- La CLE organise son colloque ce vendredi, placé sous le thème « Nos communes face à la pauvreté ». Pourquoi est-ce ce thème qui a été choisi cette année ?
- Parce que la commune est le théâtre quotidien de la pauvreté, et je dirais même de la misère. Un maire, une équipe municipale, une assistante sociale, un centre communal d’action sociale font en permanence face à des demandes aiguës, urgentes, dramatiques de type d’une aide financière pour payer une note d’eau, pour prévenir une expulsion, ou pour aider un enfant qui a des difficultés scolaires. Ils sont quotidiennement dans l’action et dans l’urgence. Ce que l’on voudrait, c’est prendre du recul à partir de cela, et montrer que certaines communes ont pris des initiatives qui peuvent intéresser les autres. Ce forum des bonnes idées n’existe pas vraiment, et nous voudrions le susciter.
- Justement, au programme sont prévus des échanges avec des témoins venus d’ailleurs, mais aussi des élus insulaires. Il est important d’avoir de tels retours d’expérience ?
- Oui, et puis ce que je dis c’est que les experts seront autant sur la scène que dans la salle, puisqu’il y a beaucoup de maires et de gens expérimentés qui seront présents. Ils auront la parole, ils ne seront pas là seulement pour écouter. C’est un peu l’idée. Je crois qu’on aura deux indicateurs de réussite : c’est qu’à la findu colloque les gens ne se quittent pas, se parlent et échangent leurs adresses, et qu’on duplique ce colloque ailleurs en Corse, et que l’année prochaine on prenne un thème qui s’en approche et que les maires s’en emparent.
- Le territoire corse était déjà fortement touché par la précarité avant le Covid. La misère explose d’autant plus aujourd’hui du fait de la crise sanitaire, et est encore aggravée avec une guerre aux portes de l’Europe. Il est indispensable plus que jamais de mettre le doigt sur les causes de cette précarité galopante ?
- Bien sûr. Il y a aujourd’hui trois causes : la guerre qui est en Europe, et cela est un accélérateur ; la crise climatique qui va avoir un fort impact de différentes façons ; et cette épidémie et il y en aura d’autres. Donc nous avons trois grands malheurs qui sont tombés sur une précarité qui déjà s’aggravait. Nous, nous sommes dans le symptôme. Je compare toujours cela à l’hôpital. Nous avons le rôle des urgentistes et du Samu : on nous appelle et nous intervenons sur un symptôme terminal d’une maladie déjà très avancée.Pour les maires, c’est un peu la même chose. Il faut faire tout cela, bien sûr. Mais, dans un bon hôpital, il n’y a pas que des urgentistes, il y a aussi des spécialistes, des soins de suite, de la médecine préventive, et puis de la prévention et de la recherche. Il faut la même chose pour la pauvreté, c’est-à-dire analyser les causes, et on les connaît de mieux en mieux, et agir en amont sur les causes, parce que la pauvreté que nous observons n’est pas le fruit du hasard : elle est structurelle. Il y a plus de 100 ans, Victor Hugo disait dans un discours à l’Assemblée nationale que « la pauvreté est l’œuvre des hommes, seuls les hommes peuvent la détruire ». Ces propos ont été repris par Joseph Wresinsky qui a fondé ATD Quart-Monde. Cela veut dire que cette pauvreté est construite de nos mains. Cette guerre par exemple, elle n’est pas venue de l’explosion d’un volcan. Cette crise climatique, elle n’est pas venue d’un tremblement de terre. Cette épidémie n’est pas née par hasard. Tout cela est l’œuvre des hommes. Nous pouvons prévenir ces crises, nous pouvons les guérir, nous pouvons éviter qu’elles ne se répètent et nous pouvons faire de la recherche dans des mesures intelligentes qui vont réduire tous ces facteurs, qui provoquent mécaniquement la pauvreté.
- Du fait de toutes ces causes que vous venez de citer, le visage de la misère a-t-il changé en Corse ? Au sein de vos différentes associations, rencontrez-vous de nouveaux publics qui sont touchés par cette misère ?
- Oui, le visage de la misère a changé, tout d’abord parce que maintenant, et cela fait un petit moment, les liens familiaux et sociaux se délitent pour beaucoup de raisons, or ils sont les deux premiers remparts contre la pauvreté. Quelqu’un qui n’a plus de famille et qui n’a pas de liens sociaux est tout nu devant la pauvreté, il est très fragilisé et en danger de mort. Désormais, on voit des tas de gens qui sont touchés par la misère qu’on ne voyait pas avant, à commencer par les femmes, les familles avec des enfants, les personnes âgées ou encore les jeunes. Toutes les classes de la société sont maintenant touchées, et avec la crise des personnes qui étaient dans la moyenne vont tomber dans la pauvreté parce que les prix augmentent et pas leurs salaires. Ils vont être surpris, car ils ne sont pas préparés à cela. Nous savons que cet hiver, pour certains, il va falloir faire un choix entre se chauffer et se nourrir. Et cela va être grave et explosif, car ce sont des gens qui ont des réseaux sociaux, qui ont une place dans la société et qui tout d’un coup vont devoir aller faire la queue aux Restos du Cœur et cela, ils ne l’admettront pas.
