Jean-Nicolas Antoniotti, président des Demeures Corses, et Christian Louis Victor, président de l’Union des maisons françaises (UMF), à Bastia, lors de l'inauguration de la maison-pilote dans les arbres en ville, médaille d'or du Challenge des maisons innovantes.
- Pourquoi un Challenge des maisons innovantes ?
- Chaque année, depuis quinze ans, nous emmenons près de 500 entreprises dans une capitale européenne pour juger des produits proposés par des constructeurs appartenant à l’UMF. Le jury est composé d’architectes, de journalistes de la construction et de constructeurs. Les pairs des concurrents votent pour un concurrent ! Ce qui n’est pas toujours d’une évidence criante ! Les Demeures corses ont obtenu, à deux reprises, la médaille d’or et la médaille spéciale du jury pour des opérations que cette entreprise a réalisées, notamment « la maison-pilote dans les arbres en ville » récemment inaugurée.
- Qu’est-ce qui motive une médaille d’or ?
- L’objectif du challenge des maisons innovantes est de tirer vers le haut les produits proposés par les constructeurs de maison individuelle en France métropolitaine et dans les DOM. Le prix récompense un projet qui dépasse les barrières techniques ou technologiques pour intégrer la modernité, le développement durable et toutes les règles qui, pour certains, sont très contraignantes, mais définiront le produit des années futures. Ce produit devra, impérativement, être configuré dans une politique réelle, et pas seulement en phraséologie, du développement durable.
- Qu’entendez-vous par politique réelle du développement durable ?
- C’est une politique qui permet d’intégrer lucidement, techniquement, économiquement et culturellement les impositions règlementaires, définies par les pouvoirs publics et d’inspiration souvent européenne, sur tout ce qui peut toucher à l’indépendance énergétique des bâtiments construits. Elle se décline en plusieurs étapes : la règlementation thermique (RT) de 2005 renforçait l’isolation thermique des logements, notamment des maisons qui sont devenues de moins en moins consommatrices d’énergie. La RT 2012, applicable depuis le 1er janvier 2013, situe un plafond de consommation d’énergie : nombre de kilowatts par m2 et par an. En 2020, la RT fera un grand saut dans le futur avec l’indépendance énergétique totale des bâtiments qui devront produire plus d’énergie qu’ils n’en consomment.
- N’est-ce pas très ambitieux ?
- Cette politique est ambitieuse, mais correspond à une réalité d’objectifs politiques d’indépendance énergétique du pays. Elle doit, effectivement, être menée graduellement. Le Challenge des maisons innovantes a institué un continuum de dynamiques techniques et technologiques permettant aux constructeurs de tester, tous les ans, de nouveaux projets qui s’intègrent dans les échéances fixées par les pouvoirs publics.
- L’indépendance énergétique est-elle un enjeu fondamental de la construction de la maison de demain ?
- C’est un enjeu politique global pour le pays. La construction doit répondre, avec ses moyens, dans des politiques qui devront être ambitieuses, à cet objectif d’indépendance énergétique du pays. Ces politiques se préparent, s’anticipent. Il faut réfléchir à la problématique. C’est la stratégie que je mène depuis près de 30 ans à l’UMF et depuis 15 ans en particulier avec le Challenge des maisons innovantes.
- Ces maisons innovantes coûtent plus cher. Comment les acquérir dans la conjoncture actuelle de baisse générale des revenus ?
- C’est effectivement la problématique à laquelle nous nous heurtons aujourd’hui. La tradition en France est d’accompagner et d’encourager l’accession sociale à la propriété. Elle a été formatée, modernisée avec, par exemple en 1995, la création du prêt à taux zéro à laquelle j’avais fortement participé avec Pierre-André Périssol, le ministre du logement de l’époque. Ce prêt permettait de solvabiliser les primo-accédants qui étaient, hier, les gros accédants à la propriété d’une maison neuve.
- Ne le sont-ils plus aujourd’hui ?
