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Criminalité organisée, narcotrafic, menaces contre l’État : la cour d’appel de Bastia fixe ses priorités


Léana Serve le Vendredi 7 Février 2025 à 18:54

L’audience solennelle de la cour d’appel de Bastia s’est tenue ce vendredi 7 février, en présence des principales autorités judiciaires et institutionnelles de l’île. La première présidente de la cour d’appel, Hélène Davo, et le procureur général, Jean-Jacques Fagni, ont dressé le bilan de l’année judiciaire 2024 et tracé les grandes lignes des priorités pour 2025. Au centre des discours : la lutte contre la criminalité organisée et les trafics de stupéfiants, ainsi que la nécessité de renforcer les moyens judiciaires face à ces enjeux.



Devant un parterre de magistrats, d’avocats, de représentants des forces de l’ordre et des autorités locales, Hélène Davo a ouvert l’audience en rappelant avec émotion que c’était la première fois qu’elle présidait cette cérémonie dans une salle renommée en hommage à l’avocate et résistante corse Hélène Landry Campinchi. « C’est l’occasion de rendre compte de notre activité, de revenir sur des événements marquants, d’évoquer nos perspectives et de vous livrer quelques réflexions sur notre justice », a-t-elle déclaré.

Avant d’entrer dans le détail des enjeux judiciaires, elle a tenu à souligner que « les équilibres nationaux et internationaux restent fragiles » et que l’année 2024 a été marquée par « des crises profondes, qu’elles soient politiques, sociales, économiques ou climatiques ».

Une violence criminelle qui persiste en Corse
Faisant écho à son discours de l’an passé, Hélène Davo a rappelé que l’ouverture de son allocution aurait pu être en tous points similaire à celle de 2024. « L’an passé, j’avais initié mon propos en évoquant les faits criminels qui étaient survenus à Bastia au début de l’année 2024 », a-t-elle rappelé. « Mon introduction aurait pu être aujourd’hui, en tous points, absolument similaire, puisque le début d’année 2025 a été marqué à nouveau par plusieurs homicides perpétrés sur notre île », a-t-elle poursuivi, en référence aux assassinats récents d’Oletta et de Calenzana.

Dans la continuité, le procureur général Jean-Jacques Fagni a pris la parole pour dresser un état des lieux de la justice pénale insulaire. Il a souligné que son parquet général fonctionnait à effectif complet, permettant « d’envisager les mois à venir sous les meilleurs auspices ».

Concernant les affaires pénales, il a relevé la stabilité de la chambre spéciale des mineurs, avec 10 arrêts prononcés et 37 nouvelles affaires d’assistance éducative en 2024. Le faible nombre de dossiers de délinquance juvénile en Corse a une nouvelle fois été mis en avant.

Quant aux cours d’assises et aux cours criminelles départementales, elles ont rendu 18 arrêts pénaux, contre 15 l’année précédente. Des chiffres qui, selon le procureur général, témoignent de la persistance des actes criminels, notamment liés à la criminalité organisée.


La lutte contre le trafic de stupéfiants comme priorité

Jean-Jacques Fagni a ensuite insisté sur l’importance de poursuivre et d’intensifier la lutte contre les trafics de stupéfiants en Corse. Il a rappelé que la politique pénale régionale devait s’aligner sur les nouvelles orientations nationales définies par le garde des Sceaux et a plaidé pour que l’île ne soit pas oubliée dans les débats nationaux sur ce sujet, alors qu’une proposition de loi visant à renforcer les moyens judiciaires est en discussion au Parlement. « Cette initiative porteuse d’espoir ne doit pas faire oublier l’importance de maintenir la criminalité organisée au cœur des priorités insulaires », a-t-il ajouté.

Le procureur général a également mis en lumière l’aggravation du phénomène en Corse-du-Sud, où la proportion de peines d’emprisonnement ferme atteint 40 %, soit le double de la moyenne nationale. « Cette lutte doit aussi s’étendre au blanchiment et à la corruption », a-t-il précisé, appelant à une coopération renforcée avec les instances nationales et à une politique pénale plus réactive face aux violences et aux trafics.


Poursuivre “ceux qui portent atteinte à l’autorité de l’État”

Parmi les priorités de 2025, Jean-Jacques Fagni a insisté sur la nécessité de poursuivre « tous ceux qui portent atteinte à l’autorité de l’État, notamment en tentant de déstabiliser ses représentants ». Il a rappelé que l’année 2024 avait été marquée par une recrudescence de tags injurieux et menaçants visant les forces de l’ordre et les magistrats. « Ceux qui s’en prennent aux magistrats dans l’exercice de leurs fonctions doivent savoir qu’ils feront l’objet d’enquêtes systématiques et de poursuites impitoyables », a-t-il averti, évoquant l’arrestation récente de quatre individus près du domicile d’un magistrat dans le nord de la France. Face à ces menaces, il a plaidé pour une répression sans concession et des moyens judiciaires renforcés afin d’endiguer ces agissements.

En clôture de l’audience solennelle, la première présidente de la cour d’appel de Bastia, Hélène Davo, a souligné que « l’avenir de la justice repose non seulement sur la qualité des décisions rendues, mais aussi sur la capacité à se remettre en question ». Si elle a salué le travail accompli, elle a néanmoins pointé la lenteur des procédures : « Nous jugeons en moyenne des affaires remontant à deux ans, et certaines dont les faits datent de plus de dix ans. » S’adressant aux avocats, elle a insisté sur l’importance d’une collaboration étroite entre les juridictions de première instance et d’appel afin d’améliorer l’efficacité judiciaire.