- Comment mettre un coup d’arrêt à cette misère qui augmente ? Quelles actions peuvent être mises en place, notamment à l’échelle des communes ?
- Tout cela est politique. Il y a trois étages. Tout d’abord, au niveau de la commune il faut que les maires soient entendus, soient aidés, il faut qu’on leur donne les bonnes solutions et les moyens d’agir, car ce sont eux qui sont au plus proche du problème. Puis, il y a l’étage territorial où remontent tous les besoins et les demandes des communes. Notre collectivité est armée pour cela, car elle dispose d’une conseillère exécutive dédiée à ce sujet et d’un plan pauvreté. Si tous les besoins des communes se ressemblent, il faut donc prendre des mesures pour y répondre parce que les communes n’ont pas tous les moyens. Et puis il y a l’étage national, c’est-à-dire que tous les territoires de France vont faire remonter leurs besoins, et si on les reçoit et qu’on les écoute, on aura une véritable politique contre la pauvreté.Ce que je demande, face à un problème qui touche maintenant 10 à 15 millions de personnes et qui augmente, c’est qu’on arrête de faire de l’aide sociale, des allocations, du saupoudrage seulement, mais qu’on nous créé une cellule qui fasse de la prévention, de la recherche, de l’expérimentation, ce qui en politique s’appelle un ministère dédié à ce problème. Or, là, on n’a pas de ministère à la taille de ce problème. Il faut un ministère entièrement dédié à la lutte contre la pauvreté.
- Dans cette entreprise, au niveau local, quel rôle de la CLE et les associations qui la composent ont à jouer ?
- Notre but à la CLE c’est de faire reculer la pauvreté par nos actions quotidiennes, par nos témoignages, ou encore par les coordinations que l’on peut faciliter avec tous les acteurs qui ont une prise sur le problème, et notamment les acteurs politiques. Nous avons donc un rôle de témoins, de facilitateurs, parce que nous sommes crédibles, nous agissons depuis des dizaines d’années tous les jours, et même la nuit, auprès des plus pauvres. C’est-à-dire que nous sommes en droit d’être écoutés.Nous disons simplement que la pauvreté augmente, les associations n’y arrivent plus toutes seules, nous faisons de l’urgence, mais nous ne faisons pas du traitement de fond, nous avons besoin de vous.
- Parce que la commune est le théâtre quotidien de la pauvreté, et je dirais même de la misère. Un maire, une équipe municipale, une assistante sociale, un centre communal d’action sociale font en permanence face à des demandes aiguës, urgentes, dramatiques de type d’une aide financière pour payer une note d’eau, pour prévenir une expulsion, ou pour aider un enfant qui a des difficultés scolaires. Ils sont quotidiennement dans l’action et dans l’urgence. Ce que l’on voudrait, c’est prendre du recul à partir de cela, et montrer que certaines communes ont pris des initiatives qui peuvent intéresser les autres. Ce forum des bonnes idées n’existe pas vraiment, et nous voudrions le susciter.
- Justement, au programme sont prévus des échanges avec des témoins venus d’ailleurs, mais aussi des élus insulaires. Il est important d’avoir de tels retours d’expérience ?
- Oui, et puis ce que je dis c’est que les experts seront autant sur la scène que dans la salle, puisqu’il y a beaucoup de maires et de gens expérimentés qui seront présents. Ils auront la parole, ils ne seront pas là seulement pour écouter. C’est un peu l’idée. Je crois qu’on aura deux indicateurs de réussite : c’est qu’à la findu colloque les gens ne se quittent pas, se parlent et échangent leurs adresses, et qu’on duplique ce colloque ailleurs en Corse, et que l’année prochaine on prenne un thème qui s’en approche et que les maires s’en emparent.
- Le territoire corse était déjà fortement touché par la précarité avant le Covid. La misère explose d’autant plus aujourd’hui du fait de la crise sanitaire, et est encore aggravée avec une guerre aux portes de l’Europe. Il est indispensable plus que jamais de mettre le doigt sur les causes de cette précarité galopante ?