- Le plan de relance, initié par le président Sarkozy en 2010, a fortement raboté la capacité de ce prêt à taux zéro à solvabiliser l’entrée des classes moyennes. Il a, notamment, réduit la période d’amortissement du prêt, ce qui a augmenté les mensualités et désolvabilisé la clientèle. Ces dispositions, initiées par le ministre Benoist Apparu et accentuées par la loi Duflot, ont été réaménagées favorablement par le 1er ministre Manuel Valls et par la loi Pinel. On note une petite amélioration dans le plan Valls 2, annoncé fin août. Mais ces améliorations s’effectuent à périmètre budgétaire constant, donc à la marge. Cette volonté d’améliorer les choses n’a pas pris en compte l’ampleur du phénomène à régler.
- C’est-à-dire ?
- Il faut financer le différentiel de coût de construction nécessaire pour s’adapter aux nouvelles normes qui rendent les bâtiments plus performants technologiquement et énergétiquement, donc plus cher au m2. Ce différentiel a été progressivement raboté par un zonage de la France qui a été divisée en 4 zones : A, B1, B2 et C. A et B1 étaient des zones dites très denses (centre de Paris, des grandes villes…). A Paris, les terrains, comme les produits, même en collectif, sont trop chers, donc inaccessibles aux primo-accédants. Le dispositif mis en place est totalement inopérant par rapport au financement des investissements majorés comparés aux coûts réels. Il a pénalisé les zones B2 et C (zones en périphérie des petites agglomérations et zones rurales), là où habitent 62% des Français et qui correspondent au périmètre de 94% des 36823 communes.
- Quel est le pourcentage de propriétaires de maisons individuelles en France ?
- La maison représente, en France, la majorité des 31 millions de logements existants. 57% des Français sont propriétaires de leur habitat qui est, en priorité, une maison. Les Français ont deux outils de sécurisation financière de leur futur : l’assurance-vie et la propriété de leur logement. Ils privilégient dans leur cœur la maison qui symbolise l’indépendance, l’autonomie et une certaine notion de la propriété que l’on n’a pas forcément dans un habitat collectif.
- Les perspectives d’évolution du marché de la maison individuelle ne sont-elles pas aussi obérées par la crise économique ?
- Ces perspectives sont contraintes par un certain nombre d’éléments issus d’une conception urbanistique et politique de la ville. Par exemple, la logique de densité. Des lois permettent de construire plus dense, de reconstruire la ville sur la ville en meublant les dents creuses. Le but est de diminuer, à la périphérie des villes, l’urbanisation pour réserver les terrains à l’activité agricole, par exemple. Tout cela reste, bien sûr, encore à démontrer eu égard à la politique agricole commune et à son financement européen qui sont un tout autre problème. Les terrains disponibles en ville représentent un potentiel de construction d’environ 180 000 logements par an pendant 6 à 7 ans alors que le besoin en logements neufs tourne autour de 450 000 par an. Le président Hollande avait fixé un objectif de 500 000, nous en sommes très loin ! Fin 2014, moins de 300 000 logements seront livrés.
- Quelle serait, pour vous, la maison durable idéale ?
- La maison idéale est polymorphe. Elle se décline sur trois sites différents. Aujourd’hui se pose la nécessité de construire des maisons dans les villes, donc de concevoir des maisons qui ne sont évidemment pas entourées d’un jardin de 600 m2, mais développent des concepts architecturaux et urbanistiques d’habitat accolé. Ensuite, à la périphérie des agglomérations, l’idée est de privilégier des groupements de maisons, peut-être dans des habitats plus denses, pour rationnaliser l’ensemble des services collectifs indispensables : transports, aménagements au niveau de l’eau, de l’énergie, des centres scolaires… Il faut, enfin, répondre aux besoins de résidences secondaires que chacun peut espérer posséder en bord de mer, en plaine, en montagne, à la lisière d’une forêt… pour passer ses vacances ou sa retraite. Ces trois types de maisons correspondent à des sites, des architectures et des assemblages urbanistiques différents, mais devront intrinsèquement comporter les mêmes qualités techniques pour, en 2020, devenir des bâtiments totalement autonomes en énergie.
