Jean-Baptiste Arena, vigneron, maire de Patrimoniu et conseiller territorial Core in Fronte, est candidat à la présidence de la Chambre d’agriculture de Corse. Photo Christian Andreani.
- La rumeur court que vous êtes candidat à la présidence de la Chambre régionale d’agriculture. La confirmez-vous ?
- Je confirme effectivement ma candidature à la présidence régionale de la Chambre d’agriculture dont l’élection se tiendra au mois de janvier. Cela fait plus d’une année que l’on me sollicite et que je suis fortement incité à me présenter. Après mûre réflexion avec des amis, de tous bords et de toutes tendances politiques, et l’appui de certains syndicats agricoles, nous avons validé ma candidature dans le courant du mois d’août. Ce ne fut pas une décision facile à prendre, mais je suis, à la fois, un vigneron par passion, un paysan dans l’esprit et la tradition familiale, et un militant nationaliste depuis l’adolescence, je ne pouvais pas, en conscience, me dérober à la demande pressante que l’on me fait depuis plusieurs mois.
- Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à accepter de vous présenter à cette élection ?
- Je me suis laissé convaincre pour plusieurs raisons. La première est que, comme je le disais, des gens sont venus me solliciter. D’abord, des agriculteurs de toutes les filières et issus de deux syndicats : Via Campagnola et Mossa Paisana. Mais pas seulement. Des agriculteurs issus d’autres syndicats, d’autres qui n’ont jamais été encartés nulle part, et même des gens issus de la société civile corse et de divers horizons politiques, m’ont demandé d’essayer de trouver une unité et une convergence maximum dans le monde agricole aujourd’hui. Je l’ai déjà dit au moment des vendanges, il faudra que, dans les mois et les années qui viennent, tout le monde travaille main dans la main, de concert, pour relever le défi que nous pose l’adaptation au changement climatique. La deuxième raison, c’est qu’en tant que militant vigneron, j’ai toujours pensé que l’agriculture est un des leviers de développement de la Corse, et pourtant elle n’occupe pas la place qui devrait être la sienne. C’est un combat que je mène depuis longtemps et qui me tient à cœur.
- Vous parlez de synergie, mais dans le monde agricole actuel, chacun songe plutôt à défendre son pré-carré en crise, sans se soucier des autres ?
- Il n’y a pas une seule filière qui ne soit pas en crise ! Nous sommes tous confrontés à des sécheresses récurrentes, au manque d’eau, à la prolifération des maladies, au gel, mais aussi à la nécessité de changer nos comportements, nos modes de production et peut-être certaines cultures. Nous sommes face à une crise agricole multiforme et de grande ampleur : les agriculteurs souffrent, ils sont pris en tenaille entre la hausse des coûts de production, la pression sur les prix et la baisse de leurs revenus. La dernière en date est la filière vinicole avec un plan d’arrachage européen. Et je n’oublie pas la fièvre catarrhale ovine et le frelon asiatique qui menacent de faire des ravages. Il est grand temps que l’Etat français nous donne les moyens de protéger nos frontières comme le font déjà certaines îles ou îles-continents comme la Nouvelle Zélande et l’Australie. Face à ces crises, on ne peut plus jouer filière contre filière, c’est mortifère ! Il est urgent de réagir et de développer le partage et la synergie entre les différentes filières qui doivent s’entraider et travailler dans le même sens pour tirer l’agriculture corse vers le haut. C’est ce que nous avons réussi à faire dans le Nebbiu depuis trois décennies. La viticulture a été longtemps la locomotive du développement, mais elle ne s’est pas développée au détriment des autres filières. Bien au contraire, elle a su entrainer toutes les autres filières sans créer de concurrence, que ce soit d’un point de vue foncier ou économique. L’élevage, l’agriculture et l’apiculture ont bénéficié du développement de la viticulture et toutes ces filières se sont nourries l’une, l’autre. Par exemple, sept mois dans l’année, les éleveurs peuvent aller pâturer dans les vignes. C’est important d’un point de vue qualitatif et foncier. C’est une preuve de travail en synergie dû aussi au fait que le vignoble est entièrement en BIO.
