Il est 17 heures, ce jeudi 10 mars, les collégiens et lycéens commencent à arriver devant la préfecture de Bastia. Les forces de l'ordre sont présentes. Tout est calme seulement en apparence, car un groupe de jeunes arrive déjà cagoulé et prêt à affronter les CRS. La seule motivation de cette minorité est d'exprimer uniquement la violence.
Antoine*, 14 ans, arrive sur sa trottinette, masque sur le visage, entouré de lycéens qui l'attisent. Il prend la parole '"la violence je suis pour." Ce collégien ne sait pas pourquoi il est là ce soir, ceux qui l'entourent lui soufflent la réponse "pour Yvan'" Ils poursuivent "il vaut mieux emmerder les CRS, plutôt qu'ils boivent le café tranquilles dans leur camion".
"Si je ne me fais pas entendre en parlant, alors je chante"
Plus éloignées des grilles de la préfecture, six lycéennes effarées observent leurs camarades. Stella* a 17 ans, scolarisée au lycée de Montesoru, elle participe tous les soirs depuis lundi aux manifestations en soutien à Yvan Colonna mais elle ne comprend pas la violence qui les anime, "bien sûr je suis contre ce que l'Etat a fait, je ne peux pas laisser ma rancœur de côté, mais je ne participe pas à la violence. Je vois que les jeunes font des cocktails Molotov, je reste à l'écart, je ne pars pas parce que je ne suis pas lâche, alors oui je suis à l'écart, mais je suis là pour soutenir Yvan et sa famille". Ce jeudi matin au lycée, Stella a distribué 1 250 tracts en soutien à Yvan Colonna.
Lycéenne aussi, Carla* comme d'autres a rencontré Michel Castellani devant son établissement scolaire, elle "il nous a expliqué la situation, on lui a posé des questions, il nous a écoutés et on s'est fait entendre, si je ne me fais pas entendre en parlant, je chante, et d'ailleurs ce matin j'ai chanté Monte Cristu devant M. Castellani, et ça nous a fait plaisir qu'il s'intéresse à nous. Il nous a demandé de ne pas utiliser la violence, mais ce qui se passe ici le soir c'est dangereux".
Atterrés par l'agressivité
Le groupe des non-violents s'élargit et semble atterré par ce déferlement d'agressivité. Pour certains, c'est comme un jeu vidéo. Ils ne se rendent pas compte que c'est la réalité. Il est 18 heures, Julie*, lycéenne au Fangu est tout aussi abasourdie voyant des jeunes qui maintenant se battent entre eux devant les grilles de la préfecture. Elle ne comprend pas "ils ne sont pas tous là pour soutenir Yvan et sa famille, certains ne savent même pas de qui il s'agit. Ils sont juste là pour frapper des flics, pour s'amuser. Pour certains, c'est comme un jeu vidéo. Ils ne se rendent pas compte que c'est la réalité. Moi, je ne vais pas devant, mais je veux passer le message du peuple Corse, parce qu'on n'est pas contents, on veut des excuses de l'état, c'est à cause d'eux ce drame, tout le monde le pense".
Des enfants de 10 ans parmi les manifestants
La tension monte, les jeunes arrivent plus nombreux, ceux-là on déjà dissimulé leur visage derrière des casques de moto, des lunettes de ski. Ils sont prêts à l'affrontement et bien loin de l'appel au calme de la famille Colonna.
Parmi eux, des enfants à peine âgés de 12 ans portant masques et lunettes de ski se réjouissent du spectacle navrant. Provoquées par les jeunes, les forces de l'ordre répliquent par des jets de bombes lacrymogènes.
Dorénavant, ces jeunes goûtent avec fierté la violence, tandis que beaucoup d'autres sont partis ne cachant pas leur désolation devant cette tempête violente à laquelle ils n'adhèrent pas.
21 heures, le calme semble être revenu, deux enfants rentrent chez eux toujours cagoulés, ils ont quitté la préfecture, l'un a 16 ans et l'autre a juste 10 ans, acteurs de Call of duty ou Fortnite, la partie de jeu est terminée ce soir.
Peut-être une berceuse résonnera dans les oreilles de ce petit groupe de jeunes en perdition.
A populu fattu, bisogna à marchjà' pour un réveil dans la sérénité ?
* Les prénoms ont été changés