qu’ils accusent « d’ingérence dans les décisions institutionnelles prises dernièrement », en plus de leur faire subir « une pression permanente ». Le courrier se concluait par une main tendue : « C’est pourquoi nous vous interpellons dans l’espoir de retrouver un climat plus apaisé et ouvrir un espace de dialogue. »
Mais le dialogue n’a pas repris. Et lundi, les cadres de santé bonifaciens ont transmis leur préavis de grève, qui comporte les revendications suivantes : « Stopper la cogestion directeur/représentants du STC ; réviser l’organigramme avec une organisation fonctionnelle simple, claire et cohérente ; nommer la cadre supérieure de santé avec une fiche de poste correspondant à ses fonctions ; positionner et valoriser l’encadrement dans ses fonctions ; appliquer strictement et réglementairement les rôles et missions syndicales, sanctionner toutes dérives ; faire appliquer les devoirs de l’agent du service public ».
L’accusation d’ingérence à son encontre, Antoine-Pierre Culioli « la réfute complètement. » S’il ne souhaitait pas, au préalable, faire de commentaires, le délégué STC de l’hôpital bonifacien a tout de même tenu à préciser ceci : « Nous sommes dans notre rôle syndical de poser des questions sur les carrières des agents, les plannings… Alors nous accuser d’ingérence, c’est même une entrave à notre fonction syndicale. » Selon lui, la situation des agents ne s’est pas améliorée après la grève du 16 juillet : « Ca a même empiré, car les cadres ont refusé de changer leurs fiches de poste. » Et quand bien même leur deuxième revendication – la titularisation de quatorze agents sous le statut avantageux de la fonction publique hospitalière – avait été acceptée par la direction (et rendue effective). Aujourd’hui, la STC ne souhaite pas envenimer le conflit avec les cadres de santé, « car ce seraient les patients qui en pâtiraient », s’inquiète Antoine-Pierre Culioli qui prône « la reprise du dialogue entre toutes les parties ».
"Je comprends pourquoi mes prédécesseurs n'ont pas fait de vieux os ici"
De son côté, le directeur Nicolas Ballarin reconnaît ne pas avoir apporté de réponse au courrier du 4 octobre : « J'avais convenu d'attendre le retour de vacances de tout le monde. » Il dit avoir reçu les cadres de santé ce lundi, dans son bureau : « Je leur ai proposé de me présenter un nouvel organigramme. On a prévu de se revoir. » Mal à l'aise, le directeur se sent pris entre deux feux : « Les représentants du personnel voient bien que l'hôpital avance depuis que je suis arrivé (l'établissement a obtenu la certification Haute qualité des soins en avril, NDLR). Le problème, c'est qu'on veut tous la même chose, mais on ne sait pas comment y arriver. La réalité, c'est qu'il y a des guéguerres profondes à l'hôpital, alors tout ce que va proposer l'un va être rejeté en bloc par l'autre. » Aujourd"hui, Nicolas Ballarin ne sait plus comment se positionner : « J'ai essayé de trouver une solution, avec de la diplomatie, en arrondissant les angles, mais ça n'a pas abouti à apaiser les tensions. Il va falloir faire une grande réunion de refondation avec tous les syndicats autour de la table. » L'Agence régionale de santé peut-elle intervenir dans le conflit (1) ? « Elle a toujours été associée, répond le directeur. Ils ont joué un rôle de médiateur en juillet et je pense qu'ils viendront à Bonifacio la semaine prochaine. » Avant de conclure, fataliste : « Je comprends pourquoi mes prédécesseurs n'ont pas fait de vieux os ici. C'est très dur de sortir par le haut, il y a trop de choses enkystées. »
Et ce mercredi, c'est la CFDT qui s'en est mêlée. Minoritaire à l'hôpital, la section syndicale a adressé une lettre à Nicolas Ballarin, lui soumettant l'hypothèse d'un départ. La démission, y pense-t-il ? « Si je ne suis pas capable de faire ce qu'il y a à faire, oui je prendrai mes responsabilités », répond le directeur. Pour l'heure, évacue-t-il, « j'espère pouvoir dialoguer et trouver une solution bénéfique pour les patients, l'hôpital et tout ce que nous avons entrepris depuis deux ans ».
1. A l'heure où nous écrivons ces lignes, le service communication de l'ARS n'a pas donné suite à nos sollicitations.
Passé l’été, la situation ne s’est pas améliorée, au contraire. Le 4 octobre, plusieurs cadres de santé rédigeaient collectivement un courrier d’alerte : « Depuis maintenant six mois, nos conditions de travail sont de plus en plus dégradées, et encore davantage depuis la grève du 16 juillet dernier, menée par le STC. » Ce courrier était adressé à Marie-Hélène Lecenne, directrice générale de l’Agence régionale de santé en Corse ; José Ferri, directeur de l’organisation et de la qualité de l’offre de soins à l’ARS ; Gilles Simeoni, président du conseil exécutif de la Corse ; Ghislain Gomart, directeur général des services de la collectivité de Corse ; Jean-Charles Orsucci, maire de Bonifacio et président du conseil de surveillance de l’hôpital ; et Jean-Christophe Angelini, maire de Porto-Vecchio.