- La défense de la terre a toujours été votre credo en tant que nationaliste, mais dans une île où les prix de l’hectare flambe et dans un contexte de crise, n’est-ce pas un vœu pieu ?
- La Corse est une terre agricole, mais, il est vrai que, malgré les 100 000 hectares sanctuarisés du PADDUC, l’agriculture a du mal à se développer en raison notamment des problèmes de foncier et d’accès à la terre. La rareté fait flamber les prix. Dans le vignoble AOP Luberon, un terrain agricole vierge se négocie à 15 000 € l’hectare et un terrain planté atteint 25 000 € l’hectare. Les viticulteurs de là-bas crient au scandale, que diraient-ils s’ils voyaient les prix pratiqués ici ! Je pense qu’il est temps, au niveau politique générale et au niveau politique agricole, d’avoir une véritable unité pour faire en sorte que l’on puisse avancer, que ce soit sur le problème du foncier, le problème de l’installation des jeunes ou encore le problème de l’eau. Il faudra que, demain, le président de l’ODARC, le futur président de la Chambre régionale d’agriculture et le futur président de la SAFER puissent travailler en synergie pour trouver des solutions. La synergie, c’est vraiment le mot clé !
- Vous vous présentez contre le président sortant. Qu’est-ce qui vous distingue de lui ?
- D’abord, je tiens à dire clairement que je ne me présente contre personne. Je me présente avec des convictions, avec l’envie de bien faire, et pour mettre en application nos idées et le travail que nous avons effectué sur le terrain depuis 20 ans dans le Nebbiu-Conca d’Oru que nous considérons comme un laboratoire de la réussite agricole tant du monde végétal qu’animal. Dans ce contexte de crise, nous devons nous battre pour renforcer et développer l’agriculture corse. Si demain je suis élu, je le répète, j’œuvrerai pour l’unité du monde agricole. Il faut réconcilier le monde agricole avec lui-même, réconcilier les filières entre elles et non plus les opposer comme on l’a souvent fait. Je ne serai pas le président des vignerons, mais bien le président de tous les agriculteurs. Je suis un homme d’ouverture et de dialogue. Je l'ai déjà prouvé dans mon parcours professionnel et politique. J'écoute tout le monde, la réussite sera collective parce qu’on ne peut pas aujourd’hui réussir les uns contre les autres.
Je ne pars pas tout seul. Toute l’équipe, qui m’entoure, représente la diversité et l’unité que je veux porter.
- Etes-vous déjà parti en campagne ?
- Nous balisons le terrain depuis un mois et demi. Les premiers retours, qui nous remontent de toutes les Pieve de Corse, sont plus que positifs. La véritable campagne débute maintenant, elle montera en puissance courant octobre avec la présentation de la liste qui se fera certainement à Corti. Cette liste sera à l’image de tout ce que je viens de dire, à l’image de la diversité du monde agricole, des filières et des syndicats. En attendant, j’ai encore beaucoup de monde à rencontrer et à écouter pour bien comprendre les problèmes spécifiques des filières et des territoires. Il est important que la Chambre d’agriculture soit l’outil le plus performant possible pour tous les agriculteurs qui nourrissent la population. Quand on voit ce qui se passe en Ukraine, ou ailleurs sur la planète où il suffit d’un conflit pour déstabiliser l’approvisionnement en denrées alimentaires, ou lors du COVID qui a démontré l’importance des circuits courts, l’agriculture est, plus que jamais, un atout et une nécessité pour la Corse. Encore faut-il s’en donner les moyens ! Nous sommes face à un immense défi qui est, d’abord et avant tout, un défi d’indépendance alimentaire. Nous devons faire en sorte que tout le monde puisse vivre et bien vivre de son activité tout en promouvant une agriculture respectueuse de notre terre et de ce que nous sommes.