Propos recueillis par Nicole MARI
- Chaque année, depuis quinze ans, nous emmenons près de 500 entreprises dans une capitale européenne pour juger des produits proposés par des constructeurs appartenant à l’UMF. Le jury est composé d’architectes, de journalistes de la construction et de constructeurs. Les pairs des concurrents votent pour un concurrent ! Ce qui n’est pas toujours d’une évidence criante ! Les Demeures corses ont obtenu, à deux reprises, la médaille d’or et la médaille spéciale du jury pour des opérations que cette entreprise a réalisées, notamment « la maison-pilote dans les arbres en ville » récemment inaugurée.
- Qu’est-ce qui motive une médaille d’or ?
- L’objectif du challenge des maisons innovantes est de tirer vers le haut les produits proposés par les constructeurs de maison individuelle en France métropolitaine et dans les DOM. Le prix récompense un projet qui dépasse les barrières techniques ou technologiques pour intégrer la modernité, le développement durable et toutes les règles qui, pour certains, sont très contraignantes, mais définiront le produit des années futures. Ce produit devra, impérativement, être configuré dans une politique réelle, et pas seulement en phraséologie, du développement durable.
- Qu’entendez-vous par politique réelle du développement durable ?
- C’est une politique qui permet d’intégrer lucidement, techniquement, économiquement et culturellement les impositions règlementaires, définies par les pouvoirs publics et d’inspiration souvent européenne, sur tout ce qui peut toucher à l’indépendance énergétique des bâtiments construits. Elle se décline en plusieurs étapes : la règlementation thermique (RT) de 2005 renforçait l’isolation thermique des logements, notamment des maisons qui sont devenues de moins en moins consommatrices d’énergie. La RT 2012, applicable depuis le 1er janvier 2013, situe un plafond de consommation d’énergie : nombre de kilowatts par m2 et par an. En 2020, la RT fera un grand saut dans le futur avec l’indépendance énergétique totale des bâtiments qui devront produire plus d’énergie qu’ils n’en consomment.
- N’est-ce pas très ambitieux ?
- Cette politique est ambitieuse, mais correspond à une réalité d’objectifs politiques d’indépendance énergétique du pays. Elle doit, effectivement, être menée graduellement. Le Challenge des maisons innovantes a institué un continuum de dynamiques techniques et technologiques permettant aux constructeurs de tester, tous les ans, de nouveaux projets qui s’intègrent dans les échéances fixées par les pouvoirs publics.
- L’indépendance énergétique est-elle un enjeu fondamental de la construction de la maison de demain ?
- C’est un enjeu politique global pour le pays. La construction doit répondre, avec ses moyens, dans des politiques qui devront être ambitieuses, à cet objectif d’indépendance énergétique du pays. Ces politiques se préparent, s’anticipent. Il faut réfléchir à la problématique. C’est la stratégie que je mène depuis près de 30 ans à l’UMF et depuis 15 ans en particulier avec le Challenge des maisons innovantes.
- Ces maisons innovantes coûtent plus cher. Comment les acquérir dans la conjoncture actuelle de baisse générale des revenus ?
- C’est effectivement la problématique à laquelle nous nous heurtons aujourd’hui. La tradition en France est d’accompagner et d’encourager l’accession sociale à la propriété. Elle a été formatée, modernisée avec, par exemple en 1995, la création du prêt à taux zéro à laquelle j’avais fortement participé avec Pierre-André Périssol, le ministre du logement de l’époque. Ce prêt permettait de solvabiliser les primo-accédants qui étaient, hier, les gros accédants à la propriété d’une maison neuve.
- Ne le sont-ils plus aujourd’hui ?