- Bien sûr. Il y a aujourd’hui trois causes : la guerre qui est en Europe, et cela est un accélérateur ; la crise climatique qui va avoir un fort impact de différentes façons ; et cette épidémie et il y en aura d’autres. Donc nous avons trois grands malheurs qui sont tombés sur une précarité qui déjà s’aggravait. Nous, nous sommes dans le symptôme. Je compare toujours cela à l’hôpital. Nous avons le rôle des urgentistes et du Samu : on nous appelle et nous intervenons sur un symptôme terminal d’une maladie déjà très avancée.Pour les maires, c’est un peu la même chose. Il faut faire tout cela, bien sûr. Mais, dans un bon hôpital, il n’y a pas que des urgentistes, il y a aussi des spécialistes, des soins de suite, de la médecine préventive, et puis de la prévention et de la recherche. Il faut la même chose pour la pauvreté, c’est-à-dire analyser les causes, et on les connaît de mieux en mieux, et agir en amont sur les causes, parce que la pauvreté que nous observons n’est pas le fruit du hasard : elle est structurelle. Il y a plus de 100 ans, Victor Hugo disait dans un discours à l’Assemblée nationale que « la pauvreté est l’œuvre des hommes, seuls les hommes peuvent la détruire ». Ces propos ont été repris par Joseph Wresinsky qui a fondé ATD Quart-Monde. Cela veut dire que cette pauvreté est construite de nos mains. Cette guerre par exemple, elle n’est pas venue de l’explosion d’un volcan. Cette crise climatique, elle n’est pas venue d’un tremblement de terre. Cette épidémie n’est pas née par hasard. Tout cela est l’œuvre des hommes. Nous pouvons prévenir ces crises, nous pouvons les guérir, nous pouvons éviter qu’elles ne se répètent et nous pouvons faire de la recherche dans des mesures intelligentes qui vont réduire tous ces facteurs, qui provoquent mécaniquement la pauvreté.
- Du fait de toutes ces causes que vous venez de citer, le visage de la misère a-t-il changé en Corse ? Au sein de vos différentes associations, rencontrez-vous de nouveaux publics qui sont touchés par cette misère ?
- Oui, le visage de la misère a changé, tout d’abord parce que maintenant, et cela fait un petit moment, les liens familiaux et sociaux se délitent pour beaucoup de raisons, or ils sont les deux premiers remparts contre la pauvreté. Quelqu’un qui n’a plus de famille et qui n’a pas de liens sociaux est tout nu devant la pauvreté, il est très fragilisé et en danger de mort. Désormais, on voit des tas de gens qui sont touchés par la misère qu’on ne voyait pas avant, à commencer par les femmes, les familles avec des enfants, les personnes âgées ou encore les jeunes. Toutes les classes de la société sont maintenant touchées, et avec la crise des personnes qui étaient dans la moyenne vont tomber dans la pauvreté parce que les prix augmentent et pas leurs salaires. Ils vont être surpris, car ils ne sont pas préparés à cela. Nous savons que cet hiver, pour certains, il va falloir faire un choix entre se chauffer et se nourrir. Et cela va être grave et explosif, car ce sont des gens qui ont des réseaux sociaux, qui ont une place dans la société et qui tout d’un coup vont devoir aller faire la queue aux Restos du Cœur et cela, ils ne l’admettront pas.
- Comment mettre un coup d’arrêt à cette misère qui augmente ? Quelles actions peuvent être mises en place, notamment à l’échelle des communes ?
- Tout cela est politique. Il y a trois étages. Tout d’abord, au niveau de la commune il faut que les maires soient entendus, soient aidés, il faut qu’on leur donne les bonnes solutions et les moyens d’agir, car ce sont eux qui sont au plus proche du problème. Puis, il y a l’étage territorial où remontent tous les besoins et les demandes des communes. Notre collectivité est armée pour cela, car elle dispose d’une conseillère exécutive dédiée à ce sujet et d’un plan pauvreté. Si tous les besoins des communes se ressemblent, il faut donc prendre des mesures pour y répondre parce que les communes n’ont pas tous les moyens. Et puis il y a l’étage national, c’est-à-dire que tous les territoires de France vont faire remonter leurs besoins, et si on les reçoit et qu’on les écoute, on aura une véritable politique contre la pauvreté.Ce que je demande, face à un problème qui touche maintenant 10 à 15 millions de personnes et qui augmente, c’est qu’on arrête de faire de l’aide sociale, des allocations, du saupoudrage seulement, mais qu’on nous créé une cellule qui fasse de la prévention, de la recherche, de l’expérimentation, ce qui en politique s’appelle un ministère dédié à ce problème. Or, là, on n’a pas de ministère à la taille de ce problème. Il faut un ministère entièrement dédié à la lutte contre la pauvreté.
- Dans cette entreprise, au niveau local, quel rôle de la CLE et les associations qui la composent ont à jouer ?
- Notre but à la CLE c’est de faire reculer la pauvreté par nos actions quotidiennes, par nos témoignages, ou encore par les coordinations que l’on peut faciliter avec tous les acteurs qui ont une prise sur le problème, et notamment les acteurs politiques. Nous avons donc un rôle de témoins, de facilitateurs, parce que nous sommes crédibles, nous agissons depuis des dizaines d’années tous les jours, et même la nuit, auprès des plus pauvres. C’est-à-dire que nous sommes en droit d’être écoutés.Nous disons simplement que la pauvreté augmente, les associations n’y arrivent plus toutes seules, nous faisons de l’urgence, mais nous ne faisons pas du traitement de fond, nous avons besoin de vous.
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