Propos recueillis par Nicole MARI.
- Je confirme effectivement ma candidature à la présidence régionale de la Chambre d’agriculture dont l’élection se tiendra au mois de janvier. Cela fait plus d’une année que l’on me sollicite et que je suis fortement incité à me présenter. Après mûre réflexion avec des amis, de tous bords et de toutes tendances politiques, et l’appui de certains syndicats agricoles, nous avons validé ma candidature dans le courant du mois d’août. Ce ne fut pas une décision facile à prendre, mais je suis, à la fois, un vigneron par passion, un paysan dans l’esprit et la tradition familiale, et un militant nationaliste depuis l’adolescence, je ne pouvais pas, en conscience, me dérober à la demande pressante que l’on me fait depuis plusieurs mois.
- Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à accepter de vous présenter à cette élection ?
- Je me suis laissé convaincre pour plusieurs raisons. La première est que, comme je le disais, des gens sont venus me solliciter. D’abord, des agriculteurs de toutes les filières et issus de deux syndicats : Via Campagnola et Mossa Paisana. Mais pas seulement. Des agriculteurs issus d’autres syndicats, d’autres qui n’ont jamais été encartés nulle part, et même des gens issus de la société civile corse et de divers horizons politiques, m’ont demandé d’essayer de trouver une unité et une convergence maximum dans le monde agricole aujourd’hui. Je l’ai déjà dit au moment des vendanges, il faudra que, dans les mois et les années qui viennent, tout le monde travaille main dans la main, de concert, pour relever le défi que nous pose l’adaptation au changement climatique. La deuxième raison, c’est qu’en tant que militant vigneron, j’ai toujours pensé que l’agriculture est un des leviers de développement de la Corse, et pourtant elle n’occupe pas la place qui devrait être la sienne. C’est un combat que je mène depuis longtemps et qui me tient à cœur.
- Vous parlez de synergie, mais dans le monde agricole actuel, chacun songe plutôt à défendre son pré-carré en crise, sans se soucier des autres ?
- Il n’y a pas une seule filière qui ne soit pas en crise ! Nous sommes tous confrontés à des sécheresses récurrentes, au manque d’eau, à la prolifération des maladies, au gel, mais aussi à la nécessité de changer nos comportements, nos modes de production et peut-être certaines cultures. Nous sommes face à une crise agricole multiforme et de grande ampleur : les agriculteurs souffrent, ils sont pris en tenaille entre la hausse des coûts de production, la pression sur les prix et la baisse de leurs revenus. La dernière en date est la filière vinicole avec un plan d’arrachage européen. Et je n’oublie pas la fièvre catarrhale ovine et le frelon asiatique qui menacent de faire des ravages. Il est grand temps que l’Etat français nous donne les moyens de protéger nos frontières comme le font déjà certaines îles ou îles-continents comme la Nouvelle Zélande et l’Australie. Face à ces crises, on ne peut plus jouer filière contre filière, c’est mortifère ! Il est urgent de réagir et de développer le partage et la synergie entre les différentes filières qui doivent s’entraider et travailler dans le même sens pour tirer l’agriculture corse vers le haut. C’est ce que nous avons réussi à faire dans le Nebbiu depuis trois décennies. La viticulture a été longtemps la locomotive du développement, mais elle ne s’est pas développée au détriment des autres filières. Bien au contraire, elle a su entrainer toutes les autres filières sans créer de concurrence, que ce soit d’un point de vue foncier ou économique. L’élevage, l’agriculture et l’apiculture ont bénéficié du développement de la viticulture et toutes ces filières se sont nourries l’une, l’autre. Par exemple, sept mois dans l’année, les éleveurs peuvent aller pâturer dans les vignes. C’est important d’un point de vue qualitatif et foncier. C’est une preuve de travail en synergie dû aussi au fait que le vignoble est entièrement en BIO.
