Corse Net Infos - Pure player corse

Il y a 30 ans, Serge Martinelli périssait dans l’incendie de Felicetu


François Daumont le Dimanche 25 Août 2024 à 11:50

Serge Martinelli est l’un des huit soldats du feu tombés en Balagne dans l’accomplissement de leur devoir. Depuis ce jeudi 25 août 1994 tragique de Felicetu, la famille fait dire une messe au village et une cérémonie se tient près de la stèle érigée dans la vallée du Réginu. Au fil des ans, le nombre de participants a diminué, seule une poignée de bénévoles présents lors du drame, quelques élus, des sapeurs-pompiers de Balagne et cadres du SIS 2B, continuent de perpétuer le souvenir de cette tragédie.



 Le jeudi 25 août 1994, à 18 h 08, un incendie d’origine volontaire se déclare au lieu-dit « E Prove », sur la départementale 13, commune de Felicetu. Une patrouille du centre de première intervention de Santa-Reparata-di-Balagna, en surveillance, signale et tente en vain de contenir le sinistre. Poussées par de violentes rafales de Libecciu, les flammes dépassent rapidement la zone d’action utile des premiers intervenants.


Alors que les pompiers s’efforcent déjà depuis le début de l’après-midi de protéger le camping « Panoramic » à Lumio, et que d’autres feux ravagent la région, notamment dans le Giussani, les comités communaux de feux de forêt qui bordent la plaine se lancent dans une course contre la montre. Leur objectif : ralentir la progression de l’incendie qui menace de franchir la départementale 113.
C’est à ce moment critique que des avions bombardiers d’eau, initialement déployés à Lumio, sont redirigés vers Felicetu et reçoivent l’ordre d’intervenir. Ignorant la présence de bénévoles au sol, un avion « Tracker » largue sa cargaison de retardant en avant des flammes. Malheureusement, cette intervention frappe de plein fouet Serge Martinelli, un jeune volontaire de Nessa, ne lui laissant aucune chance de survie. Au-delà de l’acte délibéré qui a provoqué cette tragédie, la question de l’absence d’une coordination efficace avec les moyens communaux s’est posée de manière dramatique ce jour-là.


Serge Martinelli est l’un des huit soldats du feu tombés en Balagne dans l’accomplissement de leur devoir : le gendarme Pascal Beneito à Lumio le 20 août 1986, Jean-Antoine Guidoni, Forestier-Sapeur à Calenzana le 24 août 1987, Philippe Gallet, pilote du Tracker 3, le 24 septembre 1990 à Calenzana, Nicolas Cameau et Pascal Fauvel, sapeurs-sauveteurs de l’UIISC 5 de Corte le 17 septembre 2000 à Palasca, Ludovic Piasentin et Jean-Louis de Benedict, pilotes du Pélican 36, le 1er août 2005 à Calvi.
Depuis ce jour tragique, chaque 25 août, la famille fait dire une messe au village et une cérémonie se tient près de la stèle érigée dans la vallée du Reginu, si chère à Serge Martinelli. Au fil des ans, le nombre de participants a diminué, seule une poignée de bénévoles présents lors du drame, quelques élus, des sapeurs-pompiers de Balagne et cadres du SIS 2B, continuent de perpétuer le souvenir de cette tragédie. Une tragédie qui a à jamais meurtri une famille honorablement connue et respectée.


Les obsèques de Serge Martinelli à Nessa le 27 août 1994, marquées par une tension palpable, restent gravées dans les mémoires. Plus de 2 000 personnes venues de toute la Corse s’étaient rassemblées autour du cercueil, entouré par les bénévoles des comités communaux, pour témoigner leur soutien à la famille endeuillée. La dignité et la détresse de la famille Martinelli en ces circonstances douloureuses ont profondément ému l’assistance. Peu après le drame, le poète Michel Frassati a rendu hommage à Serge Martinelli en écrivant une chanson émouvante pour le groupe A Filetta, intitulée « A Sergiu ».


Trente ans ont passé, mais les cicatrices profondes laissées par cette perte ne se referment jamais vraiment pour la famille Martinelli. La mort tragique de ce jeune et attachant sauveteur bénévole continue de hanter les esprits. On ne devrait pas mourir à 23 ans dans de telles circonstances. Plus grave encore, la société corse, à quelques exceptions près, n’a pas vraiment réussi à se désolidariser et faire échec à ces pyromanes « nustrali », connus de tous et motivés par le profit, la jalousie, ou des pulsions destructrices.


Serge Martinelli restera à jamais l’un des 29 martyrs dont les noms ornent les stèles érigées à travers l’île. Les proches de ces héros, quant à eux,  sont à l’instar d’autres victimes de crimes, condamnés à souffrir à perpétuité sans que rien n’y fasse, d’autant que peu d’affaires ont été élucidées ces soixante dernières années. Il appartient donc aux Corses de préserver leur mémoire, car sans ce devoir de mémoire, le risque est grand de croire que ces hommes sont morts en vain. Alors ce serait une seconde mort pour Serge Martinelli et les autres, qui ont donné leurs vies pleines de promesses,  pour sauver les nôtres.