Le nouvel organigramme jugé "inadapté"
Un mois plus tard, le syndicat ne précise pas s’il a obtenu un retour de l’un ou l’autre de ces destinataires. Mais la lettre avait également été remise au directeur de l’hôpital, Nicolas Ballarin. Et c’est « en l’absence de réponse de votre part à notre courrier du 4 octobre 2024 que nous vous informons de la volonté commune de nombreux agents de votre administration de cesser le travail », lui a notifié la section syndicale CFE-CGC-SMS en introduction de son préavis de grève.
Dans leur courrier, les huit cadres de santé invalidaient le nouvel organigramme « qui ne nous a été présenté que le 2 octobre dernier. Tel que proposé, il n’est pas adapté à une organisation efficiente et il présente des incohérences avec les fiches de poste. » Quant aux nouvelles fiches de poste, « elles remettent en cause l’ensemble de la coordination des soins dans l’établissement », estiment les cadres de santé signataires, qui pointent « un manque de communication entre le directeur, l’administration et les soins, et ce malgré nos demandes d’éclaircissements répétées ».
Le STC accusé "d'ingérence"
Pour finir, ils tirent à boulets rouges sur le STC, qu’ils accusent « d’ingérence dans les décisions institutionnelles prises dernièrement », en plus de leur faire subir « une pression permanente ». Le courrier se concluait par une main tendue : « C’est pourquoi nous vous interpellons dans l’espoir de retrouver un climat plus apaisé et ouvrir un espace de dialogue. »
Mais le dialogue n’a pas repris. Et lundi, les cadres de santé bonifaciens ont transmis leur préavis de grève, qui comporte les revendications suivantes : « Stopper la cogestion directeur/représentants du STC ; réviser l’organigramme avec une organisation fonctionnelle simple, claire et cohérente ; nommer la cadre supérieure de santé avec une fiche de poste correspondant à ses fonctions ; positionner et valoriser l’encadrement dans ses fonctions ; appliquer strictement et réglementairement les rôles et missions syndicales, sanctionner toutes dérives ; faire appliquer les devoirs de l’agent du service public ».
L’accusation d’ingérence à son encontre, Antoine-Pierre Culioli « la réfute complètement. » S’il ne souhaitait pas, au préalable, faire de commentaires, le délégué STC de l’hôpital bonifacien a tout de même tenu à préciser ceci : « Nous sommes dans notre rôle syndical de poser des questions sur les carrières des agents, les plannings… Alors nous accuser d’ingérence, c’est même une entrave à notre fonction syndicale. » Selon lui, la situation des agents ne s’est pas améliorée après la grève du 16 juillet : « Ca a même empiré, car les cadres ont refusé de changer leurs fiches de poste. » Et quand bien même leur deuxième revendication – la titularisation de quatorze agents sous le statut avantageux de la fonction publique hospitalière – avait été acceptée par la direction (et rendue effective). Aujourd’hui, la STC ne souhaite pas envenimer le conflit avec les cadres de santé, « car ce seraient les patients qui en pâtiraient », s’inquiète Antoine-Pierre Culioli qui prône « la reprise du dialogue entre toutes les parties ».
"Je comprends pourquoi mes prédécesseurs n'ont pas fait de vieux os ici"
De son côté, le directeur Nicolas Ballarin reconnaît ne pas avoir apporté de réponse au courrier du 4 octobre : « J'avais convenu d'attendre le retour de vacances de tout le monde. » Il dit avoir reçu les cadres de santé ce lundi, dans son bureau : « Je leur ai proposé de me présenter un nouvel organigramme. On a prévu de se revoir. » Mal à l'aise, le directeur se sent pris entre deux feux : « Les représentants du personnel voient bien que l'hôpital avance depuis que je suis arrivé (l'établissement a obtenu la certification Haute qualité des soins en avril, NDLR). Le problème, c'est qu'on veut tous la même chose, mais on ne sait pas comment y arriver. La réalité, c'est qu'il y a des guéguerres profondes à l'hôpital, alors tout ce que va proposer l'un va être rejeté en bloc par l'autre. » Aujourd"hui, Nicolas Ballarin ne sait plus comment se positionner : « J'ai essayé de trouver une solution, avec de la diplomatie, en arrondissant les angles, mais ça n'a pas abouti à apaiser les tensions. Il va falloir faire une grande réunion de refondation avec tous les syndicats autour de la table. » L'Agence régionale de santé peut-elle intervenir dans le conflit (1) ? « Elle a toujours été associée, répond le directeur. Ils ont joué un rôle de médiateur en juillet et je pense qu'ils viendront à Bonifacio la semaine prochaine. » Avant de conclure, fataliste : « Je comprends pourquoi mes prédécesseurs n'ont pas fait de vieux os ici. C'est très dur de sortir par le haut, il y a trop de choses enkystées. »
Et ce mercredi, c'est la CFDT qui s'en est mêlée. Minoritaire à l'hôpital, la section syndicale a adressé une lettre à Nicolas Ballarin, lui soumettant l'hypothèse d'un départ. La démission, y pense-t-il ? « Si je ne suis pas capable de faire ce qu'il y a à faire, oui je prendrai mes responsabilités », répond le directeur. Pour l'heure, évacue-t-il, « j'espère pouvoir dialoguer et trouver une solution bénéfique pour les patients, l'hôpital et tout ce que nous avons entrepris depuis deux ans ».
1. A l'heure où nous écrivons ces lignes, le service communication de l'ARS n'a pas donné suite à nos sollicitations.