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Interdiction de l’usage du corse à l’Assemblée : la Collectivité de Corse se portera en cassation


le Vendredi 31 Janvier 2025 à 20:27

Lors de la session de l'Assemblée de Corse de ce vendredi, Gilles Simeoni a présenté un rapport visant à informer les élus du recours en cassation qu'il entend former au nom de la Collectivité de Corse contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 19 novembre dernier, qui était venu annuler les dispositions du règlement intérieur relatives à l'usage de la langue corse.



(Photo : Paule Santoni)
(Photo : Paule Santoni)
« La contestation était inéluctable ». Le 19 novembre dernier, la cour administrative d’appel de Marseille venait confirmer le jugement rendu en première instance par le tribunal administratif de Bastia annulant les dispositions des règlements intérieurs de l’Assemblée de Corse et du conseil exécutif de Corse qui prévoyaient la possibilité d’échanger en langue corse durant les séances. Pour mémoire, ces dispositions relatives au bilinguisme avaient initialement fait l’objet d’un déféré préfectoral, au motif qu’elles seraient « contraires aux dispositions de l’article 2 de la Constitution française ». Pour autant, le conseil exécutif n’entend pas baisser les bras. Comme il l'avait annoncé en novembre dernier, lors de la session de l’Assemblée de Corse de ce vendredi, Gilles Simeoni a présenté à l’hémicycle un rapport d’information ayant pour objet d’informer les élus de son intention de se pourvoir en cassation au nom de la Collectivité de Corse dans cette affaire. Une décision triplement motivée selon le président de l’Exécutif.
 
« Ce recours est important, puisque la décision de la cour administrative de Marseille a non seulement confirmé le jugement du tribunal administratif de Bastia, mais y a aussi ajouté un considérant qui est extrêmement grave, dans la mesure où il condamne la langue corse non pas seulement à la disparition dans notre institution, mais à la marginalité dans la vie publique », déplore-t-il, « Or, une langue qui ne peut pas être utilisée dans l’espace public est condamné à devenir d’abord folklorique et ensuite une langue morte. C’est un arrêt qui condamne la langue corse à mort ». Par ailleurs, Gilles Simeoni relève également que cet arrêt est en opposition avec le projet d’écritures constitutionnelles relatif au statut d’autonomie de la Corse, tout comme il est « en contradiction fondamentale avec les positions prises par l’Assemblée de Corse » depuis plusieurs décennies. Il rappelle ainsi qu’au fil des mandatures, et peu importe les opinions et groupes politiques, nombreux sont les élus insulaires qui ont choisi de s’exprimer régulièrement en corse en séance publique. Enfin, le président de l’Exécutif soulève que cet arrêt, tout comme celui de 1ère instance, sont critiquables au regard des droits et principes consacrés par les textes européens et internationaux en matière de droits fondamentaux, pointant notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de l’ONU ou encore la Charte européenne des droits fondamentaux. « Ces textes créent un environnement juridique international favorable à nos arguments », souligne-t-il en avançant également que « la cour européenne des droits de l’Homme consacre et organise la reconnaissance des droits linguistiques ».
 
« Pour ces trois catégories de raisons, il semble indispensable et naturel d’aller en cassation. Cela permet également, le cas échéant, de pouvoir remplir la condition d’épuisement des voies de recours internes et d’éventuellement saisir notamment la Cour Européenne des Droits de l’Homme », expose-t-il en dévoilant que c’est « une stratégie de combat judiciaire qui est proposée à travers ce pourvoi ». « Mais cette stratégie n’est pas exclusive du combat politique que nous menons pour la révision de la Constitution. Si d’ici fin 2025 nous atteignons les objectifs qui sont les nôtres en matière constitutionnelle, ce pourvoi n’aura pas lieu d’être parce que la révision de la Constitution organisera à tout le moins la consécration constitutionnelle du statut de la langue corse », précise-t-il en ajoutant encore : « L’intérêt du pourvoi est de nous permettre de ne pas rester en l’état de cette décision qui est extrêmement dangereuse ».
 
Si l’ensemble de l’hémicycle se montre plutôt favorable à cette décision de porter l’affaire devant la Conseil d'État, sur les bancs d’Avanzemu, Saveriu Luciani tient à mettre en exergue que « les langues ne se décrètent pas » et que « les signatures ne font pas les cultures », tout en insistant sur la nécessité de « prendre en compte l’urgence linguistique » avec des mesures concrètes. « Pour nous l’important c’est d’essayer d’avancer. J’attends qu’on prenne vraiment en compte cette urgence linguistique. Nous sommes à un point de bascule civilisationnel. Et le temps se fout des décisions des tribunaux », argue-t-il. De son côté, Josepha Giacometti Piredda, la conseillère territoriale de Nazione en profite pour glisser que si les élus corses souhaitent une vraie coofficialité, il conviendra de l’inscrire dans le cadre de l’évolution constitutionnelle. « Et non pas d’accepter seulement la mise en place d’un service public de la langue. Soyons clairs sur ce que nous voulons », cingle-t-elle en glissant par ailleurs : « Si vous voulez vraiment mettre en place un véritable rapport de force politique au niveau juridique, commencez par traduire tous les actes administratifs de cette assemblée des offices et agences en langue corse ». Enfin, le leader de Core in Fronte, Paul-Félix Benedetti avertit : si un tel recours devant la plus haute juridiction devait échouer, « le risque est de sacraliser la négation du corse ». 
 
Gilles Simeoni tentera de rassurer les esprits en indiquant que ce pourvoi est « fait à titre conservatoire ». « On peut même espérer que la révision constitutionnelle intervienne avant l’examen de ce pourvoi », estime-t-il en posant : « Mais nous étions obligés de faire un recours. Car si nous nous accommodons d’une décision préfectorale qui vient nous dire que notre règlement intérieur voté à l’unanimité est illégal parce qu’il a pour objet le droit de parler corse, cela veut dire qu’on accepte tout ».