Des cagettes qui n'arrivent plus, des fruits que l'on ne peut plus conditionner, du matériel qui commence à rester à quai de l'autre côté de la Méditerranée : l'impatience commence à gagner les rangs des agriculteurs.
Pour ce producteur de fruits d'été, le pire peut même survenir si une solution n'est pas trouvée rapidement. "Il y a 90 emplois à la clef. S'il ne peut pas conditionner ses fruits il sera contraints de débaucher 90 personnes. Dans une région où l'on n'est pas particulièrement gâtés sur ce plan, peut-on se permettre ce luxe ?" interrogeait cet agriculteur.
"C'est une situation que l'on pouvait anticiper. Au lieu de cela on a laissé pourrir la situation".
Pour la profession il est grand temps que l'on trouve une solution. A défaut, elle sera contrainte une fois de plus de mettre un genou à terre.
Ce dont Joseph Colombani, président de la chambre régionale d'agriculture ne veut pas.
Joseph Colombani : "Le responsable c'est l'Etat"
- La Corse encore une fois bloquée ?
- Elle est bloquée une nouvelle fois par les marins de la CGT du port de Marseille alors que nous avons besoin, et nous le disons depuis longtemps, de notre continuité territoriale assurée par des bateaux que l'on maîtrise - concrètement 4 bateaux et 450 marins - ça veut que l'on n'a pas besoin de la SNCM comme elle est actuellement maitrisée et gérée depuis Marseille qui sert les intérêts politiques et financiers du port de Marseille. Il faut que l'on nous donne les moyens d'assurer le transport des personnes et du fret et s'il y a d'autres compagnies qui veulent venir faire la même chose libre à eux. Mais cela ne peut se faire qu'à travers une compagnie régionale.
- Vous imputez la responsabilité de la situation à l'Etat ?
Aujourd'hui il y a une double responsabilité de l'Etat. La première c'est celle d'avoir laissé perdurer un système qui a tué l'économie corse : c'est à dire la SNCM, Veolia, Butler et toutes les magouilles des copains et des coquins qui ont empêché de mettre en place une véritable stratégie de développement régional à travers la maîtrise de ses transports.
La seconde c'est celle du blocage et du surblocage que l'on vit encore aujourd'hui avec les transporteurs alors que l'on se souvient quand il s'agissait des marins STC qui ne faisaient que transporter un bateau de Marseille à Bastia, on leur a envoyé le commando Hubert pour les déloger. Aujourd'hui on nous explique que l'on ne peut rien faire sur le port de Marseille : c'est prendre les gens pour des imbéciles. Je ne demande pas que l'on envoie l'armée pour déloger les grévistes à Marseille, mais ça été fait à un moment et à l'époque personne ne s'est ému de ça…
- Vos rapports avec les transporteurs ?
- Il est hors de question d'avoir une confrontation avec les transporteurs ou qui que ce soit. Pour nous la situation d'aujourd'hui relève de la responsabilité de l'Etat, de la préfecture. Les transporteurs défendent leur logique et nous la notre : que la continuité territoriale se fasse aujourd'hui comme elle se fera et doit se faire demain en sortant du système actuel pour aller vers une compagnie régionale. Pour l'instant, on gère l'instantané. Aujourd'hui, il faut que les marchandises transitent.
- Votre action est à l'opposé de celle des transporteurs ?
- Non. Qu'ils bloquent pour faire précipiter les choses, pourquoi pas ? Ainsi au lieu de durer une semaine le problème sera réglé en un jour. On ne veut pas dénoncer leur comportement. Mais il y a une situation qui s'envenime et on vient à l'Etat pit dire que tout cela est de sa faute.
- Des conséquences directes?
- J'ai une moissonneuse qui est bloquée sur le port de Marseille et 300 hectares de céréales qui ne vont pas être moissonnés. Il y a des gens qui attendent leurs bouteilles. D'autres leurs cagettes pour les fruits et les légumes car les 2 tiers de la production agricole corse est consommée pendant la saison touristique, etc.
- Une action ?
- On n'en est pas là. Cette démarche auprès des représentants de l'Etat est faite pour faire remonter le message. Dans un second temps si la situation ne devait pas évoluer, on ira sur une mobilisation syndicale qui sera dirigée contre l'Etat.
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Dans le courant de l'après-midi les agriculteurs se sont rapprochés des autres socioprofessionnels de Corse pour constituer un front commun.