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Curaghjosu com’e u petti russu


Simon Dominati le Jeudi 3 Avril 2014 à 22:45

Un ami qui a l’habitude de me rendre visite, s’est présenté un jour en disant : oghji sò vinutu a sbacinà. Je suis venu vider le décalitre, vider mon sac, vider mon trop plein d’émotions emmagasinées depuis quelques temps… faire des confidences. Le décalitre, u bacinu, était une mesure capacité de notre enfance qui servait à doser une quantité de noix, de haricots secs ou de pommes de terre… nos parents faisaient, de la sorte, commerce de leurs produits du jardin.



Curaghjosu com’e u petti russu

Cette expression pleine de sens nous a bien amusés et c’est ainsi, que quelques autres de notre enfance sont revenues à l’esprit. Curaghjosu com’e u petti russu, courageux comme le rouge gorge qui sort de nulle part pour venir cueillir un ver de terre à vos pieds pendant que vous bêchez le jardin, peut signifier  courage pur  et simple, comme se donner du  courage lorsqu’on est intéressé par quelque chose. Des nuances à faire valoir selon les contextes. Ainsi de suite, nous nous sommes rappelés di a tàvula ciuddata, la planche qui évoque le dessin d’un bulbe d’oignon tranché à vif, i patati matùnati,  pommes de terre dont l’intérieur ressemble à un toit de tuiles, une sorte de réseau brunâtre provoqué par une maladie. 

Lorsque le directeur du collège nous présentait trois doigts sous les yeux en disant brandali, trépied en français, nous savions instantanément que nous écopions de trois heures de retenue. Si l’on pouvait faire un casgiu di porcu en évoquant l’oreille de quelqu’un, on comprenait instantanément que son pavillon était démesuré. Humour et quotidien faisaient bon ménage comme mauvaise entente.

Une partie de ma famille était appelée i bascheri, ustensiles de cuisine. C’étaient des gens très bruyants toujours en ébullition comme s’ils allaient s’écharper à tout moment, un vrai concert de casseroles. Un jour, quelqu’un croyant qu’un drame allait se jouer, se rendit à la gendarmerie toute proche prévenir la maréchaussée. Le chef, habitué à ces frasques, répondit imperturbable : « Ah ! Ce sont les Basquère, laissez-les faire ! » Un brigadier averti en vaut deux.

Plein d’histoires ont ressurgi de notre enfance. On peut passer la journée à raconter des anecdotes de ce genre…

C’était un temps où on nous interdisait de parler Corse dans la cour de l’école. Peine perdue, nous vivions en immersion totale de bain oral dans nos familles. Aujourd’hui, le Corse est enseigné en classe. C’est une bonne chose pour ne pas perdre totalement ce bien si précieux. Mais on ne retrouvera jamais toutes ces nuances, cet humour, cette richesse qui naît de la pratique de tous les instants.
Il faudra se contenter de parler notre langue comme d’autres parlent l’Anglais appris sur les bancs de l’école. Avec la même approximation que ma pratique balbutiante de l’écrit nustrale, dictionnaire en main.
Chi peccatu !

Simon DOMINATI