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Criminalité organisée : à Bastia, la mission du PNACO en visite pour évaluer un pôle régional


le Samedi 5 Avril 2025 à 20:47

Comme promis par le Garde des Sceaux lors de la session de l’Assemblée de Corse consacrée à la lutte contre les pratiques mafieuses en février dernier, la mission de préfiguration du PNACO était à Bastia ce jeudi pour étudier l’opportunité de créer un pôle régional spécialisé. Un projet qui permettrait de donner davantage de moyens à la justice pour mieux appréhender cette forme de criminalité.



Criminalité organisée : à Bastia, la mission du PNACO en visite pour évaluer un pôle régional
Gérald Darmanin l’avait annoncé lors de son discours devant l’Assemblée de Corse à l’occasion de la session consacrée à la lutte contre les pratiques mafieuses, le 27 février dernier. Ce jeudi, la mission de préfiguration du Parquet National Anti Criminalité Organisée (PNACO) était à Bastia dans le cadre de la réflexion lancée pour la création d'un pôle spécialisé régional. « C'est un projet qui remonte de la base. Il a été modélisé et discuté entre les procureurs de la République de Bastia et d'Ajaccio, forts d'un constat sur l'augmentation des faits de délinquance organisée et sur des modes opératoires très évolutifs dans le temps, face auxquels il fallait des moyens spécifiques », explique Jean-Jacques Fagni, le procureur général près de la Cour d’appel de Bastia en précisant : « L'idée de cette création est venue en réponse à une double problématique : la particularité de la criminalité organisée en Corse et celle du territoire insulaire.  Cela crée une criminalité organisée originale par rapport au continent. Et pour mieux la combattre, nous avons porté la nécessité de créer des moyens originaux ». 
 
Alors que le Garde des Sceaux avait promis une certaine célérité devant l’Assemblée de Corse, afin de constater si ce projet est pertinent, la mission de préfiguration du PNACO s’astreint depuis déjà plusieurs semaines à effectuer un état des lieux, notamment au travers de nombreuses auditions menées avant même sa venue en Corse. « La journée de jeudi a été très intense. Nous avons d'abord, chef de cour et chef de juridiction, échangé avec les membres de la mission. Dans un deuxième temps, ce sont tous les magistrats pénalistes du ressort qui ont été associés à cette venue et qui ont pu librement évoquer les différentes problématiques auxquelles ils se trouvent confrontés. Et puis, il y a également eu des échanges avec les deux bâtonniers pour recueillir l'opinion du barreau. Enfin, dans l’après-midi, une réunion a été organisée avec les deux préfets, les deux directeurs interdépartementaux de la police nationale et le général commandant la gendarmerie de Corse », dévoile Jean-Jacques Fagni. 
 
Si elle se réjouit de la mise en place d’un PNACO, « une cabine de pilotage nationale » pour les affaires de grande criminalité - et dont la création est prévue par la proposition de loi visant à sortir la France du narcotrafic qui a été adoptée cette semaine par l’Assemblée nationale - , Hélène Davo, la première présidente de la Cour d’appel de Bastia, insiste sur le fait qu’au local le pôle spécialisé régional permettrait d’aller bien plus loin. « D'abord, parce que c'est une spécialisation et qu’en matière de justice, les avancées sont toujours liées à des spécialisations. Plus on spécialise les magistrats, plus ils sont rompus à l’exercice et sont efficaces », souligne-t-elle en poursuivant : « Ensuite, ce pôle spécialisé régional permettrait d’avoir une vision régionale, y compris en termes de renseignements. Par ailleurs, je fais pour ma part le pari de l'attractivité. Comme première présidente, j'aspire à avoir des très bons magistrats qui viennent ici. Avec un pôle spécialisé, on va avoir plus de moyens pour travailler, plus de magistrats, des assistants spécialisés. Pour un bon pénaliste, cela va devenir attractif de venir en Corse quelques années pour travailler sur la criminalité organisée ». 
 
De son côté, Jean-Jacques Fagni pointe le fait que le pôle régional spécialisé permettrait de changer beaucoup de choses quant aux moyens de lutte contre la criminalité organisée. « Il y aurait véritablement une spécialisation, comme c'est le cas pour le pôle économique et financier ou pour le pôle régional environnemental, qui se ferait entre les mains notamment du parquet de Bastia. Ce qui, bien sûr, entraînerait une spécialisation de la juridiction, y compris le siège. Et puis cette spécialisation, avec la création d'un pôle, et selon ce que nous a proposé le Garde des Sceaux, entraînerait un renfort de moyens en termes de ressources humaines qui nous permettrait effectivement de renforcer la lutte contre ces phénomènes », détaille-t-il.

Pas question pour autant de faire de l’ombre à la Juridiction Interrégionale Spécialisée (JIRS) de Marseille, avec laquelle le pôle spécialisé serait « complémentaire », selon le procureur général. « Ce que l’on va traiter dans le cadre du pôle spécialisé de Bastia, c'est ce que la JIRS ne traitera jamais. Il n'est pas question pour nous d'empiéter sur le champ de compétences de la JIRS qui d’ailleurs ne sera pas modifié. Il y aura toujours des relations extrêmement fluides, extrêmement fructueuses avec nos collègues de la Jirs de Marseille qui traitent un spectre supérieur à ce qui sera traité en local. Et le PNACO, pour sa part, traitera le très haut du spectre, c'est-à-dire tout ce qui est transnational », explique-t-il. « Le sujet n'est pas d'enlever des affaires à la JIRS. C'est plus de travailler sur des affaires sur lesquelles on ne travaille pas aujourd'hui », appuie Hélène Davo. « Si on a plus de temps pour travailler sur la criminalité organisée, on peut faire une politique pénale plus proactive, où on n’attend pas qu'un assassinat ait eu lieu pour dérouler la pelote à l'envers. C'est aussi essayer de s'attaquer de façon plus globale à certains maux de la société », insiste-t-il en évoquant par exemple l’extorsion « qui est un mal qui ronge la Corse ».