Elle avait 12 ans quand elle a posté sa toute première vidéo. YouTube, une caméra bricolée, de la pâte Fimo. Et ses mains, seulement ses mains. « J’avais appelé mon compte bigcreative. Je ne montrais pas mon visage. J’avais envie de partager mes petites techniques, que je ne trouvais pas sur internet. » Ce goût du faire, du transmettre, est toujours là. Mais aujourd’hui, il s’accompagne d’un besoin plus profond : dire ce qu’elle est.
« En regardant mes vidéos de l’époque, je me trouve trop mignonne. Mais je me demande si, à 12 ans aujourd’hui, je l’aurais fait. Avec le climat qu’il y a sur les réseaux, le harcèlement, l’exposition… Je ne sais pas. » Ce recul, Julie l’a acquis en s’éloignant un temps du numérique. Après son bac à Bastia, elle part à Lille pour des études de communication. Là-bas, elle coupe. Plus de réseaux. « Je n’arrivais pas à faire la part des choses entre mon image en ligne, mes cours, mes petits boulots. J’ai tout arrêté. »
Ce silence durera plusieurs années. Puis l’envie revient. Pas la nostalgie, non. Une envie nouvelle. De faire les choses à sa manière, avec des moyens professionnels, une voix plus posée, plus ancrée. « J’ai investi dans du matériel, j’ai repensé mes contenus. Je me suis dit : si ça marche, tant mieux. Sinon, tant pis. Mais au moins je ferai ce que j’aime. »
Une vie sans filtre
Ce qu’elle aime, justement, ce n’est plus seulement le tutoriel ou la mise en scène. C’est la parole. La sienne. Simple, directe. Elle parle d’amour. « Je suis tellement naturelle que je n’ai pas vraiment fait de coming out. Ce n’était pas une vidéo prévue, j’ai simplement affiché ma relation. »
Elle parle de foi. Et de ce choix qu’elle a fait, à 22 ans, de se faire baptiser. Un choix mûrement réfléchi, qui s’inscrit dans un cheminement spirituel discret mais constant. « Mes parents ont décidé de nous laisser, à ma sœur et moi, le choix de notre religion. Je n’ai donc pas été baptisée enfant. Mais j’ai toujours eu un lien avec le christianisme. Je vais à la messe tous les dimanches, alors ça me paraissait logique. C’était le bon moment. »Et grâce aux réseaux, elle découvre qu’elle n’est pas seule : « J’ai rencontré plein de personnes dans le même parcours que moi. Je suis contente, parce que de plus en plus d’adultes font ce choix. »
Depuis quelques mois, Julie partage aussi un autre volet de son histoire : sa transformation physique. Une perte de poids qu’elle documente, sans faux-semblants, depuis ses premiers pas jusqu’à aujourd’hui. « Pendant mes études, je faisais beaucoup de soirées, je commandais souvent à manger, je buvais de l’alcool… Je ne faisais plus attention à ce que je mangeais, ni au sport. J’ai toujours eu confiance en moi, je me sentais bien dans ma peau, mais quand j’ai atteint les 100 kg, je me suis dit que c’était trop. Je suis jeune, je suis censée être dans un corps sain. »
Comme pour ses toutes premières vidéos, elle décide de se filmer, de partager l’évolution. Accompagnée d’un coach et d’une diététicienne, elle a déjà perdu 22 kilos. « Je partage tout avec mes abonnés. Et ce qui me touche le plus, ce sont les messages que je reçois. Des centaines. Des gens me disent que je les aide à se motiver, qu’ils prennent conscience qu’il est important de prendre soin de leur santé. Je suis très fière de transmettre une image positive, avec des valeurs qui comptent. »
Trouver sa place
Elle pourrait vivre des réseaux, mais elle refuse les collaborations payantes. « Je veux rester libre. Je veux me concentrer sur mon image, sur ce que je transmets. » Pour vivre, elle travaille. Beaucoup. En restauration, en communication, en marketing, dans une boutique, et aussi à son compte. « Je veux tester le plus de métiers possibles. Même la restauration, je n’aurais jamais cru. Et pourtant, ça m’apprend énormément. »
À travers cette multitude de rôles, Julie cherche sa place. Elle ne joue pas un personnage, elle ne vend pas une version d’elle-même. Elle avance, comme elle est. Parfois avec légèreté, souvent avec force. Toujours avec sincérité. Ce qu’elle veut, au fond ? Ce n’est pas être suivie. C’est être entendue. Et si possible, aider d’autres à se sentir un peu moins seuls. « Je reçois énormément de messages. Des gens me disent que je les aide à se motiver. Ça me conforte dans ce choix de contenu. » Julie Gauthier construit son parcours sans chercher à plaire, ni à provoquer. Elle avance, avec ses convictions et ses choix, sur des réseaux qu’elle connaît depuis dix ans mais qu’elle aborde désormais à sa manière : lucide, indépendante, et connectée à ce qui compte pour elle.