- Le plan de relance, initié par le président Sarkozy en 2010, a fortement raboté la capacité de ce prêt à taux zéro à solvabiliser l’entrée des classes moyennes. Il a, notamment, réduit la période d’amortissement du prêt, ce qui a augmenté les mensualités et désolvabilisé la clientèle. Ces dispositions, initiées par le ministre Benoist Apparu et accentuées par la loi Duflot, ont été réaménagées favorablement par le 1er ministre Manuel Valls et par la loi Pinel. On note une petite amélioration dans le plan Valls 2, annoncé fin août. Mais ces améliorations s’effectuent à périmètre budgétaire constant, donc à la marge. Cette volonté d’améliorer les choses n’a pas pris en compte l’ampleur du phénomène à régler.
- C’est-à-dire ?
- Il faut financer le différentiel de coût de construction nécessaire pour s’adapter aux nouvelles normes qui rendent les bâtiments plus performants technologiquement et énergétiquement, donc plus cher au m2. Ce différentiel a été progressivement raboté par un zonage de la France qui a été divisée en 4 zones : A, B1, B2 et C. A et B1 étaient des zones dites très denses (centre de Paris, des grandes villes…). A Paris, les terrains, comme les produits, même en collectif, sont trop chers, donc inaccessibles aux primo-accédants. Le dispositif mis en place est totalement inopérant par rapport au financement des investissements majorés comparés aux coûts réels. Il a pénalisé les zones B2 et C (zones en périphérie des petites agglomérations et zones rurales), là où habitent 62% des Français et qui correspondent au périmètre de 94% des 36823 communes.
- Quel est le pourcentage de propriétaires de maisons individuelles en France ?
- La maison représente, en France, la majorité des 31 millions de logements existants. 57% des Français sont propriétaires de leur habitat qui est, en priorité, une maison. Les Français ont deux outils de sécurisation financière de leur futur : l’assurance-vie et la propriété de leur logement. Ils privilégient dans leur cœur la maison qui symbolise l’indépendance, l’autonomie et une certaine notion de la propriété que l’on n’a pas forcément dans un habitat collectif.
- Les perspectives d’évolution du marché de la maison individuelle ne sont-elles pas aussi obérées par la crise économique ?
- Ces perspectives sont contraintes par un certain nombre d’éléments issus d’une conception urbanistique et politique de la ville. Par exemple, la logique de densité. Des lois permettent de construire plus dense, de reconstruire la ville sur la ville en meublant les dents creuses. Le but est de diminuer, à la périphérie des villes, l’urbanisation pour réserver les terrains à l’activité agricole, par exemple. Tout cela reste, bien sûr, encore à démontrer eu égard à la politique agricole commune et à son financement européen qui sont un tout autre problème. Les terrains disponibles en ville représentent un potentiel de construction d’environ 180 000 logements par an pendant 6 à 7 ans alors que le besoin en logements neufs tourne autour de 450 000 par an. Le président Hollande avait fixé un objectif de 500 000, nous en sommes très loin ! Fin 2014, moins de 300 000 logements seront livrés.
- Quelle serait, pour vous, la maison durable idéale ?
- La maison idéale est polymorphe. Elle se décline sur trois sites différents. Aujourd’hui se pose la nécessité de construire des maisons dans les villes, donc de concevoir des maisons qui ne sont évidemment pas entourées d’un jardin de 600 m2, mais développent des concepts architecturaux et urbanistiques d’habitat accolé. Ensuite, à la périphérie des agglomérations, l’idée est de privilégier des groupements de maisons, peut-être dans des habitats plus denses, pour rationnaliser l’ensemble des services collectifs indispensables : transports, aménagements au niveau de l’eau, de l’énergie, des centres scolaires… Il faut, enfin, répondre aux besoins de résidences secondaires que chacun peut espérer posséder en bord de mer, en plaine, en montagne, à la lisière d’une forêt… pour passer ses vacances ou sa retraite. Ces trois types de maisons correspondent à des sites, des architectures et des assemblages urbanistiques différents, mais devront intrinsèquement comporter les mêmes qualités techniques pour, en 2020, devenir des bâtiments totalement autonomes en énergie.
Propos recueillis par Nicole MARI