- La défense de la terre a toujours été votre credo en tant que nationaliste, mais dans une île où les prix de l’hectare flambe et dans un contexte de crise, n’est-ce pas un vœu pieu ?
- La Corse est une terre agricole, mais, il est vrai que, malgré les 100 000 hectares sanctuarisés du PADDUC, l’agriculture a du mal à se développer en raison notamment des problèmes de foncier et d’accès à la terre. La rareté fait flamber les prix. Dans le vignoble AOP Luberon, un terrain agricole vierge se négocie à 15 000 € l’hectare et un terrain planté atteint 25 000 € l’hectare. Les viticulteurs de là-bas crient au scandale, que diraient-ils s’ils voyaient les prix pratiqués ici ! Je pense qu’il est temps, au niveau politique générale et au niveau politique agricole, d’avoir une véritable unité pour faire en sorte que l’on puisse avancer, que ce soit sur le problème du foncier, le problème de l’installation des jeunes ou encore le problème de l’eau. Il faudra que, demain, le président de l’ODARC, le futur président de la Chambre régionale d’agriculture et le futur président de la SAFER puissent travailler en synergie pour trouver des solutions. La synergie, c’est vraiment le mot clé !
- Vous vous présentez contre le président sortant. Qu’est-ce qui vous distingue de lui ?
- D’abord, je tiens à dire clairement que je ne me présente contre personne. Je me présente avec des convictions, avec l’envie de bien faire, et pour mettre en application nos idées et le travail que nous avons effectué sur le terrain depuis 20 ans dans le Nebbiu-Conca d’Oru que nous considérons comme un laboratoire de la réussite agricole tant du monde végétal qu’animal. Dans ce contexte de crise, nous devons nous battre pour renforcer et développer l’agriculture corse. Si demain je suis élu, je le répète, j’œuvrerai pour l’unité du monde agricole. Il faut réconcilier le monde agricole avec lui-même, réconcilier les filières entre elles et non plus les opposer comme on l’a souvent fait. Je ne serai pas le président des vignerons, mais bien le président de tous les agriculteurs. Je suis un homme d’ouverture et de dialogue. Je l'ai déjà prouvé dans mon parcours professionnel et politique. J'écoute tout le monde, la réussite sera collective parce qu’on ne peut pas aujourd’hui réussir les uns contre les autres.
Je ne pars pas tout seul. Toute l’équipe, qui m’entoure, représente la diversité et l’unité que je veux porter.
- Etes-vous déjà parti en campagne ?
- Nous balisons le terrain depuis un mois et demi. Les premiers retours, qui nous remontent de toutes les Pieve de Corse, sont plus que positifs. La véritable campagne débute maintenant, elle montera en puissance courant octobre avec la présentation de la liste qui se fera certainement à Corti. Cette liste sera à l’image de tout ce que je viens de dire, à l’image de la diversité du monde agricole, des filières et des syndicats. En attendant, j’ai encore beaucoup de monde à rencontrer et à écouter pour bien comprendre les problèmes spécifiques des filières et des territoires. Il est important que la Chambre d’agriculture soit l’outil le plus performant possible pour tous les agriculteurs qui nourrissent la population. Quand on voit ce qui se passe en Ukraine, ou ailleurs sur la planète où il suffit d’un conflit pour déstabiliser l’approvisionnement en denrées alimentaires, ou lors du COVID qui a démontré l’importance des circuits courts, l’agriculture est, plus que jamais, un atout et une nécessité pour la Corse. Encore faut-il s’en donner les moyens ! Nous sommes face à un immense défi qui est, d’abord et avant tout, un défi d’indépendance alimentaire. Nous devons faire en sorte que tout le monde puisse vivre et bien vivre de son activité tout en promouvant une agriculture respectueuse de notre terre et de ce que nous sommes.
Propos recueillis par Nicole MARI.